• Aucun résultat trouvé

Outils de caractérisation : biosenseurs basés sur le principe du BRET

2. De la théorie du modèle à deux états de Katz au concept de sélectivité

2.2 Outils de caractérisation : biosenseurs basés sur le principe du BRET

Pour mieux comprendre et évaluer l’interaction du récepteur avec les différents effecteurs intracellulaires, le développement d’outils moléculaires sensibles s’est avéré plus que nécessaire. Plusieurs méthodes biophysiques ont été développées, dont le Bioluminescence Resonance Energy Transfer (BRET). Le BRET est une méthode inspirée de phénomènes naturels se produisant chez la méduse Aequorea victoria ou la pensée de mer Renilla reniformis (Xu et al., 1999). Elle se base sur la capacité qu’ont ces organismes à émettre de la lumière après consommation de leur substrat, la coelentrazine, par leurs photoprotéines respectives (Pfleger and Eidne, 2006). Le BRET est une méthode de choix pour étudier les interactions protéine-protéine dans des organismes vivants et elle peut aussi permettre de déceler des changements de conformations intramoléculaires. Le transfert d’énergie reflète une interaction physique étroite entre les deux protéines et plusieurs paramètres sont requis pour favoriser ce transfert. Tout d’abord, l’efficacité du transfert dépend de la distance (entre 10 et 100 nm pour une efficacité maximale) séparant les protéines étiquetées. De plus, l’orientation spatiale et le type d‘étiquettes sont des paramètres cruciaux. Le rapprochement entre le couple protéique permettra de transférer l’énergie non radiative du donneur excité vers l’accepteur. Pour un signal BRET optimal, les spectres d’émission du donneur et d’excitation de l’accepteur doivent se recouvrir tandis que les spectres d’émission du donneur et de l’accepteur doivent avoir un recouvrement minimal (Pfleger and Eidne, 2006; Dacres et al., 2012).

L’application de la méthodologie BRET à l’étude des RCPG a été essentiellement développée par des équipes financées par le Consortium Québécois sur la Découverte du Médicament (CDQM) et a permis de générer de nombreux outils moléculaires permettant de suivre la majorité

des voies de signalisation intracellulaires des RCPG (Lohse et al., 2012). Dans leurs outils BRET, la Renilla Luciferase (RLuc) joue le rôle du donneur qui, en présence de coelentrazine et d’oxygène, catalyse la transformation de coelentrazine en coelenteramide et s’accompagne d’un signal lumineux (Galés et al., 2006). La Yellow Fluorescent Protein (YFP) ou la Green Fluorescent Protein 10 (GFP10) (ou la Green Fluorescent Protein 2) joue le rôle de l’accepteur et le transfert de la bioluminescence émise par la RLuc à l’accepteur peut être suivi in vivo et in vitro en détectant les spectres d’émission et en quantifiant le ratio d’émission (accepteur/donneur). Dans le cadre de l’utilisation de la YFP on parle de BRET1 et dans le cadre de la GFP10 (ou 2) on parle de BRET2 ou BRET-GFP10 (Figure 9) (Kamal et al., 2009). L’avantage de la GFP10 par rapport à la YFP est que son spectre d’émission est largement décalé, ainsi la luminescence BRET et non BRET sont d’avantage séparés, ce qui mène à une quantification BRET plus précise. Cependant, l’utilisation du BRET2 utilisant la GFP10 (ou 2) entraine une émission de lumière d’une intensité 100 à 300 fois plus faible que la YFP (Bacart et al., 2008).

Figure 9 : Représentation schématique du transfert d’énergie en BRET1 et BRET2

Figure tirée de Bacart et al., 2008.

2.2.1 Avantages et inconvénients du BRET

La relative simplicité de mise en œuvre des essais de BRET ainsi que la lecture directe en font une méthode de choix pour le criblage à bas et haut débit (Bacart et al., 2008). Le BRET est compatible avec des mesures en plaques 96 puits et facilement miniaturisable dans des plaques 384 et 1536 puits (Bacart et al., 2008). Les conditions expérimentales du BRET sont relativement flexibles et permettent une utilisation dans de nombreux modèles et de nombreux systèmes. L’essai de BRET n’est pas dénaturant, ainsi le système est conservé proche de son état natif, la localisation et les modifications post-traductionnelles des protéines ne sont pas affectées. Par ailleurs dans les essais biologiques, l’essai de BRET est très sensible et spécifique, ainsi les phénomènes d’autofluorescence et de photoblanchiment observés avec le FRET, sont largement minimisés vue que l’excitation du donneur d’énergie est obtenue par un substrat

spécifique et non un laser (Boute et al., 2002). De plus, les niveaux de BRET spécifiques peuvent être différenciés des niveaux basaux liés aux interactions non spécifiques résultant de la surexpression des protéines, étant donné que les énergies du donneur et de l’accepteur peuvent être quantifiées de manière indépendante.

Néanmoins, il existe quelques limitations à la technique de BRET. Bien que le système soit conservé dans son état natif, l’utilisation de protéines de type sauvage n’est pas possible avec l’essai de BRET. Les protéines étiquetées pour les essais de BRET requièrent donc un travail consciencieux de caractérisation au préalable pour vérifier que les propriétés de la protéine sont les plus fidèles à la protéine de type sauvage. De plus, ce système est généralement étudié dans des lignées hétérologues. Les méthodes de transfection et certains composants du milieu de culture ne sont pas toujours compatibles avec le BRET et peuvent parfois inhiber l’activité de la luciférase (Makemson and Hastings, 1991). De plus, certains ligands ont tendance à neutraliser le signal BRET soit par oxydation directe de la coelentrazine, ou parce qu’ils absorbent entre 400 et 600 nm.

Une autre limite du BRET est son utilisation dans des concentrations supra physiologiques pouvant rendre parfois la corrélation avec la réalité physiologique plus ardue. Cette limite reste néanmoins spéculative car aucune étude ne rapporte à l’heure actuelle de différence majeure entre les observations obtenues grâce au BRET et les modèles physiologiques. Étant donnée la composante conformationnelle du BRET, la caractéristique la plus limitante du BRET reste que l’absence du BRET ne signifie pas obligatoirement une absence d’interactions entre les deux protéines. De ce fait, la conformation des deux protéines interagissant pourrait maintenir les deux partenaires d’interaction du BRET à une distance supérieure à la distance de Förster et/ou positionner le donneur et l’accepteur dans une conformation non optimale au transfert d’énergie.

Bien que la technique de BRET ne soit pas parfaite, elle constitue un atout majeur pour la caractérisation de ligands potentiellement biaisés. Elle permet de décortiquer rapidement les différences de signalisation des ligands sur un vaste choix de voies de signalisation.

Documents relatifs