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Cet effet de partage local de charge caractérise la répartition non-uniforme des charges entre les fibres lorsque certaines fibres sont cassées. Physiquement, ceci peut s'expliquer par les effets dynamiques ou de vitesse de transfert des efforts sur les fibres voisines. On peut donc penser que la rupture d'une fibre entraîne

instantanément une surcharge locale, qui peut ensuite être répartie sur toutes les autres fibres intactes, quand celle-ci ne s'est pas rompue. Une telle hypothèse est réaliste compte tenu du module d'élasticité élevé des fibres.

La notion de partage de charge consiste ainsi à répartir la charge d'une fibre cassée non pas sur l'ensemble des fibres intactes, mais uniquement sur un certain nombre de fibres voisines. Pour cela, nous avons étendu la notion de partage de charge, qui est couramment étudiée pour un réseau triangulaire de fibres [Hed67, Smi93], à des réseaux imparfaits obtenus en supprimant un pourcentage (βr) de liens du réseau initial triangulaire (Fig.2.4). Ceci permet de générer des réseaux compris entre le réseau triangulaire (βr=0) et le "réseau" de fibres isolées (βr=1). Le seuil de percolation est obtenu pour βr = 0,5 %.

Ainsi, lorsque qu'une fibre casse, sa charge est partagée entre toutes les fibres voisines connectées à elle et de manière identique (traduction numérique de l'effet dynamique). Plus généralement, lorsqu'un groupe de fibres cassées est formé (fibres connectées), ce que l'on appelle un îlot, les charges des nouvelles fibres cassées sont partagées entre les fibres connectées à l'îlot, ce qu'on appelle la berge. Le critère de rupture est atteint lorsque qu'il existe un îlot ne possédant plus de berge, i.e. plus de fibres connectées à lui. Ceci permet en effet d'obtenir le critère de fibre la plus faible (LPF) dans le cas d'un "réseau" de fibre isolée (chaque fibre est un îlot sans berge), et le critère du réseau triangulaire (le fil entier est un îlot sans berge évidemment).

Fibre

Connection

54

84

32

8

17

112

25

21

78

3

12

51

54

84

32

8

17

112

25

21

78

3

12

51

Réduction

Réseau triangulaire Réseau imparfait

Fig.2.4 Réseau imparfait de partage local de charge entre les fibres (Le réseau est défini par un tableau de connectivité avec le numéro de chaque fibre). On attribue alors à chaque fibre une contrainte à rupture en utilisant la distribution de Weibull des fibres. La simulation de la rupture est alors réalisée par itération en appliquant un incrément de charge à chaque fibre. Les charges des fibres qui cassent sont alors réparties suivant le partage local et le réseau étudié, caractérisé par βr. Ce processus est continué avant l'incrément de charge suivant, jusqu'à ce qu'aucune nouvelle fibre ne casse. Le fil se rompt lorsqu'il existe un îlot sans berge, ce qui est obtenu lorsque que par exemple des cascades de rupture de fibres apparaissent.

Les simulations ont été réalisées pour plusieurs valeurs du pourcentage de réduction βr entre 0 et 1 par pas de 0,01. Pour chaque valeur, il a été effectué 500 calculs. Ensuite la moyenne et l'écart type des forces maximales, ainsi que le minimum et le maximum ont été analysés (Fig.2.5). Par extrapolation, et par abus de notation, les valeurs du calcul en partage global de charge (PGC) ont été représentées pour βr = -1. L'échelle est légèrement déformée mais donne tout de même un ordre d'idée pour des réseaux plus denses que le réseau triangulaire. Ceci nous permet de relier le modèle PGC au modèle LPF par l'intermédiaire des simulations du modèle PLC, étudié dans cette partie.

