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II. Présentation des sites d'étude

II.2. Le site de vignoble péri-urbain de Wintzenheim

II.2.2. Particularité des apports anthropiques

L’arsenic est le 51ème élément en termes d'abondance dans la croûte terrestre, il se trouve dans tous les types de milieux, que ce soit l’atmosphère, les milieux aquatiques, les sols, les sédiments, les roches ou les organismes vivants. C’est un élément chalcophile se combinant au soufre pour former des sulfo-arséniures. Si cet élément est un constituant mineur des minéraux des roches, ce sont les activités humaines qui contribuent en majorité à l'apport d’arsenic à l’environnement. Il a été estimé que les émissions globales d’arsenic étaient comprises entre 24000 t.an-1 et 124000 t.an-1 (Loebenstein, 1994). C’est un élément essentiel à la vie puisqu’un être humain a besoin de 10 à 20 µg d’arsenic par jour (Jacotot & Le Parco, 1999). Cependant, un apport trop important peut être toxique : l’inhalation de 100 mg.kg-1 d’hydrogène arsénié (AsH3) entraine la mort dans les 30 minutes (Laperche et al., 2003). L’arsenic peut présenter quatre degrés d’oxydation : (-3), (0), (+3) et (+5). Dans les sols, ses composés correspondent principalement à des espèces inorganiques présentant les degrés d’oxydation As[V] arséniate et As[III] arsénite (Harper & Haswell, 1988; cité dans Matera et al., 2003). La forme As[V] est moins toxique et moins mobile que la forme As(III) du fait du plus fort potentiel d’adsorption de As[V] sur les minéraux (Pierce & Moore, 1982). Il existe plus de 200 minéraux contenant de l’arsenic. Dans les sols, la mobilité de l’arsenic est principalement contrôlée par les processus d’adsorption/désorption, les réactions de dissolution/précipitation et les mécanismes microbiologiques. La capacité d’adsorption de l’arsenic sur les différents constituants du sol (argiles, oxydes d’aluminium, de fer, de manganèse, carbonates de calcium et/ou matière organique) est fortement dépendante des facteurs physico-chimiques du milieu tels que l’état d’hydratation, le pH, les conditions d'oxydo-réduction, l'état de coordination des cations (Sadiq, 1997). Ainsi As[V] est préférentiellement adsorbé sur les oxydes pour des pH de 4 à 7, et As[III] pour des pH de 7 à 10 (Pierce & Moore, 1980; Pierce & Moore, 1982). De plus, Lin & Puls (2000) ont montré que As[V] est plus fortement adsorbé sur les argiles que As[III]. Concernant les substances humiques, l’adsorption d’As[V] est maximale pour un pH égal à 5,5, et celle de As[III] pour un pH égal à 8,5 (Thanabalasingam & Pickering, 1986; cité dans : Matera et al., 2003).

Dans les sols d’environnement contaminés, de nombreuses études ont montré des précipitations d’arsenic. Ainsi, Voigt et al. (1996) ont rapporté le cas de la précipitation naturelle d’hornesite (Mg3(AsO4)2.8H2O) et Juillot et al. (1999) ont relevé des occurrences d’arséniates de calcium ; tandis que la formation de scorodite (FeAsO4.2H2O) et la sorption

d’arséniate sur des oxy-hydroxydes ferriques et des aluminosilicates ont été mises en évidence par Forster et al. (1998). Enfin, Davis et al. (1996) ont observé la formation d’oxydes arséniés métalliques, d’oxydes de fer arséniés et de phosphates d’arsenic tels que FeAlPbAs(PO4)(SO4). En résumé, les oxy-hydroxydes métalliques s’avèrent être de bons pièges à arsenic qui s’y adsorbe suivant des phénomènes de complexation de surface. De plus, il existe une interconnexion étroite entre les mécanismes abiotiques et les phénomènes biologiques. Si les réactions d’oxydation, de réduction, d’adsorption, de dissolution, de précipitation et de volatilisation se produisent fréquemment dans les sols, certaines de ces réactions sont associées à des micro-organismes bactériens et fongiques comme le montre la figure 2.12 (Bhumbla & Keefer, 1994). La biotransformation des espèces arséniées se produit selon trois mécanismes principaux : (i) les réactions d’oxydo-réduction entre arsénite et arséniate ; (ii) la réduction et la méthylation de l’arsenic ; (iii) la biosynthèse de composées organo-arséniés. La méthylation de l’arsenic est un processus métabolique qui transforme des espèces arséniées inorganiques en formes méthylées organiques et volatiles. Jain et Ali (2000) ont montré que les composés inorganiques arséniés sont environ 100 fois plus toxiques que les composés organiques et il semble que les micro-organismes ont développé des mécanismes de détoxification de l’arsenic.

