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Ces remarques quant au manque d’outils couleur-lumière sont à l’origine de mon projet professionnel de fin d’études. Ce dernier consiste en effet à la création d’outils adaptés au travail du concepteur lumière coloriste, en faisant le lien entre la lumière colorée et les sites éclairés, mais également en permettant une communication avec les différents acteurs du projet. Ces outils ont été réalisés grâce à une analyse des outils couleurs déjà existants dont il a été question précédemment, mais aussi grâce à l’étude d’une pensée couleur-lumière spécifique mise en place par l’entreprise Lee Filter.

Lee Filter est une entreprise spécialisée dans la conception de filtres colorés pour les photographes, les cinéastes, les designers et les architectes. L’entreprise propose plusieurs séries de filtres chacune adaptée et conçue pour un domaine professionnel particulier. Nous nous attarderons sur la série designer. Depuis 1998, plusieurs designers ont été conviés à l’usine Lee Filter pour y concevoir leur propre gamme de couleurs. Malgré la large gamme proposée par l’entreprise, les designers avaient en effet besoin de concevoir des couleurs spécifiques propres aux ambiances qu’ils souhaitaient mettre en place au sein de leurs projets. Le designer a donc la possibilité de concevoir sa propre couleur à l’aide des scientifiques présents à l’usine. Ces gammes sont par la suite commercialisées et portent le nom du designer. Chaque professionnel crée une ou plusieurs couleurs en fonction de ses besoins et de ses envies. Chaque nouvelle couleur est identifié par un code (ex : 508) mais également par un nom évocateur d’une ambiance, d’un usage particulier (ex: Midnight Maya). Un texte descriptif donne des indications sur la couleur, sur l’ambiance qu’elle crée, sur l’imaginaire qu’elle évoque : «ambiance sombre de soirée d’hiver froide», «été indien au crépuscule» ou encore «palette de couleurs pour coucher de soleil». Ce principe permet également aux designers de manipuler la couleur-lumière et ainsi de mieux la comprendre. Cette démarche singulière ouvre également un dialogue entre science, technique et art. Lee Filter propose une démarche intéressante, tout d’abord car l’entreprise collabore

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Concevoir les nuits urbaines | avec les designers de manière à répondre de manière exacte à leurs besoins. De plus, dans la présentation de sa gamme de couleurs, en plus d’une codification et des caractéristiques techniques, l’entreprise s’attache à donner une indication quant à l’ambiance produite par chaque filtre. Pour finir, Lee Filter développe des outils (nuanciers et nuancier virtuel) de manière à faciliter la prise en main des produits commercialisés. Cependant, les filtres colorés ne sont aujourd’hui plus réellement utilisés dans l’éclairage urbain. Ainsi, les outils proposés ne peuvent pas non plus être réellement utiles au concepteur lumière coloriste. Malgré cela, l’approche de Lee Filter donne une solution de présentation, de classification et de codification des couleurs lumière.

Pour en revenir à mon projet de fin d’étude, celui-ci se décompose en deux outils. Le premier outil dit technique est réalisé suite à de nombreuses expérimentations sur les mélanges de la lumière colorée. Le but : créer des recettes de manière à normaliser, codifier un certain nombre de couleurs-lumières. Ces expérimentations permettent de mieux comprendre le système additif et ainsi, comment les lumières colorées se mélangent entre elles. Au même titre qu’un peintre ou un coloriste sait quelles couleurs il doit utiliser pour obtenir une teinte, le concepteur lumière pourra définir quelles primaires il doit utiliser dans la création d’une lumière colorée. Grâce à cet outil, le concepteur lumière prend connaissance, en un coup d’œil, de la composition exacte de la couleur qu’il souhaite utiliser (le pourcentage de chaque couleur primaire nécessaire pour composer une couleur) grâce à la codification établie. Le professionnel peut ainsi également avoir des indications s’il souhaite créer sa propre couleur. Cet outil est également utile à la création de gammes colorées dans le cadre d’un projet : la nomination évocatrice permet en effet une approche plus sensible de la couleur. Plus concrètement, l’outil technique se présente sous la forme de quatre nuanciers créant ainsi une classification de couleur propre à la synthèse additive, inspirée du

10 20 30 40 90 10 80 20 70 30 60 40 r M J OUTIL COULEUR-LUMIÈRE CL-R

Triangle de couleur du nuancier «Rouge»

Quatre nuanciers comportant chacun des couleur majoritairement composé de la primaire dont ils portent le nom.

Une page du nuancier rouge.

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Concevoir les nuits urbaines | diagramme de chromaticité de la CIE78. Chaque nuancier porte en effet le nom d’une couleur primaire79 (Rouge, Bleu, Vert, White) ce qui permet d’identifier rapidement le système colorimétrique dont il est question et comporte des teintes majoritairement issues de la couleur en question. Par exemple, le nuancier rouge regroupe des couleurs majoritairement composées de rouge. Chaque nuancier est accompagné d’un triangle de couleur permettant de replacer chaque couleur dans le système colorimétrique. Le deuxième outil dit outil sensible est un objet plus personnel. Contrairement à l’outil technique, il restitue une méthodologie et une démarche ainsi qu’un regard personnel sur les interactions qui s’opèrent entre la lumière colorée et les matériaux du site. Il aborde ainsi une autre problématique du projet couleur-lumière. En effet, la lumière se superpose aux couleurs et aux matériaux déjà existants et interagit avec eux. Il est donc difficile de se projeter lorsque l’on utilise la lumière colorée. Outre cela, une bonne maîtrise de ces interactions pourrait permettre l’obtention de rendus matériologiques et ambiantaux intéressants, sortants du commun. Ce deuxième outil se matérialise davantage comme un carnet couleur/lumière/matière où analyses de sites, expérimentations et regards personnels se croisent. Il n’a donc pas pour vocation de donner des réponses précises, des solutions, mais constitue plutôt un carnet d’inspirations, de collection d’impressions lumineuses qui peuvent servir de projets en projets et ouvrir l’imaginaire. Cependant, il peut donner des indications quant aux interactions qui s’opèrent entre couleurs, lumières et matières et fait acte d’une pratique de la couleur. En effet, au-delà de la maîtrise technique des couleurs abordée notamment dans l’outil technique, le concepteur lumière coloriste est amené à faire preuve d’une réelle démarche chromatique.

78. Diagramme de chromaticité : En colorimétrie, un diagramme de chromaticité est une représentation cartésienne où les points représentent la chromaticité des stimulus de couleur1

79. Couleurs primaires : La lumière est attachée au système additif de la couleur. Ainsi, les primaires sont le rouge, le vert et le bleu.

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Pratiques chromatiques, ambiances