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CHAPITRE 1 : LES BATTERIES SODIUM-ION : ETAT DE L’ART ET BIBLIOGRAPHIE

III) LES MATERIAUX DE NEGATIVES POUR BATTERIES SODIUM ION

2) Les oxydes de métaux de transition

La recherche sur les matériaux d'électrode négative autres que le carbone et les alliages intermétalliques n'en est qu'à ses débuts. Une autre stratégie pour trouver un matériau d'électrode négative est d’utiliser des oxydes de métaux de transition. Encore une fois, ceux-ci peuvent être divisés en deux catégories : les matériaux de conversion et les matériaux d'insertion. Il est difficile de prévoir si l'oxyde de métal de transition présentera, dans une batterie sodium-ion, un mécanisme de conversion ou d'insertion mais il semblerait que les métaux de transitions avec un remplissage faible de la couche 3d (Ti,V) conduisent préférentiellement à un mécanisme d'insertion[118].

a) Les matériaux d'insertion

Une des stratégies d'obtention d'un bon matériau d'électrode négative par mécanisme d'insertion est de regarder les familles d'oxydes et de phosphates d'habitude utilisées pour les matériaux d'électrode positive, et d'isoler ceux qui présentent les potentiels les plus bas, voir d'adapter le potentiel de ces matériaux, afin de les abaisser si des substitutions le permettant sont possibles. Seules des publications récentes traitent des matériaux d'insertion pour électrode négative. Sont présentés ici des oxydes de vanadium et des phosphates de titane à bas potentiel, des oxydes de titane et des sulfates de titane.

Le matériau NaVO2 a été étudié par l'équipe de Delmas, puis par celle de Rozier en

2011[78, 79]. Ces deux équipes ont observé le comportement des structures O3-NaVO

2 et P2-

Na0,7VO2, où le sodium s'insère respectivement dans des sites octaédriques et prismatiques.

La structure O3 montre une réversibilité sur 0,5 sodium à condition de ne pas dépasser un potentiel de 2,5 V. Le mécanisme de désinsertion consiste tout d’abord en un domaine

biphasé comprenant les phases simples NaVO2 et Na2/3VO2 et correspondant

électrochimiquement à un plateau à 1,8 V. Pour 1/2<x<2/3, le mécanisme est plus complexe et comprend de nombreux paliers. Il s’agit de la cristallisation du matériau dans le groupe d’espace C2/m et conduisant à une structure appelée O’3, correspondant à une distorsion de la maille trigonale qui caractérise O3-NaVO2. Une polarisation de 0,1 à 0,3 V est observée en

fonction du régime (C/100, C/20) et ce mécanisme est associé à une capacité de 126 mAh/g. La structure P2, pour environ la même capacité, montre durant le cyclage une conservation de la structure hexagonale P2 et une polarisation beaucoup plus faible. Cette différence de polarisation est expliquée par le fait que la structure O3 est isolante alors que les structures P2 et O’3 correspondent à celles de semi-conducteurs.

Il a été rappelé dans la partie concernant les électrolytes les avantages et les inconvénients d'un électrolyte aqueux. Un tel électrolyte a été utilisé dans une demi-batterie avec le phosphate NaTi2(PO4)3, présentant un potentiel d'insertion bas par rapport aux autres

membres de la famille des NASICON, groupe déjà évoqué dans la partie concernant les cathodes[97]. Le plateau correspond à la réaction redox entre Ti3+ et Ti4+. En réduction, il se situe à 2,03 V. En oxydation, il est de 2,25 V par rapport à Na+/Na0. Il a tout d'abord été montré que, lors du cyclage dans un électrolyte organique (1M NaClO4 dans PC), la structure

de ce matériau était conservée et que la capacité chutait peu (95,5% de la capacité maintenue en décharge entre le deuxième et le trentième cycle). A la suite de cela, le comportement du

matériau a été observé en milieu acide (2 M Na2SO4 dans l'eau) et en milieu basique (4M

NaOH dans l'eau). A cause du caractère conducteur et de la meilleure viscosité de l'électrolyte, une très basse polarisation a été observée en milieu aqueux et de meilleurs résultats ont été obtenus, en termes de capacité et de maintien de la capacité dans le temps. Dans une logique de développement durable et de sécurité, des travaux de fabrication bas coût de ce composé[119] et des prototypes de batteries complètes utilisant cette électrode ont été proposés[119, 120]. Malheureusement, cette électrode au demeurant très intéressante a un potentiel de réaction élevé (2V), ce qui abaisse sa densité d'énergie et diminue sévèrement les chances, pour ce matériau, de connaître un jour une application industrielle.

