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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.7 Méthodes

1.7.2 L’ours brun en Scandinavie

En Scandinavie, la durée des soins maternels est soit de 1,5 (soins couts) ou 2,5 ans (soins longs). Les groupes familiaux se séparent au printemps et les oursons d’un même groupe familial se séparent au cours d’une même semaine (Dahle et Swenson, 2003b). En se basant

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sur 29 portées au nord de la Suède, (Dahle et Swenson, 2003c) ont montré que la durée des soins maternels était influencée par la masse des oursons à l’âge d’un an; les portées avec des plus petits oursons restaient avec leur mère une année supplémentaire. Une plus longue durée de soins maternels est avantageuse pour les oursons puisqu’ils ont un meilleur taux de croissance et de survie que les oursons n’ayant reçu que 1,5 ans de soins maternels (Dahle et Swenson, 2003c; Zedrosser et al., 2013).

Le long intervalle de temps entre les naissances chez l’ours brun est source de conflits sexuels et les mâles exhibent des comportements leur permettant de raccourcir cet intervalle. L’Infanticide Sexuellement Sélectionné, ISS, c.à.d. la mortalité des jeunes dépendants causée par un mâle qui n’est pas le père afin de gagner une opportunité de reproduction avec la femelle (Hrdy, 1979), est un comportement des mâles fréquemment observé en Scandinavie (Swenson et al., 2001). La majorité (85 %) des mortalités d’oursons de l’année survient au printemps alors que la probabilité de survie des oursons n’est que de 63 % (Gosselin et al., 2017). L’ISS expliquerait 15 % des changements dans le taux de croissance de la population (Gosselin et al., 2015). Ce comportement, s’observant durant la période de reproduction (Gosselin et al., 2017), est efficace puisque les femelles retournent en œstrus rapidement après avoir perdu leurs oursons (Steyaert et al., 2014). De façon similaire, dans la plupart des cas de séparation de groupes familiaux observés, des mâles se trouvaient à proximité, ce qui suggère leur rôle potentiel dans la fin des soins maternels (Dahle et Swenson, 2003b). Pour éviter les interactions agressives avec les mâles, telles que l’ISS, les femelles peuvent adopter des contre-stratégies (Hrdy, 1979), telles que la paternité multiple pour confondre la paternité et l’évitement des mâles durant la période de reproduction (Bellemain et al., 2006; Steyaert et al., 2013; 2016).

L’Homme et ses activités ont modulé l’abondance, les traits d’histoire de vie et le comportement de l’ours brun en Scandinavie. En 1850, on y trouvait environ 4000-5000 individus (Swenson et al., 1995). À cause de la perte d’habitat, la persécution et la chasse

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sur prime, l’ours brun a été pratiquement éliminé en Norvège en 1920, alors que les effectifs de la population ont atteint un creux de 130 individus en 1930 en Suède (Swenson et al., 1995; 2017). À la suite de l’application de mesures de protection en Suède (p. ex. cessation de la chasse sur prime en 1893), l’abondance de la population a augmenté et la chasse a été permise à nouveau en 1943 (Bjärvall, 1990). La population est actuellement toujours en croissance, mais à un rythme ralenti (Swenson et al., 2017). Elle demeure toutefois l’une des plus productives au monde (Saether et al., 1998; Zedrosser et al., 2011) et le fort taux de mortalité extrinsèque du au long historique de persécution passé de l’espèce en Scandinavie, aurait sélectionné pour un taux de reproduction élevé (Zedrosser et al., 2011). La population d’ours brun scandinave se positionne ainsi le plus à gauche du continuum des vitesses d’histoire de vie (Figure 1.1) pour l’espèce.

La chasse représente la plus importante cause de mortalité d’ours en Suède (Bischof et al., 2009). À l’échelle de la Suède, le taux de récolte annuel est d’environ 4,1-5,1 % de la population totale (Kindberg et Swenson, 2006). Toutefois, dans le sud de la Suède, la proportion d’ours marqués disponibles à la chasse qui sont tués annuellement gravite autour de 30 % ces dernières années (Figure 1.5). En plus d’influencer la taille de la population, la chasse entraîne de nombreux effets indirects (revus dans Frank et al., 2017). Effectivement, la chasse et le paysage de la peur qu’elle génère, a été associée à plusieurs changements comportementaux chez cette population (Ordiz et al., 2012; Støen et al., 2015; Hertel et al., 2016). De plus, en retirant des mâles de la population, la chasse force une réorganisation spatiale des domaines vitaux (Leclerc et al., 2017a), augmentant ainsi les risques de rencontre entre les groupes familiaux et de nouveaux mâles et, par conséquent, les conflits sexuels et l’ISS (Gosselin et al., 2017).

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Figure 1.5 Changements temporels dans l’abondance de le population (vert), les quotas (bleu) et la pression (violet) de chasse de l’ours brun en Suède. La pression de chasse correspond à la proportion d’ours marqués tués à la chasse par rapport au nombre total d’ours disponibles à la chasse à chaque année. Les données utilisées pour ce graphique sont issues de Swenson et al., (2017) et du suivi d’individus marqués effectué par le SBBRP.

En Suède, la chasse débute à la fin août et s’étend jusqu’à la mi-octobre ou jusqu’à ce que les quotas soient remplis (Bjärvall, 1990). Les objectifs de gestion de la population et, par conséquent, la réglementation de la chasse, ont changé au cours des 30 dernières années (Swenson et al., 2017). Actuellement, les quotas de chasse sont établis annuellement à

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l’échelle du comté (Bischof et al., 2008). Les chasseurs n’ont pas besoin de permis de chasse à l’ours, seulement d’un permis de chasse pour un territoire de chasse donné et d’une arme légale conçue pour le gros gibier (Bischof et al., 2008). Tout ours solitaire peut être tué sans égard à son âge ou son sexe, ce qui porte à croire que la chasse est non- sélective (Bischof et al., 2009). Toutefois, depuis 1985, les membres de groupes familiaux (femelles et jeunes dépendants de n’importe quel âge) bénéficient d’un statut de protection légale. Compte tenu de cette réglementation, la chasse est forcément sélective, puisqu’elle cible une portion de la population : les mâles et les femelles non-reproductrices (jeunes femelles et femelles solitaires entre 2 évènements de reproduction). En étant disponibles moins souvent pour la chasse, les femelles procurant des soins maternels longs (2,5 ans) seraient davantage protégées de la chasse et plusieurs ont suggéré que la chasse induirait une sélection pour des soins maternels plus longs dans la population (Zedrosser et al., 2013; Bischof et al., 2018).

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