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Avec l’essor d’Internet et des nouvelles technologies, les archives ont lancé leur propre site Internet. Afin de renouveler leur contenu numérique et de toucher d’autres publics, notamment les plus jeunes très connectés et les personnes ne pouvant pas venir aux archives, les archivistes ont développé des serious games en ligne. On a vu plus tôt l’exemple du jeu de piste « Gueule d’Ange » par les archives départementales des Yvelines. Le jeu est très immersif car il alterne entre des phases scénaristiques et des phases de jeu qui reproduisent des situations de recherche semblables à la réalité. On peut mentionner d’autres jeux numériques. Sur le même thème, on peut d’abord mentionner le jeu « Classe 14 : Ne m’oubliez pas »99 créé par les archives départementales d’Ille-et-Vilaine. Il se présente sous la forme d’un webdocumentaire ludique, plus précisément d’une bande-dessinée interactive autour de la Grande Guerre. Au début, le joueur doit faire un choix entre quatre personnages qui présentent tous un aspect de la guerre, comme Marie qui est infirmière. Cela permet d’évoquer le thème des blessés de guerre et la participation des femmes à l’effort de guerre. Les internautes sont très vite impliqués dans le jeu puisqu’ils se mettent dans la peau d’un personnage et que l’univers créé en bande-dessinée est très immersif. Le jeu propose du contenu pédagogique puisque des

99 Voir http://classe1914.ille-et-vilaine.fr/

explications sur ce conflit ainsi que des documents d’archives sont présentés. Les serious games peuvent aussi prendre la forme de quiz. C’est le cas du jeu « Ne m’oubliez pas »100 développé par les archives départementales du Val d’Oise à destination des collégiens. Le joueur incarne un maire qui doit ériger un monument aux morts au sein de sa ville ou de son village. Pour avancer, le joueur doit répondre à des questions sur le thème de la Première Guerre mondiale. C’est un jeu qui complète bien les visites des archives départementales et les ateliers du service éducatif. Le serious game « Escape from the Blitz »101 proposé par le British National Archives fonctionne sur le même principe. Pour avancer dans sa mission, le joueur doit répondre à un quiz sur la Seconde Guerre mondiale et sur le Blitz. Le numérique est un des volets importants de la ludification dans les services d’archives et il pousse les archivistes à renouveler le contenu culturel sur leur site Internet.

2. Le soutien des professionnels du jeu et des acteurs culturels locaux

Monter un projet de jeu est plutôt une démarche ambitieuse qui nécessite la plupart du temps un investissement sur le long terme. En effet, il faut réfléchir aux objectifs du jeu, au public cible, au scénario, aux mécaniques du jeu. Ce sont les caractéristiques récurrentes des jeux, comme l’indiquent les auteures de l’article

« La gamification des dispositifs de médiation culturelle : Quelle perception et quel impact sur l’expérience de visite ? Le cas de la corderie Royale »102. Le scénario du jeu doit permettre de stimuler l’imagination du joueur et favoriser son immersion.

Le jeu est aussi caractérisé par son interactivité et la collaboration entre les joueurs.

De plus, créer un jeu n’est pas quelque chose d’habituelle pour les archivistes ou les bibliothécaires. C’est pourquoi, avant de mener un projet, ils regardent d’abord ce qui s’est fait dans d’autres espaces culturels similaires. Pour leur escape game à

100 Voir http://archives.valdoise.fr/n/jeu-numerique-ne-m-oubliez-pas/n:278

101 Voir https://www.nationalarchives.gov.uk/education/resources/help-children-escape-bombing-blitz/

102 J. Passebois-Ducrot, F. Euzéby, S. Machat et J. Lallement, « La gamification des dispositifs de médiation culturelle… », op.cit., p. 9-10.

la bibliothèque de Sciences Po103, les bibliothécaires se sont inspirés d’autres bibliothèques universitaires comme les serious games créés par la bibliothèque de l’Université catholique de Lille. Après cela, le projet, d’une durée de cinq mois, a débuté par une Game Jam, c’est-à-dire une séance intensive de conception et de prototypage de deux jours.

Pour concevoir un jeu, les archivistes ont parfois recours à des partenaires, notamment des professionnels du jeu ou de la création. Par exemple, dans un entretien pour la revue Interfaces numériques, Sébastien Célerin et Franck Plasse parlent de leur collaboration avec les archives départementales de l’Oise104. Sébastien Célerin est game designer tandis que Franck Plasse est conseiller en communication et est spécialisé en storytelling et en gamification. Ce sont deux consultants associés au sein de l’agence de storytelling et de gamification Axon Clark & Associés. Ils ont écrit l’ouvrage Gamification – méthodes, enjeux et cas pratiques de communication ludique. Ils ont aidé les archivistes de l’Oise pour mettre en place un projet de jeu qui se rapproche du concept de la murder party, à l’occasion des Journées du patrimoine. Le but des participants était de reconstituer une enquête. Les deux consultants ont apporté leur expertise dans le domaine du jeu pour aider ce service d’archives à créer une animation ludique. Ils ont notamment élaboré la scénographie du jeu. On peut aussi citer l’exemple de

