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Les modèles muséau

Tableau 4 : Evolution de la fréquentation des musées de France (Evolution de 2005 à 2010)

4. Palliatifs à court terme

Les conséquences de la diminution des subventions publiques et la variation des autres intrants sont problématiques. Gena Evans, dans un rapport pour l’organisation anglo- saxonne Museums Association193, a analysé les conséquences d'une diminution du financement des musées britanniques : 83% des musées avec une coupe de plus 10% du budget ont réduit leur personnel, 49% des musées ont introduit ou augmenté des frais pour les visites scolaires. Et 43% des musées ont fermé tout ou une parties de sites, de façon permanente ou temporaire. Une autre étude de la Museums Association sur les coupes budgétaires194 montre que, entre juillet 2013 et juillet 2014, 10% des musées interrogés considèrent la vente d’une partie de leur collection pour faire face à cette diminution. 32% ont dû augmenter le nombre de volontaires et de stagiaires, 34% ont dû réduire leur personnel de plus de 10% et pour 36% le nombre de visites scolaires a dû décroître. Enfin, un quart a diminué les événements gratuits.

Des palliatifs existent pour faire face aux aléas des intrants. Ces moyens ne sont néanmoins pas des modèles durables. Nous analyserons des solutions temporaires régulièrement proposées dans le débat public comme l’aliénation des collections, la fermeture partielle des musées et l’abandon progressif du volet scientifique. 193 Evans, Gena, 2012. « The impact of cuts on UK museums » Museums Association. 194 « Cuts survey 2014 », Museums Association, Novembre 2014.

4.1.� Une flexibilité des horaires d’ouverture

La billetterie peut être une source grandissante de revenus. Pour cela, Bruno Frey suggère une politique d’ouverture plus flexible (Frey, 2000a). Les horaires ne sont en effet pas adaptés aux visiteurs qui travaillent la journée. Les institutions sont généralement fermées le lundi, ce qui limite les possibilités pour les touristes du week-end. Une politique d’ouverture plus flexible permettrait d’attirer davantage de visiteurs et donc d‘augmenter les recettes de billetteries. Par ailleurs, une différenciation des prix pourrait s’établir non seulement en fonction du type de visiteurs ou du type de visites mais également en fonction des heures d’affluence. Le prix serait plus élevé en soirée ou en week-end par exemple. Si une ouverture plus flexible permettrait aux institutions d’augmenter le nombre de visiteurs et possiblement leurs recettes de billetterie, les professionnels tendent à allonger la durée de fermeture pour cause de nombre faible de visiteurs (Pflieger, Krebs, et Greffe, 2015). Les musées préfèrent réduire le coût variable (le musée n’a pas à supporter un certain type de coûts, comme la sécurité, la maintenance, lorsqu’il est fermé) afin de supporter les coûts fixes. 4.2.� Aliénation des collections Le modèle muséal fonctionne sur un paradoxe initial : les collections de l’institution ont une valeur économique non quantifiable alors que celle-ci peine à trouver le budget de fonctionnement nécessaire pour les mettre à la disposition du public. En effet, la valeur commerciale peut être très élevée (Rosett N., 1991). L’aliénation (deaccessioning) des collections correspond à la vente d’une partie des collections d’un musée.

L’inaliénabilité est consacrée en France par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France. La notion d’inaliénabilité est également mentionnée dans le code du patrimoine195 : « Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables. Toute décision de déclassement d'un de ces biens ne peut être prise qu'après avis conforme de la commission scientifique nationale des collections mentionnée à l'article L. 115-1 »

(n.p.). Le principe d’aliénabilité fait régulièrement l’objet de débats en France. En 2006, le rapport sur l'économie de l'immatériel, suggérait de vendre une partie des collections (Jouyet et Lévy, 2006). Des commissions régulières n’arrivent pas à trancher : « si l’inaliénabilité a permis de redécouvrir des oeuvres dont on avait fait peu de cas pendant un siècle, on ne peut nier que la cession permettrait de dégager des moyens financiers bienvenus » (n.p.), a déclaré Michel Piron, corapporteur du document sur la gestion des réserves et des dépôts des musées (Commission des affaires culturelles et de l’éducation)196. Dans d’autres pays, le principe d’aliénabilité est plus souple, même lorsqu’il est consacré dans la loi. Ainsi, en Espagne et en Italie, il existe des exceptions, notamment lorsque la vente se fait entre deux administrations publiques197. Au Royaume-Uni, le principe n’est pas consacré et suscite des polémiques. Ainsi, quand le Northampton Borough Council a vendu une statue égyptienne du scribe Sekhemka datant de plus 4500 ans pour £15,8 millions en juillet 2014 (€21,31 millions au 12 octobre 2015)198, il s’est vu retiré le droit de recevoir des subventions publiques199. A la suite de cela, des organisations comme Museum Association ou le Arts Council England et le Heritage Lottery Fund ont annoncé qu’ils ne travailleraient plus avec les musées qui vendent leurs œuvres car il s’agit d’un abus de confiance pour le public200. En Allemagne, le principe d’inaliénabilité n’est pas juridiquement reconnu mais la majorité des musées suivent le code de déontologie du Conseil international des musées (ICOM) qui envisage l’aliénation uniquement en cas de force majeure. Aux Etats- Unis, chaque musée adopte sa propre politique en matière d’aliénation des collections. Néanmoins, les ventes suscitent un tollé auprès de l’opinion publique et des donateurs 196 Quignon, Catherine, « La fragile économie des musées », Le Monde, 12 mai 2015. 197 Étude de législation comparée n° 191 - décembre 2008 - L'aliénation des collections publiques. 198 Russon Mary-Ann, « Egyptian Sekhemka Statue: Trials and Tribulations of Northampton Museum

