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V OYAGE D ’ ÉTUDE EN F RANCE ET AU M AROC (1) : LA SESSION DE PRINTEMPS 1990 DE

CHAPITRE 12 : UNE RETRAITE BIEN OCCUPÉE

3. V OYAGE D ’ ÉTUDE EN F RANCE ET AU M AROC (1) : LA SESSION DE PRINTEMPS 1990 DE

La liste des exposés entendus et des experts qui en furent les auteurs indique déjà le sérieux et la richesse du colloque organisé par la SFER. L’agriculture

dans l’activité économique et dans l’espace par Louis Malassis, président

d’Agropolis; Paysans et ruraux : la nécessité de l’alliance par Bernard Kayser de l’Université de Toulouse; L’avenir du monde rural dans le contexte européen par Claude Baillet, conseiller à la Communauté économique européenne (CEE), La gestion de l’économie rurale : nouvelles perspectives par Christian Huillet, administrateur principal de l’Organisation de Coopération et de Déve- loppement économique (OCDE); L’administration et les élus ruraux par Alain Faure, du Centre national de Recherche scientifique (CNRS-CERAT) à Gre- noble; Les associations face à la décentralisation par Jacqueline Mengin, direc- trice de la Fondation pour la recherche sociale (FORS), Paris.

Je retiens plus particulièrement le témoignage de Louis Malassis, président d’Agropolis :

Il est exclu que l’on puisse espérer maintenir des campagnes peuplées et vi- vantes uniquement sur la base de l’activité agricole. L’idée de campagne vi- vante implique la diversification des activités économiques. La lutte contre l’exode passe inéluctablement par la création de valeur ajoutée à la cam- pagne ou en des lieux accessibles aux populations vivant à la campagne. (Ces deux solutions n’étant d’ailleurs pas équivalentes).

Claude Baillet, conseiller à la CEE, expliqua de son côté que l’Europe venait d’engager une action d’envergure en faveur du développement rural, avec comme objectif :

d’offrir aux zones rurales des régions de la Communauté en retard de développement ainsi qu’aux zones rurales fragiles ou fragilisées, des pers- pectives autres que celles de la stagnation dans la pauvreté ou le déclin.

Le développement rural est devenu un des objectifs affichés et prioritaires des politiques structurelles de la Communauté… Dans ce contexte, l’homme et l’espace sont devenus des références communautaires essentielles qui priment le produit et le secteur.

On souhaiterait la même préoccupation et la même orientation de la part de nos dirigeants politiques.

Je sortis de ce colloque impressionné et convaincu que la CUR avait un rôle à jouer pour notre monde rural. Je tenais toutefois à aller voir sur place ce qui se passait dans un coin, au moins, du rural profond français et à vérifier la con- cordance du discours avec la réalité. Mon choix s’arrêta sur les Pyrénées

Orientales. Un de mes amis y avait en effet travaillé comme responsable de l’Association de développement des Pyrénées par la Formation (ADEPFO) et pouvait donc me servir de guide. Yves Champetier et sa compagne, Christiane Blanc, préparèrent à mon intention un programme très intéressant de visites sur le terrain. Je les retrouvai à Montpellier pour effectuer avec eux le voyage en train jusqu’à Font-Romeu, un trajet époustouflant à travers falaises et pay- sages à couper le souffle. Avec une voiture de location, nous nous rendons ensuite à Escouloubre.

Escouloubre, petite localité de 80 habitants en 1982 et de 132 en 1990, profite à l’époque de l’action d’un comité de développement agricole qui couvre trois cantons, et comporte un volet de vulgarisation agricole et un de développe- ment local. Un technicien agricole rattaché à la Chambre d’Agriculture dépar- tementale y assure l’animation et fournit un appui technique aux éleveurs. Ce milieu bénéficie de plusieurs politiques et de plusieurs initiatives locales qui en découlent. Il y a donc des mesures d’appui et des possibilités d’initiatives valables pour la consolidation et la survie de l’agriculture en rural profond. Dans un pays voué à la mort, selon l’expression d’un de mes interlocuteurs, la population s’est vraiment prise en main avec l’appui de politiques pertinentes et de structures appropriées au développement rural.

