3.3 Le bruit de vibration : limite du senseur inertiel
4.1.1 Particule dans un potentiel p´eriodique
Soit un atome soumis `a deux ondes progressives d’amplitude E0 et de fr´equence ω se propageant dans 2 directions oppos´ees. Le champ qui r´esulte de l’interf´erence est modul´e spatialement :
E(x) = 2E0cos(kx) (4.5)
o`u k = ω/c. La principale action du laser sur l’atome, pourvu que l’on soit suffisamment loin de la r´esonance, est de d´eplacer ses niveaux d’´energie. Ce d´eplacement est proportionnel `a l’intensit´e du champ ´electromagn´etique, si bien que dans notre situation, il est modul´e spatialement. L’atome voit donc un potentiel p´eriodique
U (x) = U0cos2(kx) = U01 + cos(2kx)
2 (4.6)
L’amplitude de la modulation s’´ecrit en tenant compte du couplage de l’atome avec tous les ´etats excit´es. Dans le cas d’un d´esaccord3∆ suffisamment grand devant la structure hyperfine de l’´etat excit´e, on obtient que
U0= 1 2(~Γ) µ I Is ¶ µ Γ ∆ ¶ (4.7)
o`u I est l’intensit´e de chaque faisceau laser.
Le hamiltonien est donc celui d’un potentiel p´eriodique sinuso¨ıdal de p´eriode spatiale λ/2
H = pˆ2
2m+
U0
2 cos(2kˆx) (4.8)
(nous avons supprim´e le terme constant U0/2).
Cet hamiltonien est ´etudi´e d`es les d´ebuts de la m´ecanique quantique, en particulier parce qu’il mod´elise la situation id´eale d’un ´electron soumis au potentiel p´eriodique d’un r´eseau cristallin. En 1929, F. Bloch a publi´e un article dans lequel il d´ecrit les ´etats propres et les niveaux d’´energie d’un tel syst`eme [44]. La description de ces ´etats repose sur ce que l’on appelle le th´eor`eme de Bloch4. Il y a depuis le d´eveloppement des atomes froids pi´eg´es dans
3∆ repr´esente le d´esaccord par rapport `a la transition `a un photon : ∆ = ω − ωae
90 Chapitre 4 : Mesurer h/m avec des oscillations de Bloch
un r´eseau un regain d’int´erˆet pour ces ´etudes, car on peut r´ealiser un syst`eme proche du cas id´eal [46, 23].
Le th´eor`eme de Bloch
Pour diagonaliser cet hamiltonien, il faut tout d’abord remarquer qu’il est invariant par translation dans l’espace des x d’une quantit´e multiple de la p´eriode d = λ/2. En d’autres termes, il commute avec l’op´erateur de translation Td d´efini par5
Td= eipdˆ~ (4.9)
La cons´equence de cette propri´et´e, qui constitue le th´eor`eme de Bloch, est qu’il est possible de trouver une base de diagonalisation commune `a Td et `a H.
Les valeurs propres de Td sont l’ensemble des nombres complexes de module 1, que l’on peut d´ecrire par eiqd, o`u q ∈] −π
d,π
d]. Les ´etats propres associ´es sont les fonctions d’ondes de la forme
ψq(x) = uq(x)eiqx (4.10)
o`u u(x) est une fonction de p´eriode d.
Il est assez difficile de donner une interpr´etation physique de ce bon nombre quantique
q introduit. On peut faire une analogie avec le cas d’un syst`eme libre. Dans un tel syst`eme,
invariant par toute translation, on introduit une quantit´e conserv´ee qui est appel´ee impulsion. Lorsque l’on quantifie le syst`eme, on obtient un op´erateur impulsion ˆp. Pour les ´etats propres
du hamiltonien libre qui sont des ondes planes, l’impulsion correspond au gradient de la phase (au ~ pr`es). Dans le cas du hamiltonien, avec un potentiel p´eriodique, l’impulsion n’est plus conserv´ee, ce n’est plus un bon nombre quantique. Le bon nombre quantique q que l’on a introduit, que l’on appelle quasi-impulsion, correspond non plus au gradient de la phase, mais `a la variation de la phase sur une p´eriode, divis´ee par cette p´eriode6.
En injectant l’´equation (4.10) dans le hamiltonien, on trouve une ´equation aux valeurs propres pour uq(x) :
Hquq(x) = E(q)uq(x) avec Hq = (ˆp + ~q) 2
2m + U (x) (4.11)
Ce probl`eme, qui est analogue `a celui d’une particule dans une boˆıte avec conditions aux limites p´eriodiques, admet un ensemble discret de solutions p´eriodiques un,q d´ecrites par un entier n > 0 appel´e indice de bande.