Private Auction Row », International Business Times, 6 octobre 2014. Lien : http://www.ibtimes.co.uk/egyptian-sekhemka-statue-trials-tribulations-northampton-museum- private-auction-row-1468776 199 Munoz Sarmiento Sergio, « Financial crisis provokes deaccessionning in Europe », Deaccessioning Blog, 7 avril 2015. 200 Idem.

d’oeuvres. Ainsi la famille de l’artiste américain Ansel Adams a refusé que les photographies données au musée de Fresno soient vendues comme le reste de la collection. Elle a donc échangé ces photographies contre d’autres de valeur équivalente201.

4.3.� Abandon du volet scientifique

Si l’absence de subventions publiques peut amener le musée à privilégier des politiques innovantes pour attirer un public plus large (Frey et Meier, 2003), cela peut entraver la mission scientifique du musée. Celle-ci comprend l’ensemble des activités muséales portant sur la collection : la recherche sur les collection, la conservation des oeuvres, l’exposition des oeuvres et les activités pédagogiques autour des oeuvres. En effet, le musée est plus susceptible d'abandonner ses activités scientifiques pour se concentrer sur des buts lucratifs : « le musée, lorsqu’il n’est pas financé par les pouvoirs publics, encourt assez rapidement le risque d’abandonner ses prétentions scientifiques pour des activités plus directement rentables. Ce principe n’est pas neuf mais devient d’une troublante réalité lorsque l’Etat renonce partiellement à son rôle de financement » (Mairesse, 2011, n.p.). Ainsi, il existe des solutions à court terme pour pallier les aléas des intrants historiques. L’aliénation des collections, la flexibilité des horaires d’ouverture du musée et l’abandon progressif du volet scientifique ne constituent néanmoins pas une solution durable pour permettre au musée de suivre un modèle soutenable dans le temps.

Trois modèles permettent de décrire le paysage des financements muséaux et les modes de gouvernance : le modèle affranchi, le modèle dépendant, et le modèle mixte. Le modèle dépendant et le modèle mixte tendent à être remis en cause par le désengagement de l’Etat et la diversification des donations privées. En effet, les musées sont touchés, au même titre que les autres institutions, par les politiques de rigueur et donc par la réduction des budgets publics. L’évolution du contexte économique a un impact sur la gouvernance des musées.

201 Pogrebin, Robin, 23 juillet 2013. « The Death of a Museum Fresno Met’s Closing Could Hold a Lesson for Detroit » New York Times.

Au-delà des conséquences économiques, les employés ne sont plus des spécialistes mais doivent désormais avoir de multiples compétences, les responsabilités financières du personnel augmentent, le nombre d’employés diminue (Lindqvist, 2007). Ainsi, les crises économiques entraînent les acteurs à s’adapter à de nouveaux environnements.

Les déficits se creusent et les musées, de par leur responsabilisation financière, doivent intégrer ces problématiques dans leur gestio. Vendre des oeuvres de la collection ? Ouvrir davantage le musée pour augmenter les ressources en billetterie ? Ou au contraire, fermer davantage les musées pour économiser des frais de fonctionnement ? Augmenter les prix des billets ? Nous l’avons vu : si des palliatifs existent pour combler les déficits, il ne s’agit pas de solutions durables pour les institutions muséales. De nouveaux modèles, construit à partir du principe de la diversification des ressources propres et de l’augmentation de leur part relative sont à imaginer. Et ces nouveaux modèles peuvent se dessiner au regard de l’évolution des valeurs d’usage du musée.

Chapitre 4

Fonctions muséales et modèles d’affaires : impact de

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