Je visite ensuite Espousouille, petite localité à l’extrémité d’une route sans issue, avec un atelier de fabrication de parapentes, une école de parapente et un gîte d’étape, toutes activités qui assurent la survie de ce hameau. J’ai éga- lement le plaisir de rencontrer deux élus municipaux à Matemale, en plein cœur du Capcir.

Matemale est une petite localité qui a bénéficié de la construction d’un barrage hydroélectrique sur son territoire. Ce barrage a entrainé la création d’un lac artificiel qui a permis de développer une vocation touristique stimulée par l’implantation d’un centre de vacances pour les employés de l’électricité. Au- tour de ce centre ont été construites des résidences secondaires, pour les va- cances d’été autant que pour le ski. On parle alors, à Matemale, de développe- ment touristique intégré, avec une influence prépondérante de la municipalité. La municipalité s’implique aussi fortement dans la gestion et l’exploitation forestière et dans différents services ou projets. Le gouvernement central con- tribue pour sa part sous forme de crédits d’État en subventions d’investissements. Durant notre échange, le maire insiste enfin sur l’importance, pour les milieux dévitalisés, de la collaboration intercommunale par petites entités de pays – un exemple intéressant à suivre dans notre ré- gion.

Je ne peux quitter ce coin des Pyrénées sans parler de Béna et de son gîte d’étape, dans lequel je loge durant deux jours. Ce tout petit hameau situé à 1 600 mètres d’altitude, abandonné pendant des années, a vu surgir dans les années 1970 un Centre de réflexion permanente sur le dialogue entre science et

foi dans la perspective ouverte par Teilhard de Chardin, un centre de ren-

contre des amis de Teilhard. Sans perdre sa vocation initiale, ce centre créé sous l’inspiration de Xavier Sallantin devenait en 1977 un gîte d’étape pour le ski de randonnée, puis un lieu d’accueil des familles, des groupes scolaires, des jeunes en difficulté, des cas sociaux et des handicapés. Aux rencontres cultu- relles, scientifiques et spirituelles se sont ajoutées par la suite différentes acti- vités : jardinage, artisanat, équitation, avec un important troupeau de chevaux de randonnée. Le gîte est aujourd’hui fermé, mais la ferme équestre existe encore et continue d’accueillir des visiteurs. Créer un lieu de repos, de paix et de ressourcement est une manière originale de faire revivre un village et d’y ramener une partie de la population qui l’avait abandonné.

Illustration 16 : Béna, dernière escale dans les Pyrénées Orientales (Gilles Roy)

En compagnie du responsable de l’ADEPFO, Jean Ramade, et d’un animateur de terrain, Claude Boireau, j’ai enfin le plaisir de constater les efforts d’une collectivité qui a décidé de se prendre en main et de faire appel à des res- sources d’animation et de formation. Il s’agit de Bélesta, petite localité de deux cent cinquante habitants située à trente kilomètres de Perpignan. Après un

chaleureux accueil par monsieur le Maire, j’assiste comme observateur à la sixième et dernière réunion d’une série de soirées d’animation regroupant une vingtaine de résidents désireux d’agir pour le développement de leur loca- lité. Depuis les débuts de cette initiative, le groupe s’implique dans une série de petits projets, afin de se faire la main et de s’engager concrètement dans l’action, en concertation avec les localités avoisinantes. Cette opération s’apparente, en plus petit, à celle réalisée en janvier 1973 au début de l’aventure jaloise et qui avait vraiment lancé l’action, une formule qu’on aurait avantage à reprendre encore aujourd’hui, en l’adaptant au contexte actuel. C’est une conclusion intéressante à ma tournée riche de réflexions et d’expériences en France. La Conférence Internationale d’Action Sociale de Mar-

rakech en est comme le couronnement.

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