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PARTIE 2 LES PROPOSITIONS LINGUISTIQUES ET INFORMATIQUES

4.2 Les outils linguistiques

4.2.1 La substitution

Au niveau du vocabulaire, le structuralisme propose la substitution. Le terme est repris par des généticiens mais avec une autre acception ou plus précisément un élargissement de sens48. Pour le structuraliste, la substitution est symétrique et indépendante du temps alors que pour le généticien le changement dans l’écriture est nécessairement ordonné chronologiquement et la substitution n’est en rien symétrique (même s’il arrive que l’écrivain raye la substitution pour proposer une troisième solution qui sera en fait le premier terme). Le scripteur écrit d’abord « x », puis le remplace par « y ». Pour pouvoir traiter les quatre cas de réécriture, à savoir, le remplacement, l’ajout, la suppression et le déplacement, une nouvelle notion linguistique a été inventée : la variable ø (ensemble vide)49. Ainsi, les autres cas de réécriture sont représentés ainsi :

1. le remplacement comme « x  y », (x devient y) ;

2. l’ajout comme « ø  x », (rien devient y) ;

3. la suppression comme « x  ø », (x devient rien) ;

4. le déplacement comme « abcdbcda » (abcd devient bcda).

4.2.2 La variante

Toujours au niveau du champ lexical, le structuralisme a apporté un autre terme, la variante. Pour le structuraliste, elle signifie deux réalisations dans le même contexte d’une même unité linguistique (par exemple deux sons ou deux morphèmes) mais elle ne modifie pas la valeur de l’unité linguistique elle-même : par exemple le r roulé et le r grasseyé. Pour le généticien la variante devient un peu le contraire dans la mesure où elle modifie la valeur du texte. Deux unités textuelles (par exemple deux mots, groupes syntaxiques ou phrases) sont considérés comme variantes si dans un même contexte ils engendrent une différence de sens. Si l’écrivain biffe un mot pour le remplacer par un synonyme, il ne s’agit pas d’une variante ; en revanche s’il le remplace par un mot

48 [Grésillon et al., 1990] 49

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entraînant une différence de sens pertinente50 il s’agit bel et bien d’une variante : par exemple : une femme dame jouait du violon n’est pas une variante de une femme jouait

du violon mais est une variante de une femme un jeune garçon jouait du violon.

4.2.3 La variante liée versus la variante libre

Le linguiste danois Louis Hjelmslev avait introduit la notion pour le morphème51 de lié et de libre : le morphème est dit lié s'il ne se manifeste pas comme lemme52 et n'existe jamais à l'état libre, mais est toujours rattaché à un autre morphème appelé base : comme -ons dans ouvr-ons ou re- dans re-faire ; le morphème est dit libre s'il peut constituer un mot : le ou beau sont libres.

Les linguistes généticiens proposent de reprendre cette notion et de l’adapter à la variante53. La variante sera dite liée quand elle est due à des contraintes de langue, morphologie, lexique, syntaxe ou si elle n’est que l’effet grammaticalement nécessaire d’une variante première ; la variante est dite libre si elle n’est pas liée.

4.2.4 La variante d’écriture versus la variante de lecture

La variante peut également être dite « d’écriture », auquel cas il s’agira d’une correction au fil de la plume, ou de lecture si elle a été insérée après coup et non immédiatement. Cette différence est souvent repérable sur les manuscrits grâce à sa position par exemple, soit dans l’interlinéaire, soit dans la marge, soit sur d’autres feuillets ou grâce à une autre encre utilisée lors de la relecture ; parfois il n’est pas possible d’identifier formellement, avec certitude la propriété de la variante.54

4.2.5 Le texte non variant versus le texte variant

Enfin, la notion de variante a également été utilisée pour décrire le texte à un niveau de granularité supérieur. Le texte non variant représente le texte inchangé tout au long de la genèse et le texte variant, celui qui subi des modifications.

50 [Lebrave & Grésillon, 2009] 51

Un morphème est la plus petite unité porteuse de sens qu'il soit possible d'isoler dans un énoncé.

52 Un lemme est une suite de caractères formant une unité sémantique et pouvant constituer une entrée de

dictionnaire. Souvent synonyme de « mot », ou « terme ». Les lemmes sont constitués de morphèmes.

53 [Grésillon et al., 1990] 54

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43 4.2.6 Le texte, le méta-texte et le non-texte

Outre le texte proprement dit, les manuscrits contiennent deux types d’autres données : du « méta-texte » et du « non-texte ». Par méta-texte nous entendons des informations liées au texte comme par exemple les ratures, les soulignements, les marques d’insertions, les différentes couleurs d’encre, etc. ; par non-texte nous comprenons les croquis, dessins, rébus, etc. Ces deux autres types de données sont bien souvent essentiels à la compréhension du processus de genèse.

Ainsi cette analyse du matériel linguistique nous a permis de retenir pour notre problématique le modèle d’Hayes et Flower, la notion de substitution et de variantes liées ou non, d’écriture ou non, de texte variant ou non ainsi que la nécessité d’inclure en plus du texte, des méta-données et des illustrations.

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Chapitre 5 – Des outils informatiques trop spécifiques

Les enjeux de l’informatique dans notre problématique se situent à plusieurs niveaux. Comme nous l’avons vu pour la constitution de l’avant-texte, nous jonglons avec des livres annotés, des cahiers ou carnets, et des feuillets. Nous avons besoin d’étiqueter et de dater chaque document, et chaque page du document. Puis si nous descendons au niveau de la page, quelle que soit sa provenance, nous trouvons du texte et du graphisme. Nous pouvons représenter et stocker des informations scripturales mais aussi visuelles, et surtout effectuer après-coup des recherches pertinentes sur ces informations. Le modèle doit également présenter suffisamment de souplesse pour que le généticien puisse effectuer des allers-retours entre les différents maillons : nous l’avons vu, il s’agit de commencer par récupérer et préclasser les éléments constitutifs de l’avant-texte avec une première lecture approximative, puis de déchiffrer le feuillet avec précision, et le cas échéant, le référencer plus finement, voire modifier sa référence.

Avant de se lancer dans le montage d’un modèle répondant à toutes ces contraintes, effectuons un rapide tour d’horizon des modélisations existantes. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de chercher dans l’histoire de l’informatique des modèles adaptables à l’analyse génétique, la différence entre les deux objets observés étant trop importante, mais plutôt d’inspecter les outils existants. Nous avons trouvé trois outils qui pourraient nous aider dans notre problématique.

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