Le plus bas potentiel pour un matériau d'insertion qui a été observé concerne le composé lamellaire Na2Ti3O7. Ce matériau a été étudié en 2011 et présente une capacité

reversible de près de 200 mAh/g [121](Figure 19).

Figure 19 : Profil de potentiel en fonction de la composition pour la réduction électrochimique d’une électrode ne contenant que du noir de carbone (en bleu) et d’une électrode composite comprenant 30 % de noir de carbone et 70 % de Na2Ti3O7[121]. La figure

originale a été modifiée pour y faire apparaître la capacité spécifique.

L'électrode utilisée contient 30 % de noir de carbone super P et l'électrolyte utilisée est NaClO4 dans du carbonate de propylène (PC). Le premier plateau à 0,7 V environ lors de la

première décharge correspond à la réaction avec le noir de carbone. Le plateau réversible à 0,3 V correspond à l'insertion de 2 atomes de sodium dans la structure initiale Na2Ti3O7 qui

disparaît complètement au profit de la structure Na4Ti3O7. Ce bas potentiel n'est pas habituel

structure de Na2Ti3O7 réapparaît. Cependant, même sous sa forme nanostructurée, ce matériau

semble montrer une faible tenue en cyclage[122]. Comme il est possible de le voir sur la Figure 20(c), la tenue en cyclage décline rapidement à 0,1C et atteint 60 mAh/g au bout de seulement 60 cycles. Egalement, on observe que la baisse de la capacité est moins importante lorsque le régime est augmentée à 0,5C. Cela indique qu’une basse densité de courant cause plus de réactions parasites d’où une plus mauvaise efficacité coulombique. Cela est confirmé par la Figure 20(d). Sur cette deuxième figure, il est également possible de constater régime élevé, la capacité est faible. Cela est certainement lié à la mauvaise conductivité de Na2Ti3O7[122].

Figure 20 : (c) Performances en cyclage de l’électrode Na2Ti3O7 à une densité de courant de

0,1C et 0,5C. (d) Performance en cyclage de l’électrode Na2Ti3O7 dans une demi-batterie.

L’electrolyte est 1M de bis(fluorosulfony)imide de sodium (NaFSI) dans PC. Les electrodes composites sont composées à 30% en masse d’acétylène et le liant utilisé est l’alginate de sodium (10%)[122].

Ce matériau ouvre toutefois la voie à d'autres oxydes de titane comme Na2Ti6O13[123, 124]

ou Na4Ti5O12. En ce qui concerne les sulfates, Ti2(SO4)3 a très récemment été cité par la

première équipe qui avait travaillé sur Na4Ti3O7[125]. Ce matériau dans lequel le titane passe

du degré d'oxydation 3 au degré d'oxydation 2 durant la réduction montre une capacité inferieure (120 mAh/g) à plus haut potentiel mais la tenue en cyclage est supérieure.

Il faut signaler que le matériau TiO2 a également été étudié en tant qu'anode sous la

forme de nanotubes amorphes. La croissance des nanotubes s'effectue directement sur le collecteur de courant sans ajout d’additif ou de liant, ce qui permet une meilleure stabilité à long terme. Il a été démontré que le diamètre des nanotubes a une grande influence sur la réactivité avec le sodium. Ainsi, pour des nanotubes de 45 nm, le sodium ne s'intercale pas. D'après les auteurs de l'étude, cela serait dû à une mauvaise adsorption des ions dans les pores

des nanotubes, qui empêcheraient ceux-ci de ressentir la charge électronique et donc de réagir. En revanche, pour des diamètres de l'ordre de 80 nm, et à condition d'utiliser une faible densité de courant (0,05 A/g), on observe une réactivité du sodium avec les nanotubes qui croît au fil des cyclages pour atteindre, au bout de 15 cycles, une capacité de 150 mAh/g. En revanche, le potentiel de réaction est haut (potentiel moyen de 1,5 V).

