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CHAPITRE 1 ÉTAT DES CONNAISSANCES

1.5 Outils d’évaluation et d’aide à la décision

Appliquer les notions du « développement durable » à la construction signifie la prise en compte globale de ses trois piliers (économique, environnemental et social). La difficulté d’application du principe de développement durable repose sur la complexité engendrée par le grande nombre de parties prenantes qui doivent s’entendre sur un projet en tenant compte de ces trois aspects en prenant en considération des indicateurs associés notamment à : la gestion de l'énergie, la diversité sociale, la qualité de l'air, les réseaux de transports, la qualité de l'eau, la gestion des déchets, l’aspect économique, le remplissage des terrains vacants, la sauvegarde des sites historiques, la rénovation du cadre bâti existant, etc. (Beekmans, Ploegmakers, Martens, & van der Krabben, 2015). Pour faire face à cette planification stratégique et répondre aux exigences des villes, des méthodes d’évaluation environnementale développées par des organisations publiques ou à but non lucratif ont été adoptées par certains pays (Angleterre, États Unis, Japon, Australie et certains pays de la Communauté européenne) pour les aider dans la prise de décision (Sharifi & Murayama, 2013; Talen et al., 2013). Au début des années 1990, la Building Research Establishment (BRE) a développé en Angleterre l’outil d’évaluation BREEAM ou Building Research

Establishment Environmental Assessment Method. La première version pour l'évaluation des

nouveaux bâtiments a été lancée en 1990. Elle a été suivie par des versions pour d'autres bâtiments, notamment des supermarchés, des unités industrielles et des bureaux existants. Après son lancement, le BREEAM s’est développé à une échelle plus large que celle d’un seul bâtiment, il a donné lieu à un autre outil appelé le BREEAM Refurbishment. Ce dernier a été développé pour évaluer les projets de rénovation de logements durables et ainsi pour

améliorer efficacement la durabilité et la performance des logements existants. Un autre outil a été créé mais cette fois à l’échelle du quartier et de la ville : le BREEAM Communities. Il est intéressant de souligner que cet outil permet d’évaluer aussi les friches industrielles (BREEAM, 2016). Les États-Unis ont commencé à utiliser à partir des années 1990 un outil d’évaluation pour répondre aux exigences de la communauté afin de réduire les impacts du cadre bâti sur l’environnement (Sharifi & Murayama, 2013). Initialement cet outil d’évaluation était conçu pour mesurer l’impact environnemental à l’échelle du bâtiment : il prévoyait en outre de réduire la consommation d’énergie. La U.S. Green Building Council (USGBC) a développé en 1993 la certification LEED-NC ou Leadership in Energy and Environmental Design - New Construction. Cet outil a été conçu pour la construction de nouveaux édifices. Dans LEED-NC, il y a plusieurs indicateurs qui permettent d’évaluer les aspects économiques et environnementaux du bâtiment (USGBC). En 2009, l’USGBC a développé le LEED-ND (New Development) qui est un programme indépendant de certification pour l’aménagement de quartiers durables, mais qui évalue aussi les friches industrielles. Cette échelle donne également la possibilité d’évaluer le projet en considérant les caractéristiques des bâtiments, la connectivité et densité du quartier et la contextualisation du site (USGBC, 2016).

Le Japon a développé en 2001 un système d'évaluation globale pour l'efficacité du milieu bâti (CASBEE). Le Comprehensive Assessment System for Built Environment Efficiency (CASBEE) est une méthode d'évaluation de la performance environnementale du bâti. Il a été développé par un comité de recherche grâce à la collaboration du monde académique, industriel, national et local qui a créé le Japan Sustainable Building Consortium (JSBC) sous les auspices du ministère du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme. CASBEE a été développé à l’origine pour l’échelle du bâtiment mais il s’applique maintenant aussi à l’échelle du quartier et de la ville (CASBEE-UD et CASBEE for Cities). CASBEE-UD est basé en référence aux éléments d'évaluation Q3 (Environnement intérieur au site) et LR3 (Environnement hors site). Cependant, CASBEE-UD est développé pour des groupes partiels ou entiers de bâtiments et se concentre sur les phénomènes qui peuvent survenir à la suite de la construction de conglomérats. CASBEE-UD exclut l'évaluation de

l'intérieur des bâtiments (bien qu'il y ait des exceptions dans certains éléments d'évaluation). Alors que, cette configuration permet d'utiliser CASBEE-UD pour évaluer une zone de développement dans son ensemble, CASBEE évalue la performance environnementale des bâtiments individuels dans la zone désignée et cela permet aux utilisateurs l’usage de CASBEE-UD aussi dans les projets de réhabilitation des friches industrielles (JSBC, 2016).

