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de leurs outils de travail, comme l’avait fait René Clair pour son film Les Fêtes galantes :

« Au moment où ce film (Les Daces. N.D.A.) sera tourné dans le studio, beaucoup d’autres

films n’auront plus de place. […] Le film de René Clair avait à sa disposition un studio entier

et il a quand même dépassé le terme prévu ; on a mis à sa disposition tout ce qu’il a voulu et

ce qu’il n’a pas voulu. […] Il a eu à sa disposition tous les plateaux et les constructions de la

1 Idem, « Informare în legătură cu dezbaterea problemelor cinematografiei artistice in şedinţa Comisiei ideologice a CC al PCR », p. 84.

2 ANIC dossier 88/1968, Fonds CC al PCR. Secţia Cancelarie, « Proiectul planului tematic de perspectivă », p. 214.

3 Ibidem.

4 Ibid.

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cour. Pour mon film Harap-alb (Maure blanc, 1965. N.D.A.) on m’a donné quatre mois après

ma demande, deux murs qui représentaient le château du roi, tandis que pour Les Fêtes

galantes, en deux mois on a construit deux châteaux

1

».

Bien que la politique d’accroissement des fonds soit menée selon des stratégies capitalistes,

leur utilisation ne suit plus la logique du marché. Les ressources accumulées reviennent à

l’État qui s’en sert comme d’un moyen de contrôle, grâce à son pouvoir distributif

2

. Ainsi il

arrive à financer, selon ses propres règles, les différents secteurs de production. Dans le

cinéma, l’État encourage les thématiques et les cinéastes salués par le parti. C’est pourquoi il

surveille attentivement ces domaines économiques susceptibles de fournir à l’appareil central

des ressources et de renforcer ainsi sa capacité d’allocation.

2.4.3 Dépenses et recettes durant les années 1960 : le cas des films historiques

La cinématographie est un domaine culturel qui véhicule des sommes d’argent très

importantes. Durant les années 1960, les films qui dépassent les 10 millions de lei de

production sont les reconstitutions historiques : Tudor (Lucian Bratu, 1962) avec 18 millions,

Les Faucons (Mircea Drăgan 1964) avec 13,3 millions, Les Daces (Sergiu Nicolaescu, 1967)

avec 20 millions et La Colonne (Mircea Drăgan, 1968) avec 21 millions

3

. Entre 1952, année

de la première réforme monétaire initiée par le régime, et 1989, la monnaie nationale, le leu, a

été assez stable, avec un taux de 12 à 18 lei pour 1 dollar américain. Ainsi, le financement de

ces superproductions vaut entre 1,5 millions et 2 millions de dollars. Puisque les deux derniers

films ont été réalisés en coproduction avec les Occidentaux, le coût final fut sensiblement

supérieur. Sergiu Nicolaescu affirme que la réalisation d’un film de ce type nécessitait un

effort financier supérieur à beaucoup de travaux réalisés dans les constructions, l’industrie ou

l’agriculture

4

. Aux frais de production s'ajoutent les autres dépenses d'exploitation (copies,

matériel de multiplication, publicité, droit d'auteur, etc.). Au final, les coûts s'élèvent à 24,8

millions pour Tudor, 20,6 millions pour Les Faucons, 28,3 millions pour Les Daces et 27

millions pour La Colonne

5

.

1 ANF « Dacii », « Stenograma şedinţei Consiliului Artistic ţinută în ziua de 6 septembre 1965 », pp. 11-12.

2 Katherine VERDERY, Compromis şi rezistenţă…

op.

cit., p. 49.

3 ANIC, dossier 2/1971, Fonds CC al PCR Secţia Propagandăşi Agitaţie, « Situţia economică a filmelor din producţia naţională până la 30 septembrie 1970 » pp.143-149.

4

ANIC dossier 88/1968, Fonds CC al PCR. Secţia Cancelarie, « Stenograma şedinţei Comisiei ideologice a CC al PCR : 23 mai 1968 », p. 7.