II. 2. 3. Caractéristiques pédologiques

Les principales caractéristiques physicochimiques du sol de Wintzenheim sont présentées dans le tableau 2.2. Sa granulométrie est assez homogène sur les 120 premiers centimètres, présentant une majorité de sables grossiers (200 à 2000 µm) et des teneurs d’argile autour de 10%. Dans la parcelle témoin, les niveaux 25 à 45 cm et 45 à 65 cm sont plus riches en argiles et limons fins que les niveaux inférieurs (65 à 100 cm) avec une recrudescence des éléments fins de 0 à 20 µm dans le niveau compris entre 100 et 120 cm. Ceci est corroboré par les valeurs de capacité d’échange cationique (CEC). A propos de la parcelle traitée on note les mêmes caractéristiques avec cependant un léger décalage des niveaux vers le haut. Ainsi, seul le niveau 45-65 cm apparaît réellement sableux et les niveaux 80 à 120 cm sont plus riches en argiles. Le diagramme de texture du sol (Figure 2.13) montre qu’il s’agit d’un sol limoneux-sableux avec, cependant, une tendance plus limoneuse en profondeur. Ceci est corrélable avec la présence éventuelle d’un horizon d’accumulation en place vers 1 m de profondeur. Le pH du sol est homogène avec la profondeur, restant assez basique autour de 6 dans la parcelle témoin et plus proche de 7 dans la parcelle traitée. Le niveau supérieur du sol (0 à 5 cm), le plus riche en matière organique, correspond au tapis racinaire de la zone enherbée.

La caractérisation par diffraction des rayons X de la fraction argileuse du premier mètre du sol de Wintzenheim montre une distribution des argiles assez homogène avec principalement des illites et des interstratifiés illite-smectite (figure 2.14).

L’évolution des concentrations en éléments chimiques avec la profondeur montre pour la parcelle traitée que l’aluminium, le calcium et le manganèse sont moins concentrés dans les niveaux inférieurs à 65 cm, alors que le silicium et l’arsenic sont plus concentrés dans ces niveaux (figure 2.15), qui sont plus sableux. Les concentrations en arsenic dans la parcelle témoin sont de l’ordre de 10 à 20 ppb. Là encore les niveaux sableux sont plus riches d’environ 10 à 40%. Ces valeurs d’arsenic sont légèrement inférieures à la valeur de définition de source sol (VDSS) qui est de 19 ppb et largement inférieures à la valeur de constat d’impact (VCI) qui est de 37 ppm en usage sensible et 120 ppm en usage non sensible. La valeur de VDSS est une valeur guide arbitrairement définie pour identifier et qualifier un sol comme source de pollution. La valeur de VCI permet de constater l’importance de l’impact du sol pour un usage donné. Les "VCI usage sensible" sont les valeurs réglementaires pour les usages résidentiels et les "VCI usage non sensible" pour les sols industriels (Laperche et al., 2003). Les teneurs en arsenic pour le sol témoin sont assimilables au fond géochimique de la parcelle étudiée. L’augmentation dans les niveaux sableux montre que l’arsenic n’est pas associé aux argiles. Il semblerait qu’il soit présent naturellement dans le sol associé à des particules plus grosses.

Dans la parcelle traitée, les valeurs d’arsenic sont plus élevées, comprises entre 14 et 29 ppb. Les niveaux de sol présentant les valeurs de concentration les plus élevés sont les niveaux sableux avec 28,1 ppb pour le niveau 45 à 65 cm et 29,2 ppb pour le niveau 65 à 80 cm. Ces valeurs sont deux à trois fois plus élevées que pour les autres niveaux de sol et dépassent la valeur de VDSS. Ceci indique que le sol peut être une source de pollution pour le réseau hydrographique, dont la nappe phréatique.

II. 2. 4. Synthèse

Ce site a été choisi pour le suivi dans le temps et dans l’espace de l’évolution des caractéristiques physiques et chimiques et de la distribution des particules fines présentes dans les dépôts atmosphériques et dans les eaux d’infiltration du sol.

Les caractéristiques essentielles du site sont les suivantes :

- une bonne connaissance de la composition minéralogique et chimique du sol,

- un site anthropisé avec des apports de phytosanitaires répétés sur plusieurs décennies, - un site en zone péri-urbaine dont le caractère est intermédiaire entre milieu agricole et

milieu urbain (petite agglomération) cumulant les nuisances anthropiques urbaines et agricoles.