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Oxydation par les métalloporphyrines chirales de fer

Chapitre 1: Oxydation asymétrique catalysée par des métalloporphyrines

B. Oxydation asymétrique catalysée par des complexes porphyriniques chiraux de

1. Oxydation par les métalloporphyrines chirales de fer

La réaction des porphyrines synthétiques de fer avec plusieurs oxydants a été largement étudiée avec l’objectif de comprendre la nature et la structure des espèces intermédiaires actives et le mécanisme d’activation de la liaison O─O dans les systèmes enzymatiques appartenant à la famille des cytochromes P450.11a,67 Des espèces cations radicalaires [FeIV(O)(porp+●)] résultant de la réaction entre le fer et l’oxydant ont été proposées comme étant les espèces actives responsables du transfert d’oxygène au substrat avec les métalloporphyrines synthétiques par Groves et al.68

Bien qu’il existe quelques exemples décrivant des réactions d’oxydation non asymétrique,69 à notre connaissance, aucun exemple de réactions d’époxydation ou d’hydroxylation asymétrique avec des métalloporphyrines de fer en utilisant H2O2 n’a été décrit à ce jour. Le seul exemple associant H2O2 à une métalloporphyrine chirale de fer est celui décrit récemment par notre laboratoire. Ainsi, la réaction d’oxydation de sulfures en

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sulfoxydes chiraux avec des excès énantiomériques allant jusqu’à 90 % pour certains substrats a pu être développée.70

a. Epoxydation

Groves et Myers63 sont les premiers à décrire une réaction d’oxydation asymétrique catalysée par des porphyrines chirales de fer. En 1983, ils ont synthétisé une porphyrine chirale notée « à piquets chiraux » en additionnant le chlorure d’acide (R)-2-phénylpropanoïque sur chaque amine de la 5α,10β,15α,20β-tétra(o-aminophényl)porphyrine

(Figure 11). En utilisant l’iodosylbenzène (PhIO) comme oxydant terminal, le complexe de

fer de cette porphyrine chirale donne des excès énantiomériques de 31% et de 20% pour l’époxydation du styrène et du 1-octène, respectivement.

N N H N NH NHR RHN NHR NHR O OH O O OMe R = R = Fe Cl

Figure 11. Premières métalloporphyrines chirales utilisées en catalyse d’époxydation par les iodosylarènes.63

Afin de créer une cavité chirale plus rigide autour du site métallique, des groupements binaphtyles chiraux ont été introduits d’une manière similaire. Les excès énantiomériques obtenus avec ce complexe en utilisant l’iodosylmésitylène comme oxydant sont légèrement plus élevés (48% pour le styrène). Dans ce travail, un mécanisme pour expliquer la formation du phénylacetaldéhyde comme produit secondaire a été proposé (Schéma 11). Suite à la formation d’un intermédiaire radicalaire (A), une compétition entre deux voies peut avoir lieu suivant les conditions de la réaction et les propriétés électroniques du substrat, soit la fermeture de cet intermédiaire et la formation de l’époxyde désiré (voie a), soit le réarrangement de la molécule (voie b) pour donner l’aldéhyde comme sous-produit.

50 Fe O H H a b b a O O A

Schéma 11. Mécanisme proposé pour la formation de l’aldéhyde comme sous-produit.63

Inspirés par ces travaux, Groves et Viski71 introduisent un seul groupement binaphtyle sur chaque face de la 5α,10β,15α,20β-tétra(o-aminophényl) porphyrine (Figure 12) dans le but de créer une cavité plus rigide pour renforcer les interactions entre la métalloporphyrine et le substrat. Cette modification n’a pas eu un effet positif sur les excès énantiomériques et le complexe de fer de cette porphyrine donne pour l’oxydation du styrène, un excès énantiomérique faible (30%) en présence de PhIO comme oxydant. Un meilleur excès a été obtenu dans le cas d’alcènes disubstitués (42% pour le 1,2-dihydronaphtalène et 72% pour le

cis-β-méthylstyrène) à -15 °C. Les auteurs expliquent l’énantiosélectivité du système par une

approche latérale dite « side-on » de l’oléfine vers l’espèce fer-oxo.