Le système d’évaluation Green Star a été lancé en 2003 par le Green Building Council d'Australie (GBCA, 2016). Ce système évalue la durabilité des projets à toutes les étapes du cycle de vie de l'environnement bâti. Les notations peuvent être obtenues lors de la phase de planification pour les communautés, pendant la phase de conception, de construction ou d'aménagement des bâtiments, ou pendant la phase opérationnelle en cours. La méthode permet d’évaluer les bâtiments, les aménagements et les collectivités par rapport à diverses catégories d'impacts environnementaux. Il vise à encourager le leadership dans la conception et la construction écologiquement durables et à promouvoir l'innovation dans les pratiques de construction durable et à tenir compte des économies de coûts.

Toutes ces méthodes visent à sensibiliser les propriétaires, les occupants et les concepteurs aux avantages d'adopter une approche de durabilité. Cela les aide à adopter des solutions durables de manière rentable et à reconnaître leurs réalisations sur le marché immobilier (Kaufman & Cloutier, 2006; Sev, 2011; Sharifi & Murayama, 2013). Elles visent à réduire les effets négatifs de la construction sur l'environnement. Cependant, ces méthodes d’évaluation ont des faiblesses, surtout pour l’utilisation des indicateurs mais aussi en ce qui concerne la participation des parties prenantes. Le tableau 1-2 indique la répartition des indicateurs dans chaque domaine de ces méthodes par rapport à l’évaluation d’un quartier.

Cependant, l’analyse a posteriori de la mise en application de ces méthodes d’évaluation tend à montrer qu’elles négligent les attentes des communautés locales et se concentrent à évaluer un aspect plutôt qu’un autre (Sharifi & Murayama, 2013; 2015). Par ailleurs, les indicateurs associés aux processus d’évaluation des friches industrielles sont centrés sur l’évaluation des retombées des projets à une échelle mondiale, nationale, régionale ou municipale; ils

minimisent les enjeux au niveau local (Bacot & O’Dell, 2006; De Sousa, 2006; EPA, 2004; Inoue & Katayama, 2011; Kaufman & Cloutier, 2006; Sharifi & Murayama, 2013).

Tableau 1-2 Répartition des indicateurs d’évaluation par catégorie pour les principales méthodes disponibles

Méthode d’évaluation

Pays Nb total

d’indicateurs

Indicateurs utilisés dans chaque domaine (%)

Tran Env Soc Eco Loc & des

Inn

BREEAM Communities

Angleterre 86 19 23 11 8 37 2

LEED-ND États Unis 93 9 33 9 2 42 5

CASBEE-DU Japon 66 10 41 6 0 43 0

Green Star Communities

Australie 79 12 33 15 2 37 1

Légenda : TRAN= Transport; ENV= Environnement; SOC= Social; LOC&DES= Localisation et design; INN= Innovation

Une méthode d’évaluation doit se concentrer sur ce qui est nécessaire et doit tenir compte de la spécificité du site. La réhabilitation des friches industrielles doit être capable d’analyser le site dans sa totalité et non seulement dans une dimension plutôt qu’une autre et se concentrer aussi au territoire. Par exemple, l’USEPA (2002), Northridge et coll. (2003), Hemphill, McGreal et Berry (2004), Balsas (2004), cités par Wedding & Crawford-Brown, (2007), ont proposé une méthode complète pour mesurer les impacts tant positifs que négatifs des projets de réhabilitation des friches industrielles. Les paramètres utilisés se concentrent peu sur les sites en question et négligent les questions sociales en faveur des questions économiques (Johnson & Whitlam, 1988; Wedding & Crawford-Brown, 2007; Inoue & Katayama, 2004, 2011; Sharifi & Murayama, 2013). Bacot et O'Dell (2006) ont également proposé des indicateurs pour mesurer les politiques de réaménagement des friches industrielles. Les indicateurs utilisés priorisent davantage l'environnement et les préoccupations économiques. D’autres études conduites par Lange et McNeil (2004) sur l’évaluation des interventions gouvernementales sur les friches industrielles ont utilisé des indicateurs qui se limitaient aux

impacts du réaménagement des friches contaminées, sans prise en compte des effets des projets sur la qualité de vie ou l’intégration de logements abordables ou sociaux. De plus, la démarche d’évaluation proposée s’applique à l’évaluation des friches après leur réhabilitation. Les travaux réalisés par De Sousa (2006) visant à évaluer l’impact de la réhabilitation des friches industrielles par l’entremise d’entrevues avec des intervenants de Milwaukee (États-Unis) ont mis en évidence que les projets sont évalués et justifiés sur la base de critères économiques. Les résultats des travaux ont par ailleurs montré que l’intégration des aspects environnementaux et sociaux amenait à améliorer la contextualisation des projets avec l’environnement existant. Dans ce contexte, de nombreux auteurs (Bond et Pope, 2012; Berardi 2013; Bond et Morrison - Saunders, et Howitt, 2013 cités par Sharifi & Murayama, 2013) suggèrent que l'évaluation de la réhabilitation de sites doit avoir un caractère multidimensionnel (social, économique, environnemental) qui reconnaissent les spécificités du contexte local et multi-acteurs afin d’intégrer les préoccupations des différentes parties prenantes de la société civile, notamment les citoyens concernés par le projet.

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