On constate alors que la moyenne de la force à rupture décroît jusqu'à la valeur du critère de la fibre la plus faible LPF (Fmax = 40 N). À l'inverse, la dispersion , donc l'écart type augmentent considérablement lorsque le réseau est de plus en plus réduit. On a donc bien mis en évidence une source de dispersion bien plus importante que toutes celles émises jusqu'à présent. D'autre part, on constate que le couple (Fmax, Cv) est fonction du paramètre βr. On ne peut donc pas obtenir d'autres couples. On remarque alors (Tab.2.4) que pour un pourcentage de réduction βr de 0,35, il y a un très bon accord entre les données expérimentales et les calculs. Ceci confirme donc bien la présence d'un partage local de charge lors des essais de traction réalisés par Lissart [Lis94].

LPF Essais [Lis94] PLC PGC

Fmax (N) 38 (10)* 77 (8) 76 (7) 94 (2)

Cv (%) 25 10 9 2

Tab.2.4 Comparaison du modèle de partage local de charge pour βr=0,35 (Calcul sur 500 simulations) et les essais sur fils de fibres (* : entre parenthèses l'écart type).

Ce qui est aussi intéressant dans le calcul effectué est la réponse du minimum de la force à rupture Fmax. En effet alors que la moyenne et le maximum suivent une décroissance régulière en fonction de βr (Fig.2.5), le minimum est instable et n'a pas de valeurs précises pour des valeurs de βr comprise entre 0 et 0,4. Ce minimum est donc très sensible à βr. En regardant de plus près les calculs, on peut montrer que ce minimum est en fait extrêmement dispersé entre deux calculs identiques (βr est fixe, 500 simulations). C'est donc une variable aléatoire beaucoup plus dispersée que la moyenne ou le maximum.

Ceci est très important, car si l'on considère maintenant le problème d'un système série de fils (500 par exemple) soumis à un critère du fil le plus faible, la valeur à rupture correspondra au minimum calculé, et donc sera énormément dispersée. Ce résultat est surprenant puisque jusqu'à présent les études de rupture de tels systèmes prévoyaient peu de dispersion [Hil94, Bax94] ou la sous-estimaient énormément [Boy97] dans le cas, certes, de partage local sur des réseaux

triangulaires ou linéaires. Le partage local de charge est donc à la fois une source de dispersion pour la force maximale d'un fil seul, et pour le minimum de cette force pour un système de fils en série.

0 20 40 60 80 100 120 -1 -0,5 0 0,5 1 Force Maximale (N) β PGC PLC Maximum Minimum Moyenne Minimum aléatoire LPF [Har81], [Boy97] [Bat82] r Percolation

Fig.2.5 Force maximale à rupture du fil en fonction du paramètre de réduction des liens du réseau triangulaire βr (extrapolation de PGC en βr = -1).

En ce qui concerne l'effet de volume, il suffit de remarquer que le modèle de partage global de charge PGC et le modèle du lien le plus faible LPF sont sensibles à l'effet d'échelle. Pour cela il faut revenir aux équations (2.3) et (2.6), et constater que les contraintes moyennes à rupture sont des fonctions de 1/V1/m. Le modèle de partage local de charge est un modèle de transition entre ces deux modèles (Fig.2.5), ce qui veut dire que la contrainte moyenne à rupture du modèle PLC sera aussi sensible à l'effet de volume. Un tel résultat a été vérifié expérimentalement à l'aide d'essais de traction de fils bruts de fibres SiC [Lis94, Pas97].

En revanche, il est fortement probable que le minimum de la contrainte à rupture du modèle PLC, évalué sur les 500 simulations, soit nettement moins sensible à l'effet de volume. En effet pour ce paramètre, ce n'est pas la taille du fil qui est importante, mais le nombre de simulations du calcul (effet de la taille pour un système série). Or il est apparu que les calculs sur 100 simulations donnaient des résultats très similaires sur les valeurs minimales. On peut donc supposer que l'effet de volume sera atténué.

D'après ces deux remarques on peut donc affirmer que en fonction du critère de rupture choisi (fil de longueur l, ou fil formé de petits fils indépendants) et dans le cas du partage local de charge, il y aura ou non effet de volume pour le fil. Il est important de souligner que les deux approches (partages local et global) considèrent qu'il n'y a pas de rupture multiple de chaque fibre, mais qu'un fibre ne peut casser qu'une seule fois. Ce point est discuté en détail dans [Lis97].

2.2. Rupture du minicomposite et du composite

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