« Classe 14, ne m’oubliez pas ». Pour ce jeu, les archives départementales d’Ille-et-Vilaine ont collaboré avec la société Limonade & Co, cabinet de conseil d’archivistes. Le jeu a été développé par la société Petit Homme, une société de production vidéo, qui a écrit le scénario et fait la réalisation technique. Les archivistes peuvent aussi être aidés d’artistes. En 2018, les archives départementales du Nord ont créé un parcours ludique intitulé « Révélation » avec l’aide de la compagnie A Kan la Dériv’, spécialisée dans les spectacles de marionnette. Par ailleurs, être aidé par des professionnels du jeu ou des artistes est une manière de les mettre aussi en lumière, de rediriger les participants vers des établissements partenaires. Dans l’article « Place au jeu », Myriam Gorsse et

103 A. Beldiman-Moore, A. Callejon Mateu et C. Tempier, « Le Jeu, catalyseur de connaissances … », op.cit.

104 Sébastien Célerin et Franck Plasse, « Entretien », Interfaces numériques, n° 3, 2014, p. 383-390.

Cécile Swiatek soulignent cette aide mutuelle, présente aussi en bibliothèque : « La bibliothèque peut être le niveau d’intermédiation entre publics, artistes et professionnels du jeu. »105

Avoir des partenaires permet aux archives de gagner en visibilité, à l’échelle territoriale notamment quand il s’agit de collaborations avec des acteurs culturels locaux. Dans son article sur la valorisation publié dans La Gazette des archives, Elodie Belkorchia démontre la nécessité des partenariats : « Au regard de la multiplicité des projets, des sollicitations nombreuses et des contraintes budgétaires, une concertation est nécessaire entre les différents acteurs culturels d’un même territoire. »106 Elle affirme que les partenariats assurent une meilleure visibilité pour le service et ses collections. On retrouve aussi cela dans les bibliothèques. Dans son rapport sur le jeu en bibliothèque, Françoise Legendre énumère les différentes structures avec lesquelles les bibliothèques sont partenaires107. On peut retenir les ludothèques, les enseignants, les structures d’accueil de personnes âgées, les associations de jeu. Elle illustre cela par l’initiative de la bibliothèque du Carré d’Art à Nîmes108. Une session de « Game jam » a été organisée sur la thématique « littérature et jeu vidéo » et réunissait des artistes, des développeurs de jeux vidéo, des infographistes, des designers afin de créer des prototypes de jeux vidéo en temps limité.

3. La communication

La communication est aussi un outil important de la ludification. Pour parler de leurs activités, les archives emploient divers moyens de communication. Dans son étude sur les publics, Brigitte Guigueno les recense : « L’information s’est principalement transmise par la presse (35%), les dépliants ou brochures (21%), le bouche-à-oreille (17%) ou les sites internet dédiés aux jep (16%). »109

105 M. Gorsse et C. Swiatek, « Place au jeu ! », op.cit., p. 134.

106 E. Belkorchia, « La valorisation : mutation(s) dans le temps long », op.cit., p. 204.

107 F. Legendre, Jeu et bibliothèque, op.cit., p. 68.

108 Ibid., p. 71.

109 B. Guigueno, E. Pénicaut, Enquêtes sur les lecteurs, les internautes et les publics des activités culturelles, op.cit., p. 24.

Les archives passent de plus en plus par les médias sociaux. En effet, une communication qui passe par des vecteurs modernes est plus compatible avec l’aspect innovant que représente la ludification et touche les plus jeunes générations. Les réseaux sociaux sont plus interactifs que les moyens de communication classiques et l’information circule plus rapidement et à plus large échelle. C’est ce qui est décrit dans l’Abrégé d’archivistique dans le chapitre sur la communication : « Cela implique une réflexion sur l’information que l’on souhaite diffuser, en définissant le fond et la forme, en essayant de trouver le juste équilibre entre les exigences en termes de rigueur et l’accessibilité du message. »110 Pour les archivistes, communiquer sur les réseaux sociaux, c’est donner une image plus moderne de son service et une plus grande visibilité. Jean-Yves Le Clerc, responsable du service Nuage des archives départementales d’Ille-et-Vilaine, l’a très bien compris en lançant le jeu « Classe 14, ne m’oubliez pas » en ligne. Le service d’archives s’est appuyé sur les médias sociaux pour créer une communauté autour de ce docgame. Selon lui, la communication numérique autour de ces projets innovants est essentielle car elle permet de toucher un plus large public, d’attirer plus de monde sur leur site web. Il est même préférable de faire appel à des professionnels de la communication, à un community manager pour fidéliser la communauté qui se développe autour des actions culturelles du service.

B. Evaluer l’adéquation entre le jeu, les fonds mis en valeur,