N NH N HN N N O O H3CO OCH3 H H

Figure 12. Porphyrine de type « vaulted binaphthyl » synthétisée par Groves et Viski.71

En 2000, Salvadori et al.72 synthétisent une porphyrine « chiral wall » (Figure 13) en introduisant des groupements binaphtyles en position meso de la porphyrine, fonctionnalisés par des groupements méthoxy en position 2. Parmi les 4 atropoisomères obtenus et testés en époxydation du styrène, l’atropoisomère α,α,β,β est le meilleur : il donne 57% d’excès énantiomérique72 en utilisant PhIO comme oxydant.

51 N N N N OMe = OCH3 OMe OMe OMe OMe Fe Cl

Figure 13. Porphyrine de fer « chiral wall » développée par Salvadori et al.72

Une série de porphyrines à double-piquet a été synthétisée par Rose et al.73 puis par Lindsay-Smith et Reginato.74 Les complexes de fer de ces porphyrines sont testés pour l’époxydation du styrène. Les excès énantiomériques obtenus avec les porphyrines de Rose sont négligeables (1-6%).73 Le résultat est un peu meilleur avec celle de Lindsay-Smith et Reginato,74 l’excès énantiomérique dans ce cas atteint 23% en époxydation du styrène réalisée à 0 °C, dans le dichlorométhane comme solvant, en présence de PhIO comme oxydant. Ces porphyrines chirales à piquet sont des modèles trop encombrés ayant ainsi un centre métallique peu accessible.

En 1991, l’équipe de Naruta75 teste l’oxydation du styrène avec des métalloporphyrines « twin coronet » double couronne qui existent sous forme de deux isomères, éclipsé et décalé, dont les structures sont représentées dans la figure 14 ci-dessous. Le styrène est oxydé avec un excès énantiomérique de 54% en utilisant l’isomère éclipsé, en présence de PhIO. Les excès sont meilleurs pour les dérivés de styrène portant des groupements électroattracteurs (89% pour le 2-nitrostyrène).

52 N N N N O O O R R O O O O R R O N N N N O O O R O O O O R O R R Fe Fe éclipsé décalé OMe OMe H2 C C H2 R = Cl Cl

Figure 14. Les deux isomères de la métalloporphyrine « Twin coronet » synthétisée par Naruta

et al.75

Plus tard, l’équipe de Rose76 réalise l’époxydation du styrène avec une énantiosélectivité jamais atteinte par une métalloporphyrine chirale. Des excès allant de 93% à 97% sont obtenus à -5 °C en utilisant PhIO selon les conditions utilisées (conditions respectives: catalyseur:PhIO:styrène = 1:1000:10000 et 1:100:1000). Cette forte énantiosélectivité est expliquée par des interactions π–π stacking entre le substrat et le catalyseur.77 Cette métalloporphyrine binaphtyle (Figure 15) s’est montrée très efficace aussi lors de l’époxydation d’oléfines non aromatiques (90% d’excès énantiomérique pour le tert-butyléthylène).78 N N N N HN HN HN CO CO NH n(H2C) (CH 2)n CO OC n(H2C) R R (CH2)n R R M M = FeCl, R= OMe, n = 1

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D’autres applications de ce système en oxydation, notamment celle d’alcools allyliques, ont été menées par Roschman et al.79 démontrant que ce catalyseur permet l’époxydation du même côté que l’alcool. En effet, l’alcool allylique se chélate au métal orientant ainsi l’époxydation.

En 2004, Nakagawa et al.80 développent une porphyrine chirale de symétrie D4 possédant 4 groupes provenant d’un diol de symétrie C2 comme source chirale (Figure 16). La synthèse nécessite seulement 4 étapes. Le complexe de fer de cette porphyrine catalyse l’époxydation du styrène à -20 °C avec 48% d’excès énantiomérique en présence de PhIO comme oxydant. Cette énantiosélectivité est remarquablement meilleureavec les dérivés du styrène portant des groupements électroattracteurs sur le phényle (78% pour le 3-nitrostyrène).

