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Lorsque le paiement est fait par le débiteur et qu’un tiers est impliqué

[41] Le choix de l’imputation dans un contexte de cautionnement. Voyons maintenant les conséquences qu’un contrat de cautionnement peut avoir sur les règles relatives à l’imputation des paiements. Qu’en est-il lorsque le paiement est fait par le débiteur? Dans un premier temps, il y a lieu de se demander si le choix du débiteur peut être affecté par le fait que l’une

64 Ste-Madeleine-de-Rigaud (Paroisse de) c. Club de condominiums Sol international inc., J.E. 2003-161, paragr. 3, 40-41, 70, 72 du texte intégral (C.S.). Dans une autre décision, il a été décidé qu’à défaut d’indication, l’imputation du produit devait s’effectuer en proportion de la valeur des biens garantissant les deux créances (Banque de Nouvelle-

Écosse c. Zakaib, [1998] J.Q. n° 1818, paragr. 23, 39-40 (C.Q.) (QL)).

65 A contrario : Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Dauphin, [2007] R.D.F.Q. 212 (rés.), paragr. 3-5, 11 du texte intégral (C.Q.), 2006 QCCQ 16455.

66 A contrario : Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Dauphin, [2007] R.D.F.Q. 212 (rés.), paragr. 9-10 du texte intégral (C.Q.), 2006 QCCQ 16455.

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ou même plusieurs des dettes soient cautionnées. L’auteur Léon Faribault répond à cette question par la négative :

Le droit du débiteur de plusieurs dettes d’imputer son paiement sur celle qu’il préfère n’est pas affecté par le fait que l’une de ces dettes est due par lui solidairement avec d’autres, ou par le fait que l’une d’elles est garantie par des cautions alors que les autres ne le sont pas.

[…]

Une caution ne peut intervenir dans l’imputation des argents que le débiteur paie à son créancier.67

La réponse est logique, et ce, pour deux raisons. Premièrement, pour des raisons d’efficience. En effet, s’il peut paraître juste de permettre à la caution de forcer son débiteur à imputer son paiement sur la dette cautionnée lorsqu’il n’y en a que deux, la question devient plus problématique lorsque nous sommes en présence de plusieurs dettes. Dans une telle situation, le débiteur serait à la merci de sa caution qui, à l’extrême, pourrait même pousser son débiteur jusqu’à la faillite en l’empêchant systématiquement d’imputer ses paiements sur d’autres dettes. Si nous devions admettre un tel droit, il faudrait logiquement l’accepter aussi pour les dettes que ce débiteur aurait envers des tiers. Or, admettre une telle chose rendrait le contrat de cautionnement tellement onéreux pour le débiteur qu’il serait totalement inutile. Cette interprétation est impossible puisque la caution et le créancier peuvent conclure un tel contrat sans le consentement du débiteur68. Deuxièmement, en raison de son caractère accessoire et subsidiaire, il serait illogique d’admettre que la caution puisse avoir un tel droit à l’encontre du débiteur69. Ajoutons également que même si elle avait été mise en demeure par le créancier à la suite d’un défaut du débiteur, la caution n’aurait pas plus le droit, selon nous, de forcer la main du débiteur. En effet, à la lecture des articles du Code civil du Québec, nous ne pouvons pas trouver une

67 Léon Faribault, Traité de droit civil du Québec, t. 8 bis, Montréal, Wilson & Lafleur, 1959, p. 452-453. Voir également : Caisse populaire de Charlesbourg c. Jardin du moulin Inc., [1982] C.S. 271, 275. A contrario, en droit français : Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck, Malaurie et Aynès : Les obligations, 5e éd., Paris, Defrénois, 2011, p. 598.

68 C.c.Q., art. 2336.

69 C.c.Q., art. 2346. Banque nationale du Canada c. Ville de Notre-Dame du Lac, J.E. 90- 719, p. 9 du texte intégral (C.A.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 21967.

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disposition qui accorderait un tel droit à la caution. Or, si le législateur avait voulu accorder un tel droit à la caution, il aurait dû être explicite. En optant pour le bénéfice de discussion, le législateur a fait un choix quant aux droits de la caution. Nous aborderons dans la troisième sous-partie les cas où c’est plutôt la caution qui offre paiement70.

[42] L’obligation conjointe ou solidaire. Nous pourrions également nous demander si le droit du débiteur par rapport au choix de l’imputation ne serait pas affecté dans les cas où il n’est pas la seule partie contractante. En d’autres mots, est-ce qu’un codébiteur conjoint ou solidaire pourrait forcer le débiteur à imputer son paiement sur une dette en particulier? À notre avis, au même titre que la dette cautionnée, le codébiteur conjoint ou solidaire, sous réserve des règles de la bonne foi et de l’abus de droit, ne peut pas forcer le débiteur à une imputation particulière71. Aucune règle du Code civil du

Québec ne supporte selon nous une telle interprétation72. Au contraire, les règles relatives aux obligations conjointes et solidaires ne créent pas vraiment de restrictions entre les débiteurs tant et aussi longtemps que ceux- ci satisferont à leurs obligations respectives. Ainsi, puisque ces régimes ont davantage pour objet de régler les rapports entre les débiteurs et le créancier au stade de l’exécution forcée, rien n’empêche le débiteur d’imputer son paiement sur la dette de son choix. À vrai dire, le codébiteur solidaire ne pourrait même pas, selon nous, forcer le débiteur à imputer son paiement sur la dette solidaire pour laquelle le créancier aurait un jugement exécutoire à son encontre. Comme il s’agit essentiellement d’un régime qui s’intéresse à l’exécution forcée du point de vue du créancier, le codébiteur qui est poursuivi seul ou qui paie la totalité de la dette ne peut pas avoir plus de droits que ce que lui reconnaît la loi, soit de l’appeler au procès, soit de le poursuivre en

70 Paragr. 44.

71 Léon Faribault, Traité de droit civil du Québec, t. 8 bis, Montréal, Wilson & Lafleur, 1959, p. 452. Pour la même conclusion en droit français : Marcel Planiol et Georges Ripert avec la collaboration de Paul Esmein, Traité pratique de droit civil français – Tome VII –

Obligations : deuxième partie, 2e éd., Paris, Librairie générale de droit et de

jurisprudence, 1954, p. 610; Philippe Malaurie, Laurent Aynès et Philippe Stoffel-Munck,

Malaurie et Aynès : Les obligations, 5e éd., Paris, Defrénois, 2011, p. 598.

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exécution forcée pour sa part à la suite de la subrogation de plein droit qui s’est opérée par le paiement73.