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3. Electrophysiologie de l’audition et autres outils de mesure 49

3.1.2. Outils d’exploration clinique des voies auditives

Dans un volet clinique, l’oto-rhino-laryngologie et sa sous-spécialité l’audiologie ont à disposition une panoplie de techniques pour caractériser les pathologies de l’audition. Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, de nombreuses causes peuvent expliquer une surdité, de façon non-exclusive ; il est donc nécessaire pour traiter cette surdité d’en trouver la ou les causes, en utilisant pour cela des techniques étudiant le fonctionnement ou la structure du système auditif humain.

3.1.2.1. Comportement

Sur le plan comportemental, la psychoacoustique est une discipline mettant en relation les percepts de l’audition avec les paramètres acoustiques des stimuli évoquant ces percepts. Une batterie de tests de ce type éclaire le clinicien sur le déficit auditif probable.

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L’audiométrie tonale définit les seuils de perception, en intensité acoustique relative à une population normale, en fonction des fréquences, la plupart du temps pour les octaves entre 250 et 8000 Hz. Le profil audiométrique obtenu donne une idée de la pathologie sous-jacente en fonction des fréquences atteintes : une perte sur les basses fréquences avec des hautes fréquences bien conservées est compatible avec une hyperpression des liquides de l'oreille interne ; une perte en encoche, à une fréquence précise, fera penser à un traumatisme sonore ou à une ototoxicité ayant entrainé la disparition des cellules ciliées sur une zone particulièrement sensible de la membrane basilaire (généralement autour du 3 et 6 kHz) ; enfin, l’observation de basses fréquences bien conservées avec une perte sur les hautes fréquences à partir de 1 ou 2 kHz sera compatible avec une presbyacousie (Figure 3.1.). Le caractère potentiellement symétrique des audiométries tonales pour chacune des deux oreilles informe aussi sur la nature du trouble. Ceux-ci peuvent se combiner, et il n’est pas rare d’observer une audiométrie de type presbyacousie pour une oreille, et un mélange de presbyacousie et de traumatisme sonore pour l’autre oreille, rendant alors asymétriques les fonctions cochléaires.

Figure 3.1. Audiométrie tonale d’un patient presbyacousique de l’étude 4. Dans la légende, OD signifie oreille

droite, et OG oreille gauche.

L’audiométrie vocale donne un indice d’audibilité des sons de parole, en quantifiant le taux d’erreur dans la répétition de mots pour des intensités de stimulation décroissantes. Différentes listes de matériel phonétique existent (test dissyllabique de Fournier, liste phonétique de Lafon), qui peuvent être dotés de sens ou non (logatomes). La compréhension de la parole peut aussi être testée dans le bruit (logatomes de Dodelé), en faisant varier le

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 125 250 500 750 1k 1.5k 2k 3k 4k 6k 8k Seuil de percept ion (d B HL) Fréquence (Hz)

Audiométrie tonale - P11.t0

K K'

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rapport signal-sur-bruit avec des bruits de différentes natures (conversation type cocktail party, bruit blanc ou coloré, et cetera).

Les mesures suivantes ont davantage rapport à des mécanismes cognitifs que sensoriels ou perceptifs, et informent donc surtout sur des déficits centraux liés à l’audition.

Les tests d’écoute dichotique testent les capacités attentionnelles, en présentant des sons différents à chaque oreille, et demandant au sujet de restituer certaines informations : comme il est très ardu d’assimiler l’intégralité des informations de deux sources concurrentes, il sera possible de quantifier la provenance des informations restitués pour mettre en évidence une plus grande attention portée sur une oreille par rapport à l’autre ; ou, en demandant au sujet de ne faire attention qu’à une latéralité, il est possible de compter le nombre d’erreurs et donc de chiffrer les performances attentionnelles auditives.

Figure 3.2. Courbe d’identification phonémique d’un patient presbyacousique de l’étude 4, pour un continuum de nasalité /ba/-/ma/. Les réponses d’identification sont représentées par les points noirs, pour chacun des 50 stimuli présentés (point en bas quand réponse /ba/, et en haut quand réponse /ma/). Elles permettent d’obtenir la courbe sigmoïde, en rouge.

Le test de perception catégorielle comprend les parties d’identification phonémique, et de discrimination phonémique. Ils permettent d’estimer la faculté à grouper les stimuli d’un

continuum, sorte de dégradé acoustique, en des catégories distinctes, procédant ainsi à une

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d’identification, les stimuli d’un continuum sont présentés un par un, et le sujet doit indiquer la syllabe perçue après chaque présentation (Figure 3.2., points noirs). Le test de discrimination existe sous différents formats, l’un des plus connus consistant à faire écouter consécutivement les deux stimuli d’une paire, suite à quoi le sujet devra répondre s’il a perçu les syllabes comme identiques ou différentes. Si l’analyse des scores d’identification résulte en une courbe en S (dite sigmoïde ; Figure 3.2., en rouge), et que la discrimination est plus importante pour les paires de stimuli situés de part et d’autre de la frontière catégorielle que pour les paires comprises dans une même catégorie, alors la perception est jugée catégorielle.

3.1.2.2. Anatomo-physiologie

Sur le plan anatomo-physiologique, soit de la structure ou du fonctionnement du système auditif humain sans rapport à l’impression du sujet, les examens cliniques sont nombreux et apportent un éclairage sur des étapes distinctes de la perception de parole.

L’examen physique est un premier pas nécessaire, permettant de détecter les anomalies morphologiques évidentes telles que l’aplasie. L’otoscopie permet ensuite de s’assurer de l’absence d’un bouchon de cérumen dans le conduit auditif externe, ainsi que de la bonne structure et apparence de la membrane tympanique. La tympanométrie mesure la réactivité du tympan en termes de souplesse, suite à l’application d’une variation de pression dans le conduit auditif externe. Elle mesure également l’existence et le bon fonctionnement du réflexe stapédien. Toutes ces techniques sont aptes à mettre en évidence une éventuelle surdité de transmission.

Au niveau de la cochlée, l’enregistrement des oto-émissions acoustiques spontanées ou évoquées par un son fournit un indice de l’intégrité fonctionnelle et anatomique des cellules ciliées externes de la cochlée. Lors de leur activité contractile, ces cellules sensorielles émettent un son, qui peut être capté par une sonde microphonique placée dans le conduit auditif externe. L’oreille ne perçoit donc pas simplement les sons : elle en émet aussi, qui permettent alors d’estimer la fonctionnalité du système efférent olivo-cochléaire médian, régulateur de l’activité des CCE. En pratique, cette fonctionnalité s’examine en administrant un bruit blanc dans l’oreille controlatérale à celle où sont enregistrées les oto-émissions acoustiques, et en observant une diminution d’amplitude de ces dernières.

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