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Les outils d’aide à la décision disponibles pour les industriels laitiers

2. REVUE DE LITTERATURE

2.4. Les outils d’aide à la décision disponibles pour les industriels laitiers

Malgré un réel besoin, il n’y a que peu d’outils d’aide à la décision disponible pour les in- dustriels laitiers. À l’échelle de l’entreprise, le groupe français Danone utiliserait les études ACV depuis 2007 dans le but de réaliser des optimisations économiques et environnemen- tales de leurs activités (Danone, 2013). Les ACV réalisées se font sur l’ensemble du cycle de vie et se limitent à l’évaluation des émissions de GES. Danone utilise le protocole PAS 2050 pour conduire ses ACV (Danone, 2013). Saputo participe au Carbon Disclosure Project et déclare ainsi les émissions de GES et les consommations d’énergie évaluées aux cours d’au- dits environnementaux de ses usines de transformations (Saputo, 2014). Ils privilégient l’uti- lisation de la méthode ACV pour identifier les étapes nécessitant des améliorations et pour leur préparation à une « économie bridée en carbone » (Scuccimarri, 2013), et ont ainsi reçu le soutien financier du Fonds de Développement de la Transformation Alimentaire Canada (FDTA) dans le cadre du programme « Amélioration de l’allocation des ressources » pour la conduite de plusieurs études ACV entreprise et produits (FDTA, 2013). Agropur indique avoir plusieurs projets en cours visant la réduction de la consommation d’eau potable et d’énergie, et travailler sur l’établissement d’un cadre d’étude de l’empreinte carbone à l’échelle de l’organisation afin de mieux cibler les possibilités de réduction de GES (Agropur, 2014). À l’échelle des organisations internationales, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement a produit un guide (UNEP, 2008) à destination des industriels laitiers (lait, beurre, fromages, lait en poudre) qui permet une auto-évaluation des opportunités de dimi- nution des impacts environnementaux associés à l’industrie de transformation des produits laitiers — la valorisation du lactosérum en passant par l’ultrafiltration fait partie des oppor- tunités proposées par le guide. La Fédération Internationale de Laiterie a formé un comité permanent sur l’environnement (IDF-FIL SCENV) dont le but est de soutenir, participer, et mener des travaux visant la durabilité environnementale du secteur laitier. En 2005, le comité (en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement) a préparé un guide sur l’évaluation des impacts environnementaux favorisant l’utilisation de l’ACV. En 2010, face aux dangers de confusions et contradictions que représente la comparaison d’études d’impacts environnementaux n’ayant pas suivies une ligne directrice commune, le comité (en collaboration avec la FAO) a mandaté 25 experts pour la réalisation d’un guide

méthodologique d’évaluation des émissions de GES des étapes de production et transforma- tion des produits laitiers utilisant la méthodologie ACV (IDF, 2010). L’utilisation de ce guide par les industriels permettant de comparer, sur des bases communes, les stratégies mises en œuvre pour la réduction des émissions de GES.

Toutes ces initiatives, permettent aux industriels d’évaluer de façon méthodique les perfor- mances environnementales actuelles, les comparer avec des résultats obtenus en suivant la même méthode, et d’envisager des solutions visant la diminution des impacts environnemen- taux. Cependant ces outils ne rendent pas moins laborieuse la réalisation des études ACV (recherche des données d’inventaire, interprétation des résultats) et se concentrent pour la grande majorité sur l’émissions de GES alors que d’autres catégories de dommages telles que la qualité des écosystèmes sont d’importance pour une industrie dont les rejets ne se limitent pas aux GES.

