• Aucun résultat trouvé

La participation des Etats tiers aux villes et capitales européennes de la culture

3. L’évolution des capitales européennes de la culture, reflet des enjeux du

3.2 Les capitales européennes de la culture, de véritables enjeux

3.2.3 La participation des Etats tiers aux villes et capitales européennes de la culture

La question de la participation des Etats tiers a évolué au fur et à mesure du temps. Les premiers à participer furent la Norvège (Bergen), la Pologne (Cracovie), la République Tchèque (Prague)

51

et l’Islande (Reykjavik) en 200014. La Décision 1419/1999/CE a renouvelé la possibilité pour

les Etats tiers de nominer des villes candidates. Trois villes ont ainsi obtenu le titre de CEC : Sibiu en 2007 (Roumanie, année où l’Etat rejoint l’UE), Stavanger en 2008 (Norvège) et Istanbul en 2010 (Turquie). Cependant, avec la Décision de 2006, les Etats tiers ne peuvent plus participer au-delà de 2010. La raison invoquée est que suite aux élargissements de 2004 et 2007, la plupart des Etats tiers susceptibles de participer ont rejoint l’Union Européenne, mais aussi que face à l’allongement de la liste chronologique des Etats membres, les villes des Etats tiers auraient plus de chance d’être sélectionnées (Ecorys, 2011 b).

La question de la participation des Etats tiers relève donc d’un enjeu pour les institutions européennes qui doivent garantir que le statut reste attractif auprès des Etats membres : « the ECoC has become more exclusive due to the increased need to […] safeguard the ‘interests’ of its member states » (Oancă, 2015 p.181). La rareté du statut renforce sa valeur et son attrait. Toutefois, la Décision 445/2014/UE marque la réouverture aux Etats tiers du statut de CEC pour la période 2020-2033. Il a en effet été constaté que « l'expérience passée a montré que la participation de pays candidats pouvait aider à rapprocher ceux-ci de l'Union en mettant en valeur les aspects communs des cultures européennes » (Union européenne, 2014). La base légale permet donc de faire participer les Etats tiers car cela est bénéfique pour la promotion d’un sentiment européen mais assure que les Etats membres de l’UE ne soient pas lésés. En effet, tous les trois ans, une troisième ville d’un pays candidat ou candidat potentiel qui participe au programme « Europe créative » ou à un programme européen ultérieur au moment de l’appel à candidatures, est nommée au côté des deux villes désignées des Etats membres. La participation est donc limitée à seulement certains Etats tiers, tous les trois ans. En outre, par équité avec les Etats membres qui n’auront qu’une CEC chacun pour la période 2020-2033, si une ville d’un Etat tiers est nominée, aucune autre ville de cet Etat ne pourra participer pour cette période. La liste des Etats tiers pouvant participer selon les conditions précédemment énoncées a été élargie récemment par la Décision 2017/1545 qui modifie la décision 445/2014/UE (Union européenne, 2017). Cette Décision permet aux Etats de l’Association européenne de libre échange qui font partis de l’accord sur l’Espace économique européen de participer, c’est-à-dire à la Norvège, à l’Islande et au Liechtenstein.

52

Le statut de CEC est attractif pour les Etats tiers comme le montrent des actions de lobbying menées par différentes villes. Du 27 octobre 2010 au 12 janvier 2011, la Commission européenne a ouvert une consultation en ligne sur les CEC pour préparer la nouvelle base légale pour la période 2020-2033. Cette consultation visait à recueillir l’avis des autorités publiques, des organisations mais aussi des simples particuliers. Lors de l’analyse des résultats, il a été

Figure 16 : Carte des Etats tiers pouvant potentiellement participer aux Capitales

européennes de la culture pour la période 2020-2033

Source : fond de carte : Natural Earth, http://www.naturalearthdata.com/ ; données : Union européenne, https://eur-lex.europa.eu/legal-

53

constaté que des réponses de nombreuses personnes d’Etats tiers avaient été coordonnées afin de donner la même vision et les mêmes arguments, et ce notamment en faveur de la réouverture du statut aux Etats tiers. Sur la totalité des personnes ayant répondu à la consultation, 25% proviennent d’Etats tiers, dont 17 % de la Serbie et 4% de la Russie (Ecorys, 2011 b). La Serbie est ainsi le deuxième Etat d’origine des personnes ayant répondu, ce qui est dû à la volonté d’acteurs politiques locaux de Belgrade d’obtenir le statut de CEC (Ibid.). La participation russe s’explique quant à elle par un lobbying des autorités publiques de la ville de Perm, les organisations culturelles de la ville et le ministère de la culture de la région de Perm (Oancă, 2015). Une action de lobbying a ainsi été menée entre 2010 et 2012 pour la nomination de la ville comme CEC en 2016 par les acteurs politiques locaux et régionaux avec l’aide d’acteurs culturels. Le but de ce lobbying n’était pas la nomination de Perm en soit, mais plutôt de faire parler de l’ouverture des CEC aux Etats tiers afin que des villes russes puissent participer éventuellement plus tard. L’idée était également de faire évoluer l’essence des CEC, de les séparer de l’Union européenne : « Perm’s coalition attempted to change the legal framework and institutional rules of the ECoC, to reframe the EU’s region-building and to redefine the concepts of ‘culture’ and ‘Europe’ (and separate it from the EU) » (Oancă, 2015, p.187). Les CEC étant censées promouvoir un sentiment européen aux citoyens de l’Union européenne, une telle transformation n’aurait plus coïncidé avec les objectifs des institutions européennes et l’idée originelle de Melina Mercouri de développer la culture dans une organisation trop économique.

Les CEC représentent donc des enjeux pour les nombreux acteurs y prenant part. Chaque acteur est ainsi tenté d’orienter le statut de CEC selon sa propre stratégie. Cela explique en partie l’attrait du statut, même si ce succès provient également de la capacité d’adaptation des CEC au contexte global.