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3.1.1. L'enfant

Jusqu'au Moyen-Age, l'enfant n'était pas considéré comme un sujet, une personne. Il était marginalisé et ne faisait l'attention que d'un apport alimentaire et hygiénique nécessaire à sa survie. Le taux de fécondité étant élevé et la mortalité infantile très forte, on ne créait pas de liens psycho-affectifs avec les nouveau-nés et les jeunes enfants. Ce n'est que lorsque l'enfant atteignait un âge plus avancé qu'il était inséré dans la société et prenait sa place dans la famille. En ce qui concerne les enfants atteints de maladies et notamment de maladies mentales, ils étaient mis au rebus, abandonnés, parfois même tués. A l'époque, les instances religieuses alors très influentes sur la société, estimaient que ces enfants n'étaient que chair et ne méritaient pas la vie.

Ce n'est qu'au Siècle des Lumières, durant le XVIIIème siècle, que les philosophes commencèrent à accorder une attention particulière à l'enfant « pour lui- même et […] ses potentialités » (Houzel D. & al., 2000, page 557). A l'époque, Locke, philosophe anglais, pense que « dans chaque enfant existe un génie naturel dont il faut tenir compte » (Houzel D. & al., 2000, page 557). On commence à observer l'enfant, à tenter de comprendre son évolution au sein du milieu familial. On se soucie de son traitement et de ses conditions de vie. Cependant, dans la plupart des cas, l'enfant malade déclenche toujours un sentiment de peur divine et de haine: il continue à être persécuté et interné. Seules quelques figures, qui seront plus tard considérées comme les précurseurs de la pédopsychiatrie, se détachent de cette mouvance...

3.1.2. Naissance de la pédopsychiatrie

C'est avec la prise en charge des « enfants idiots » que la pédopsychiatrie connaît ses débuts. Tout commence avec l'histoire de Victor de l'Aveyron, en 1797. D'après Itard (1801), médecin français de l'époque, Victor est un enfant d'une dizaine d'années, retrouvé dans l'Aveyron, vivant à l'état sauvage. Il n'a pas de langage articulé et présente un retard sensori-moteur. Il se nourrit entre autres, de racines et n'est vêtu que de haillons. Après sa découverte et sa capture, l'enfant est

emmené à Paris, afin de faire l'objet d'observations médicales. L'enfant est d'abord confié à Pinel, aliéniste* français, qui diagnostique un « idiotisme incurable ». Par la suite Victor est remis aux mains d'Itard, qui affirme que « l'enfant sauvage était un prétendu idiot; son existence privée de tout contact humain expliquait son idiotisme » (Houzel D. & al., 2000, page 557). Il décide donc de prendre en charge cet enfant et d' « éveiller son esprit » (Houzel D. & al., 2000, page 557). Plus tard, Itard est considéré comme le premier pédopsychiatre français.

Au XIXème siècle, Belhomme puis Falret, médecins français, s'intéresseront de près aux troubles mentaux de l'enfant. Les premiers services de prise en charge des enfants dits « idiots » apparaissent dans la capitale. Ferrus, aliéniste et médecin français, affecté par les conditions de vie de ces enfants, crée un centre spécialisé dans l'accueil et l'éducation d'enfants idiots. Il pense que « l'idiotie est une sorte d'engourdissement qui ne touche en rien l'humanité de ses jeunes malades » (Houzel D. & al, 2000, page 558). Petit à petit, on se préoccupe du sort de ces enfants. A la fin du XIX ème siècle, Bourneville, neurologue français, crée le premier institut médico-pédagogique, à Vitry dans le Val de Marne.

Au-delà du point de vue strictement médical, on peut observer, au fil des siècles, un intérêt grandissant pour l'apport éducatif et psychologique aux enfants porteurs de troubles mentaux. La littérature cite notamment les travaux de Seguin, instituteur puis psychiatre américain d'origine française et Binet, pédagogue et psychologue français. Tous deux ont œuvré afin de mettre en place des outils d'évaluation des capacités et des besoins des enfants idiots et des méthodes de prise en charge éducatives: Seguin a pratiqué l'enseignement auprès d'enfants malades mentaux et Binet a contribué à l'élaboration d'une des premières échelles psychométriques. Ainsi, à la fin du XIXème siècle, la multiplication des travaux sur les enfants tout venants et malades, contribue à promouvoir les multiples capacités des enfants et à modifier leur statut dans la société.

Au début du XXème siècle, on voit apparaître divers traités et encyclopédies, spécifiquement consacrés aux maladies mentales chez l'enfant. L'idée que les troubles mentaux des enfants ne peuvent être comparés à ceux des adultes commence à se diffuser à travers le monde: l'adulto-morphisme jusqu'alors fortement présent dans la description des maladies mentales infantiles est peu à peu écarté. Les termes de schizophrénie infantile puis de psychose précoce font leur apparition. Si la notion de schizophrénie infantile est vite écartée, celle de psychose précoce

s'installe dans le jargon médical, promue par le courant psychanalytique et les travaux de Kanner, pédopsychiatre d'origine austro-hongroise.

Concernant le courant psychanalytique, d'aucuns considèrent que « l’œuvre freudienne a complètement modifié l'approche des troubles mentaux de l'enfant » (Houzel D. & al., 2000, page 559), qu'elle a joué un rôle primordial dans les connaissances que l'on a acquises au sujet du développement de l'enfant. Freud, neurologue et psychiatre autrichien, est également reconnu pour ses travaux sur le rôle joué par l'environnement de l'enfant, sur son développement. Par la suite, les travaux psychanalytiques au sujet de l'enfant se sont multipliés avec les recherches de Klein, Winnicott, Bowlby, Spitz...

Finalement, c'est en 1925 que la pédopsychiatrie obtient un statut officiel en France, lorsque fut ouverte la Clinique annexe de neuropsychiatrie infantile, à Paris. Sa direction fut confiée à Heuyer, pédopsychiatre français, qui fut par la suite le premier titulaire de la Chaire de psychiatrie de l'enfant.

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