Les matériaux d'insertion proposés ci-dessus, bien qu’ayant une bonne stabilité en cyclage, présentent comme principal défaut un haut potentiel (à l'exception de Na2Ti3O7),

aspect contraignant pour l'obtention d'une haute densité d’énergie dans une batterie complète.

b) Les matériaux de conversion

Les matériaux de conversion présentent généralement un potentiel plus bas que les matériaux d'insertion. Ils leur sont une alternative intéressante.

En 2002, NiCo2O4 de structure spinelle a été étudié en tant qu’électrode négative pour

batterie sodium-ion. Cette électrode a montré une capacité réversible de 200 mAh/g après une décharge initiale de 600 mAh/g[126]. Cette valeur est moins importante que la capacité théorique de NiCo2O4 qui est de 890 mAh/g si l'on se fie à la réaction suivante :

Des études XAS réalisées en 2005 sur la réaction chimique entre NiCo2O4 et du sodium

par Physical Vapor Deposition ont montré que l'on avait affaire à une réduction du nickel et du cobalt d'un état trivalent à un état bivalent (NiO et CoO) et la formation de l’oxyde Na2O

après une insertion d’environ un sodium dans la structure[127]. Une batterie complète a également été montée avec NaCoO2 en excès comme matériau de cathode et NaClO4 dans

EC/DMC comme électrolyte et une amélioration de la capacité réversible du matériau a alors été observée[126].

Il a également été observé pour certains matériaux la formation d'un alliage avec le métal disponible après réaction de conversion. C'est le cas pour Sb2O4[128]. Ce matériau réagit

Il présente une capacité spécifique théorique de 1227 mAh/g (Figure 21). Experimentalement, une capacité réversible de 896 mAh/g est obtenue, mais la tenue en cyclage n'est pas bonne à haut régime (400 mAh/g au bout de 20 cycles à un régime de C/10) et la polarisation est quasiment de 1 V. Malgré cela, ce matériau est très prometteur.

Figure 21 : Courbe galvanostatique d’une cellule Sb2O4/Na à un régime de C/70[128].

Des composés à base de sulfure, comme FeS2 et Ni3S2 ont également été étudiés et

forment Na2S et des particules métalliques nanostructurées lors de la réaction de conversion

se déroulant durant la première décharge. Ces matériaux présentent des capacités spécifiques de 630 et 420 mAh/g respectivement. Dans le cas de FeS2, la capacité s'effondre dès la

seconde décharge et seulement 85 mAh/g sont maintenus lors du cinquantième cycle. Pour Ni3S2, la capacité ne s'effondre pas aussi brutalement et 350 mAh/g environ sont maintenus au

bout de 15 cycles. Bien que ces matériaux soient présentés par les auteurs comme des matériaux de cathode pour batteries au sodium, il semble plus intéressant de les présenter dans cette partie concernant les matériaux d'électrode négative au vu du potentiel auxquels ces matériaux réagissent. Ainsi, Ni3S2 présente un plateau de réduction d’environ 1 V et un

plateau d'oxydation de 1,75 V, soit une importante polarisation de 0,75 V[129-132].

Très récemment, la réaction de Fe3O4 conduisant au fer de degré d'oxydation 0 et au

Na2O a été étudiée. Les deux composés ont été identifiés par Selected Area Electron

Diffraction (SAED) pattern[133]. Il est intéressant de noter que ce matériau avait déjà été testé par Komaba et al. en tant que matériau d'électrode positive sur une gamme de potentiel supérieure, en tant que matériau d'insertion[134]. Une capacité spécifique réversible de 366 mAh/g est obtenue à un taux de courant de 0.06C dans la fenêtre de potentiel 0,04-3,0 V.

Quelques autres matériaux conduisant à des réactions de conversion ont été étudiés récemment [135-137]. Les capacités et les équations correspondant à certains de ces matériaux sont présentées ci-dessous:

Les charges et décharges suivantes sont très différentes de la décharge initiale et ont une capacité moindre diminuant en cyclage témoignant d'une irréversibilité partielle du mécanisme initial. Notons également que ces systèmes présentent, pour la plupart, une polarisation importante. Signalons enfin que la mise en forme de ces matériaux est également à l'étude et peut avoir une importance considérable lors de la réaction de conversion, surtout en ce qui concerne la tenue en cyclage. Ainsi, l'équipe de Tirado a réussi à obtenir de bonnes caractéristiques électrochimiques sur des matériaux se présentant sous forme nanocristalline[137]. Ces composés avaient été obtenus par électrodéposition puis oxydation thermique du métal.

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