N N N N R R R R R = O O O O R1 R1 R1 R1 R1= CH2OCH3 M M = FeBr

Figure 16. Complexe de fer de la porphyrine chirale de symétrie D4 développé par Nakagawa et

al.80

b. Hydroxylation

Etant donné sa difficulté, l’activation de la liaison C-H est un domaine moins développé avec les métalloporphyrines comme catalyseurs. Groves et al.81 ont mis en évidence en 1979 la possibilité de catalyser la réaction d’hydroxylation des liaisons C-H par une métalloporphyrine de fer. Dix ans plus tard, le même groupe décrit le premier exemple de la version asymétrique de cette réaction.71,82 Catalysée par le complexe de fer de leur porphyrine chirale binaphtyle (Figure 12), la réaction d’oxydation de l’éthylbenzène, en utilisant PhIO comme oxydant, donne un excès énantiomérique de 40%. L’excès est meilleur avec les dérivés cycliques (54% pour l’indane et 72% pour le tétrahydronaphtalène). Les réactions sont effectuées dans le dichlorométhane à 0°C, les rendements varient entre 20 et 72%. Des quantités non négligeables de cétones comme sous-produits sont obtenues, les proportions molaires alcool/cétone varient entre 0,2 et 20,2.

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Depuis, plusieurs travaux ont été menés afin d’exploiter les différents aspects mécanistiques de cette réaction en utilisant différents oxydants, y compris le peroxyde d’hydrogène,83 mais à notre connaissance aucun exemple d’énantiosélectivitén’a été décrit.

En général, la fonctionnalisation des porphyrines par des groupements électroattracteurs comme les halogènes est indispensable dans ces systèmes pour favoriser le transfert d’oxygène.

c. Sulfoxydation

Il y a très peu d’exemples dans la littérature décrivant la réaction d’oxydation asymétrique de sulfures catalysée par des métalloporphyrines chirales de fer. Dans ce domaine, PhIO a toujours été choisi comme oxydant terminal.

Groves et Viski71 ont effectué la sulfoxydation de thioesters avec le complexe de fer d’une porphyrine chirale (Figure 12). De bons rendements (67-88%) et des excès énantiomériques variant entre 14 et 48% à 0 °C dans le dichlorométhane ont été obtenus.

Naruta et al.84 ont testé l’efficacité de leur porphyrine (Figure 14) en réalisant la sulfoxydation de plusieurs dérivés de thioanisole. Le thioanisole est oxydé avec un excès énantiomérique de 46% à -15 °C. Les excès énantiomériques sont améliorés en ajoutant du 1-méthylimidazole dans le milieu comme additif. Dans le cas du méthylpentafluorophénylsulfure, l’excès énantiomérique augmente de 31% en absence d’un co-catalyseur à 73% en présence de 1-méthylimidazole.

Chiang et al.85 ont synthétisé une nouvelle porphyrine chirale de symétrie C2, ayant deux faces diastéréotopiques (Figure 17). En utilisant PhIO comme oxydant, des excès énantiomériques variant entre 18 et 71% ont été obtenus à 43 °C. Le rôle de l’imidazole comme additif s’est révélé essentiel puisqu’une chute de l’excès énantiomérique de 43% à 0% a été observée en absence de cette base en oxydation de thioanisole.

55 N N N N M O O CH2NH HNH2C Strap Strap M= FeCl

Figure 17. Le complexe de fer de la porphyrine chirale de symétrie C2 synthétisé par Chiang et

al.85

Plusieurs systèmes associant des porphyrines de fer non chirales avec H2O2 en oxydation de sulfures ont été étudiés par la suite, dans l’optique d’obtenir des données sur la nature des espèces intermédiaires intervenant dans le mécanisme de cette réaction, y compris des métalloporphyrines hydrosolubles.86