5 ANIC, dossier 2/1971, Fonds CC al PCR Secţia Propagandăşi Agitaţie, « Situţia economică a filmelor din producţia naţională până la 30 septembrie 1970 » pp.143-149.

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Dans les frais de réalisation sont inclus les salaires des cinéastes, des acteurs et des

techniciens. Parmi eux, le scénariste bénéficie du meilleur traitement. Pour l’écriture du

scénario La Colonne, Titus Popovici est rémunéré 60 000 lei, tandis que le réalisateur Mircea

Drăgan a un salaire de 3000 lei par mois. Sur l’intégralité du tournage, qui a duré quatre mois,

il touche 12 000 lei. De plus il est intégré dans la catégorie « personnel

technico-administratif ». Ce traitement montre la position du metteur en scène au sein des catégories

socioprofessionnelles de nature culturelle. Dès l’installation au pouvoir du régime

communiste, le service de propagande a considéré le scénario comme le fondement artistique

du film et la situation se prolonge durant les années 1960. De surcroît, ceux qui auraient pu

plaider en faveur de la reconnaissance du réalisateur, notamment les directeurs des institutions

cinématographiques, sont la plupart du temps des écrivains et des scénaristes qui n’ont aucun

intérêt à faire des concessions aux « techniciens ». Suite aux nombreux appels des réalisateurs

auprès de la direction centrale et dans les débats publics, leur statut est reconnu et durant les

années 1970 et 1980 ils bénéficient d’honoraires plus importants que ceux des scénaristes.

Malgré ces différences à l’intérieur de la profession, les cinéastes possèdent des revenus

nettement supérieurs au reste de la population. De 1960 à 1970, le salaire moyen en Roumanie

connaît des valeurs entre 854 lei et 1434 lei brut

1

. L’arrivée de Ceauşescu au pouvoir coïncide

avec un fort développement du cinéma, ce qui détermine le parti à intervenir davantage dans

son organisation, afin de récupérer son potentiel idéologique et financier. La récupération des

ressources produites par l’industrie cinématographique donne à l’État un pouvoir distributif

très important et le cinéma devient ainsi un domaine professionnel convoité. L’État

encourage, par des stimulants financiers, ceux qui sont prêts à se mettre à son service. C’est

pourquoi on voit la cinématographie comme une source d’enrichissement. Hormis les salaires

assez importants, l’État institue des récompenses pour les films de grande qualité. Pour cela,

furent créés dans le cadre des studios

2

, trois classements de qualité pour le film de fiction, et

quatre pour le documentaire, nommées « catégorie I, II, III IV », dont la plus estimable était la

première. Le CSCA décide également de constituer une commission formée de spécialistes

1 Institutul Naţional de Statistică, informations en ligne à l’adresse suivante :

http://www.insse.ro/cms/rw/pages/castiguri1938.ro.do;jsessionid=0a02458c30d5b051ca4a24d54a37974af4d97b 0a82c5.e38QbxeSahyTbi0QbNb0 [ref. du 7 février 2009).

2 La décision de rattacher la commission aux studios est prise suite à la décision

du

CSCA n° 889 du 17 juillet 1968. La commission avait été rattachée auparavant au Conseil de la Cinématographie (l’ancienne dénomination du CNC, de 1962 à 1968). AMC, carton CSCA Dispoziţii, vol XVIII, 1968, pp. 540-541.

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(directeurs des studios, directeurs des groupes de création qui ont réalisé un film

1

, un

représentant de l’Association des Cinéastes, un représentant de la DRCDF, auxquels

s’ajoutent d’autres membres désignés par le CNC), chargée d’établir une liste de films qui

méritent être primés. Les propositions de qualité sont approuvées par le CNC. La catégorie de

qualité devient un enjeu très important pour les cinéastes, surtout durant les années 1970, ce

qui amènera le parti à vouloir contrôler l’attribution des prix.

Si le budget pour les films historiques témoigne de l’épanouissement de l’industrie

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