• Aucun résultat trouvé

I. Matières en suspension, particules et colloïdes

2. Particules et colloïdes

Il est clairement admis que les matières en suspension jouent un rôle dans le transfert des contaminants, organiques, biologiques et métalliques. Les solides les plus divisés de ces MES, qu'on qualifie de particules et colloïdes, sont reconnus comme les principaux acteurs du transport des polluants. On va laisser de côté les macro-constituants, les produits de décomposition de matières animales ou végétales, endogènes et exogènes.

Bien que faisant l’objet de nombreuses recherches depuis quelques dizaines d’années, le rôle précis des colloïdes et particules dans les systèmes environnementaux reste mal compris. Dans les sols et les sédiments, l’influence positive des fractions colloïdales sur le transport est bien identifié, mais rarement quantifié. De même, il est admis que la biodisponibilité des contaminants est fortement liée aux interactions entre contaminants et surfaces colloïdales, mais peu d’études sont capables de distinguer l’adsorption et les effets directs d’un colloïde sur l’organisme biologique test. Bien qu’il soit communément accepté que le cycle des éléments dépende fortement de leur adsorption sur les phases colloïdales, cette dépendance, quantifiable éventuellement par le lien élément-colloïde, est estimée de manière inégale en fonction de l'élément et du système étudié.

La définition précise des colloïdes ou des systèmes colloïdaux environnementaux est encore source de débat, malgré l'édition de nombreux ouvrages et publications (Buffle et Van Leeuwen, 1992; Wilkinson, 2007). L'idée générale autour de laquelle la majorité s'accorde est la suivante : les colloïdes dits environnementaux sont des suspensions très diluées de phases solides dans l'eau ou dans l'air atmosphérique. Parce que de taille nanométrique à micrométrique, on considère que la surface et les propriétés de surface prédominent par rapport au volume. La taille est donc le premier critère de définition et pour le reste du manuscrit, on reprendra la définition donnée par l'IUPAC (Everett, 1972):

PARTIE I : Introduction

-les colloïdes ont au moins une dimension comprise entre 1 micron et 1 nm -les particules présentent des dimensions supérieures au micron.

Bien qu'elle soit nécessaire, la description des ces objets par la taille, par la distribution entre fractions granulométriques reste insuffisante pour la compréhension des mécanismes. La taille même des phases solides en suspension dans les eaux de surface n'est pas le paramètre unique expliquant les propriétés de transport et la réactivité de surface de ces objets sub-micrométriques, voire nanométriques. Il apparaît primordial de considérer la nature chimique et physique de ces espèces pour mieux les définir. Ainsi, par la complexité physique et chimique des colloïdes et particules naturels, et l'absence de normalisation ou standardisation des protocoles analytiques, les données expérimentales peuvent rarement être comparées les unes aux autres. Par exemple il n'est pas encore possible d'établir des relations directes entre les perméats ou les rétentats d'une membrane donnée et leur fonction dans le système naturel. La définition selon la taille est typiquement essentiellement opérationnelle, alors qu'une définition fondée sur la structure colloïdale ou encore son action spécifique dans le milieu apporterait bien plus à la compréhension du système naturel. On pourrait faire par exemple la comparaison avec les macromolécules biologiques, qui ont un rôle prédéfini dans le fonctionnement d'une cellule ou d'un organisme vivant.

Taille et nature (physique et chimique) des colloïdes et particules en suspension sont donc les deux axes qui doivent être pris en compte pour les définir, et ceci de manière simultanée. Est il possible de trouver une relation entre nature et taille?

Dans plusieurs ouvrages, taille et nature peuvent apparaître comme liées l'une à l'autre (Buffle et al., 1992; Stumm et Morgan, 1996). Cette vision de la composition organique, minérale et biologique des colloïdes et particules en fonction de la taille, ou au mieux en fonction du seuil de coupure entre plusieurs fractions granulométriques, reste indicative mais ne peut être généralisée à l'ensemble des systèmes environnementaux (Figure 1). Toutefois, cette représentation de la composition en fonction de la taille a l'avantage de mettre en évidence la diversité des composants en nature et en taille. Une telle classification est forcément artificielle, car les entités colloïdales existent rarement sous forme de composants uniques et sont le plus souvent des hétéro-agrégats, aux composants de natures et tailles diverses. La taille constitue un paramètre important dans la définition des colloïdes, et est indispensable pour la compréhension du

comportement colloïdal et reste pour l'instant le paramètre standard qui permet d'établir des liens ou d'effectuer des comparaisons entre des études de systèmes distincts. L’hétérogénéité de ces solides est le troisième paramètre important qui doit être pris en compte pour comprendre les mécanismes lies à la réactivité de ces particules.

! !! " "! # µ $ % & ' ( ) * & $ ( + , , , -. / ! 0 % , 1 , .

Figure 2 : Distribution en taille des composants organiques et minéraux des colloïdes et particules (CPOM : Coarse Particulate Organic Matter ; PPOM : Particulate Polycyclic Organic Matter ;

VPOM : Very Fine Particulate Organic Matter).