Un ´etat de Bloch est donc d´ecrit par deux nombres : – un indice discret n
– une quasi-impulsion q ∈] − πd,πd]
5Tdest d´efini avec un point de vue passif (le r´ef´erentiel est translat´e de a). Ainsi hx |Td| ψi = |ψ(x + d)i
4.1 Atome dans une onde stationnaire 91 0 2 4 6 8 10 −1 −0.5 0 0.5 1 E [E r ] p [}k] 2 4 6 8 10 12 14 16 −1 −0.5 0 0.5 1 E [E r ] p [}k]
Fig. 4.4 – Niveaux d’´energie en fonction de la quasi-impulsion pour les 3 premi`eres bandes. A gauche : limite des liaisons faibles (U0 = Er) : l’´energie est proche de celle d’une particule libre (trait pointill´e), sauf en bord de zone, o`u il y a une ouverture de bande ; `a droite : limite des liaisons fortes (U0= 10Er). Dans ce cas, la premi`ere bande est quasiment plate.
Nous noterons |n,qi les ´etats de Bloch correspondants (et ψn,q(x) leur fonction d’onde), et En(q) leur ´energie. Nous verrons dans un chapitre suivant comment calculer les ´etats de Bloch ainsi que leur ´energie, pour diff´erentes valeurs du potentiel. Le r´esultat essentiel est que pour chaque indice n, l’´energie En(q) forme une bande continue, s´epar´ee des autres bandes d’´energie7.
Interpr´etation quantique du th´eor`eme de Bloch
L’approche optique quantique nous permet de donner une interpr´etation et une d´emons-tration plus intuitive du th´eor`eme de Bloch.
Dans cette approche, nous consid´erons les modes quantifi´es du champ, et l’´etat atomique avec une impulsion bien d´etermin´ee. Les ´etats que nous allons consid´erer sont donc les sui-vants : |p,n1,n2i, o`u p d´esigne l’impulsion de l’atome, n1 et n2 le nombre de photons dans chacun des deux faisceaux lasers.
Le hamiltonien comporte alors :
– L’´energie cin´etique de l’atome p2/2m
7Remarquons que les solutions un,qde l’´equation 4.11 sont d´efinies quelque soit q. Nous attirons l’attention sur le fait que la fonction un,q(z) n’est pas p´eriodique avec q, mais que seule la fonction ψn,q(z) = un,qeiqz
92 Chapitre 4 : Mesurer h/m avec des oscillations de Bloch
– L’´energie des photons : n1~ω1+ n2~ω2. Dans la suite, nous ne consid´ererons que des transitions `a deux photons, c’est-`a-dire l’´echange d’un photon entre les deux faisceaux lasers. Cette ´energie ne jouera aucun rˆole dans le cas o`u ω1 = ω2.
– L’´energie d’interaction entre les photons et la mati`ere. Nous nous pla¸cons directement dans le cas de la transition `a deux photons, o`u nous avons8 :
Vint|p,n1,n2i = U0
4 [|p + 2~k,n1− 1,n2+ 1i + |p − 2~k,n1+ 1,n2− 1i] (4.12) L’hamiltonien de couplage d´ecrit le processus d’une transition `a deux photons, avec ´echange de deux quanta d’impulsion ~k entre les atomes et le champ. Nous avons aussi fait l’approxi-mation d’un champ coh´erent intense, c’est-`a-dire que l’on ´ecrit que l’amplitude de transition
U0 ne d´epend pas du nombre de photons.
Du point de vue de l’atome, cet hamiltonien ne couple que des ´etats dont l’impulsion est s´epar´ee par un multiple de 2~k. Pour un q donn´e, l’espace engendr´e par les |q + 2lki, l ∈ Z est donc stable sous l’effet de l’hamiltonien. C’est-`a-dire que l’on peut ´ecrire les ´etats propres sous la forme :
|Ψi =X
l
Φl|q + 2lki (4.13)
ce qui est ´equivalent au th´eor`eme de Bloch o`u |Ψi est un ´etat de quasi-impulsion q.
Dans cette approche, l’´ecart entre les bandes se comprend comme la r´esonance entre deux ´etats coupl´es par Vint. Elle a lieu lorsque leur ´energie cin´etique est la mˆeme, c’est-`a-dire en bord de la premi`ere zone de Brillouin.
Lorsque l’on regarde les ´etats propres de Bloch, les amplitudes Φlvont d´ependre de l’indice de bande et de q. On introduit alors la notation suivante pour les ´etats de Bloch :
|n,qi =X
l
Φn(q + 2lk)|q + 2lki (4.14)
Nous d´emontrons en annexe que cette fonction Φnn’est autre que la fonction de Wannier [47] en repr´esentation p.