C’est peut-être à la suite d’un constat similaire que Nestlé a décidé de développer son propre outil d’ACV. L’outil s’appelle EcodEX® et permet d’évaluer rapidement les impacts envi- ronnementaux des produits au cours de l’étape de développement (Roulin, 2013). EcodEX® a été créé par l’équipe ACV de Nestlé en collaboration avec Selerant pour le développement logiciel. L’outil est conçu pour être facile à utiliser pour les non-experts de l’ACV. L’utilisa- teur peut commencer à créer des scénarios pour l'analyse des produits en quelques minutes alors qu’il faut plusieurs semaines pour une étude ACV traditionnelle (Selerant, 2014). Aussi, en plus d’évaluer les émissions de GES, EcodEX® présente les résultats pour quatre autres catégories de dommages (Schenker & al., 2014). En revanche, l’étude (qui se fait du berceau à la tombe) ne permet pas de détailler la partie transformation. Cette partie se comporte comme une « boîte noire » dans laquelle des flux économiques entrent et d’autres sortent, et ne permet donc pas d’évaluer la contribution des différentes étapes de la transformation aux impacts environnementaux. L’identification d’améliorations potentielles au sein de l’étape

Dans le même esprit, plusieurs projets ont récemment débuté en Europe (tous en partie fi- nancés par l’Union Européenne). Le tableau 2.3 présente les principaux objectifs de ces pro- jets. Afin de diminuer les consommations d’eau et d’énergie le projet SUSMILK concentre ses recherches sur la pré-concentration du lait et le traitement des eaux usées. Les résultats seront intégrés dans le développement de leur outil d’éco-conception en ligne (Susmilk.com, 2014). Le projet EnReMilk envisage des réductions de consommation d’eau de 30 % et des économies de 20 % qui seront évaluées par la simulation de la production de mozzarella et lait en poudre. Le projet espagnol Life Ecolac vise le développement d’un logiciel d’éco- conception utilisant l’ACV pour les industriels laitiers qui intégrerait au minimum quatre catégories de dommages. Si ce n’est une présentation sommaire, peu d’informations sont disponibles sur ces projets, et les méthodologies envisagées ne sont pas divulguées. Il est ainsi peu aisé d’en faire une évaluation pertinente.

Tableau 2.3 : Principaux objectifs des projets récents portant sur l’étude des impacts sur l’environnement des transformations des produits laitiers (Susmilk.com, 2014 ; Enre-

milk.eu, 2014 ; ec.europa.eu, 2014)

Bien évidemment, en matière de transformation des produits laitiers, les choix des industriels ne dépendent pas uniquement des impacts potentiels sur l’environnement, mais aussi, et sur- tout, de la dimension économique. L’étude présentée par Peters (2005) est à ce titre un mo- dèle d’étude économique d’intérêt pour les industriels laitiers. L’auteur y traite des consé- quences économiques de la production de fromage en fonction des volumes de lait transfor- més et du devenir du lactosérum (liquide, en poudre, CPL 34 %, CPL 80 %, IPL 90 %). Les

SUSMILK — 21 partenaires — de 2013 à 2016

— Identification de solutions pour diminuer les consommations d’eau et d’énergie des industriels laitiers — Développement d’un outil d’éco-conception comme outil d’aide à la décision pour les industriels laitiers — Réalisation d’ACV de différents produits laitiers

EnReMILK — 15 partenaires — de 2014 à date inconnue

— Identification de solutions pour la réduction de 20 à 30 % des consommations d’eau et d’énergie dans la production de mozarella et lait en poudre

— Identification des économies potentielles par simulation informatique — Réalisation d’ACV sur la mozarella et le lait en poudre

Life Ecolac — 4 partenaires — de 2014 à date inconnue

— Développement d’un logiciel d’éco-conception de produits laitiers — Réalisation d’ACV de différents produits laitiers

prix de vente des produits ainsi que les coûts du bâtiment, de l’équipement et son installation sont aussi intégrés aux calculs. Le modèle établi permet à l’auteur de conclure, par exemple, que dans les conditions de l’étude, lorsque le prix de CPL 34 % est inférieur à 1,15 $ par kilo et que le lactosérum liquide se vend à 0,32 $ le kilo, les flux de trésorerie deviennent négatifs. Ou encore, que si le prix des IPL 90 % est de 5 $ le kilo, il est plus intéressant de produire de la poudre de lactosérum si son prix est supérieur à 0,70 $ le kilo. Ce type d’information est extrêmement intéressant dans l’aide à la décision que cela peut apporter aux industriels, et il apparaît qu’un modèle de ce type, couplé à une étude d’impact environnemental, constituerait un outil pertinent d’aide à la décision pour les industriels laitiers.