D'autres paramètres, liés ou non à la taille, sont nécessaires pour la description des particules et colloïdes.

Si on repart une vingtaine d'années en arrière, la définition des propriétés des particules et colloïdes faisait apparaître, au-delà de la taille, la notion de réactivité chimique. Par extension, les colloïdes et particules naturels peuvent être définis par leur potentiel chimique (Stumm, 1993) et être considérés thermodynamiquement au même titre que les espèces chimiques du compartiment

PARTIE I : Introduction

dissout. Dans son article de 1993, Stumm écrivait "les colloïdes sont des objets dynamiques; ils sont générés de manière continue; subissent des modifications de leur composition et sont constamment déplacés du milieu aqueux par coagulation, agrégation, sédimentation et par dissolution".

Les particules et colloïdes sont susceptibles de participer à différentes réactions physiques et chimiques (Stumm, 1993) :

collection d'autres particles, agrégation, coagulation transport d'espèces chimiques

piégeage ou liaison avec substances hydrophobes qui s'accumulent en surface par simple effet répulsif vis à vis du milieu aqueux

échange de ligands entre la surface et la solution; les groupements de surface organiques ou inorganiques agissent comme des acides-bases de Lewis envers les anions, protons ou cations métalliques, ou autres acides faibles présents en solution. La formation de ccomplexes de surface peut être comparée à la formation de complexes en solution

échange ionique, la surface chargée est susceptible d'adsorber des ions métalliques, des protons et des ligands

échange d'électrons, les groupements de surface de certains oxydes (Mn, Fe) sont susceptibles de s'engager dans des réactions d'oxydo-réduction.

La formation de liaisons hydrophobes, la formation de complexes de sphère externe ou interne sont prédominantes dans le jeu d'interactions entre particules naturelles et contaminant chimique. Les liaisons hydrophobes sont dépendantes de l'hydrophobicité relative des groupements de surface, de la nature de la matière organique associée aux agrégats. La complexation de surface est directement liée à la surface accessible, et à la nature des groupements de surface. La connaissance des différents constituants des particules et colloïdes devrait donc permettre de retrouver ou reconstituer leurs réactivité vis à vis d'espèces en solution.

En résumé, pour définir correctement les colloïdes et les particules en suspension, il est nécessaire de se baser sur leur taille, mais de prendre en compte également leur nature, chimique et physique, qui peut être extrêmement variée. À ces deux critères, il convient d’ajouter la notion d’hétérogénéité de composition et d’organisation, ainsi que la variabilité temporelle de ces objets.

Ces éléments de description ne peuvent être établit de manière exacte pour des agrégats aux constituants hétérogènes en taille, cristallinité, nature (organique, minérale). La difficulté inhérente à l'étude des colloïdes et particules naturels n'est pas seulement leur hétérogénéité de composition, mais c'est aussi leur temporalité, et le caractère versatile de leur réactivité de surface. Il suffit en effet, d'une augmentation de la conductivité, d'une modification de la valence des ions majeurs en solution, d'une augmentation de la concentration en matière organique pour qu'une partie de la surface accessible, ne le soit plus, diminuant fortement la réactivité de surface des solides. Cette réactivité influence également la qualité du prélèvement.

Une première manière de s'affranchir de ces difficultés est d'étudier des systèmes contrôlés à 1, 2 ou 3 composants. Ces études permettent de dégager des mécanismes, des données qui peuvent nourrir les codes de calcul pour la modélisation de la chimie des eaux et/ou du transport des espèces chimiques. Bien que ces études soient riches d'enseignements sur les propriétés de colloïdes de synthèse, les confrontations des systèmes contrôlés aux systèmes réels restent toutefois difficiles.

La bonne connaissance du système naturel apparaît donc fondamentale. Afin d'approcher au mieux la complexité des systèmes colloïdaux, la méthodologie d'investigation des particules et colloïdes naturels s'enrichit de nouveaux outils, de nouvelles techniques. L'étude des composés inorganiques est peut être la plus facile à mettre en oeuvre, au moins en apparence. La microscopie électronique à transmission, couplée à un système de détection des photons X (EDXS) est la méthode d'analyse la plus répandue, car adaptée en terme de résolution spatiale et facile à mettre en oeuvre (leppard, 1992; Chen et Buffle, 1996; 1996b; Macrovordatos et al., 2007). Parmi les nombreux exemples cités sur l'identification des composantes minérales, peu ou pratiquement pas de spectroscopie des rayons X (XAS, XANES...). L'utilisation d'un faisceau X pour l'analyse de cette matière divisée sous entend une résolution spatiale adaptée. La microscopie X, basée sur la focalisation du faisceau par des lentilles de Fresnel, est une des techniques émergentes des vingt dernières années (voir aussi PARTIE II pour une présentation plus détaillée).

L'étude de la distribution en taille a connu elle aussi des avancées méthodologiques, par séparation ou visualisation: ultrafiltration, flow-field fractionation, microscopies à force atomique AFM, microscopies électroniques à balayage ou transmission compteur laser de particules, LIBD (Wilkinson, 2007).

PARTIE I : Introduction

Documents relatifs