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Chapitre 2 : variations spatio-temporelles des surcotes dans le Golfe du Lion

5. Contexte saisonnier de l’analyse

5.5. Oscillation Nord-Atlantique

L’oscillation Nord-Atlantique (ONA) correspond à la covariation en opposition de phase entre le centre barométrique sur la région Arctique et Islandaise et celui sur la ceinture subtropicale vers les Açores (Hontarrède et Stephenson, 2000). Ce basculement de masse d’air a pour conséquence des variations de pression au sol et des conditions de la circulation atmosphérique, notamment en Europe (Kutzbach, 1970).

Une ACP est réalisée à partir des données hivernales de PSM quotidiennes sur un secteur nord Atlantique de 40°W à 40°E et de 30°N à 70°N. Une nette covariation en opposition de phase est visible entre l’anticyclone des Açores et la dépression d’Islande (figure 30). Ce mode de variabilité est représentatif des variations temporelles de l’ONA. Ces dernières sont perceptibles toute l’année mais sont nettement plus marquées en hiver, surtout de novembre à mars (Dickson et al., 2000).

Figure 30 : premier vecteur propre des PSM sur [40°W-40°E] et [30°N-70°N] de 1905 à 2005. Les isolignes représentent les corrélations positives (bleu) et négatives (rouge), cotées par intervalles de 0.2, entre les PSM et la première composante principale.

L’IONA, défini en section 2.2.1.2, est en moyenne en phase légèrement positive au début de l’hiver, en octobre jusqu’au début du mois de décembre (figure 31). La phase devient ensuite largement positive de décembre à février puis devient faiblement positive en toute fin de semestre hivernal (figure 31). En mode positif, l’anticyclone des Açores et la dépression d’Islande sont renforcés (figure 31). En mode négatif, les PSM au niveau des Açores sont plus basses que la moyenne hivernale et celles au niveau de l’Islande sont légèrement moins creuses. Autrement dit, l’anomalie barométrique positive au niveau des Açores est moins forte que l’anomalie négative au niveau de l’Islande. Rappelons que l’IONA mesure le gradient barométrique entre les anomalies de PSM au niveau des Açores et celles au niveau de l’Islande (cf. § 2.2.1.2).

La phase et l’intensité de l’oscillation déterminent la force et la position des vents d’ouest les plus forts et les trajectoires des perturbations sur l’Atlantique (Hurrel, 1995; Merkel et

Latif, 2002). En mode positif, le rail des perturbations prend une trajectoire

septentrionale et la moitié sud de la France est préservée (Hurrel, 1995; Cassou, 2004). Cette phase positive a pour conséquence une intensification du flux d’ouest sur le centre de l’Atlantique. En mode négatif, les dépressions d’ouest prennent alors une trajectoire

préférentiellement plus méridionale que la normale et peuvent passer sur la Méditerranée (Hurrel, 1995; Cassou, 2004). De plus, elles tendent à rester plus stationnaires (Lozano et al., 2004). Durant les mois d’octobre à début novembre, où l’IONA est en moyenne très faiblement positif, la fréquence des types de temps GA et BL, ainsi que celle des dépressions entre le Golfe de Gascogne et les Iles Britanniques, est logiquement bien plus élevée que pour le reste de l’hiver (cf. figure 26, § 5.3.2 et figure 29, § 5.4). Par contre, en janvier et février, quand l’IONA est en moyenne bien plus positif que pour le reste de l’hiver, la circulation zonale prédomine largement et la fréquence des dépressions transitant entre le Golfe de Gascogne et les Iles Britanniques est plus faible qu’en automne (cf. figure 26, § 5.3.2 et figure 29, § 5.4).

La forte déviation positive observée en moyenne en janvier et février favorise la fréquence des ZO et le passage des dépressions synoptiques plus au nord que la normale. Par ailleurs, la faible déviation positive durant l’automne favorise l’occurrence des types de temps GA et BL et le passage des dépressions suivant des trajectoires plus méridionales qu’auparavant. Inversement, c’est parce que les types de temps GA et BL prédominent en automne, que l’IONA est en moyenne bien moins positif que pour le reste de l’hiver. En effet, plus de configurations barométriques GA et BL, mais également plus de jours où les dépressions transitent plus au sud que la normale, sont logiquement associés à une baisse de la pression au niveau des Açores. De même, en janvier et février, la prédominance des types de temps ZO et des dépressions suivant des trajectoires septentrionales va renforcer l’anomalie barométrique négative au niveau de l’Islande et donc la phase positive de l’ONA.

Pour résumer, la cyclicité hivernale moyenne de la phase de l’ONA est donc associée à celle des conditions atmosphériques à l’échelle des types de temps et à l’échelle synoptique, via des interactions atmosphériques multi-latérales.

Figure 31 : cycle hivernal moyen de l’IONA quotidien d’octobre à mars de 1986 à 1995 (trait plein) et de 1905 à 2002 (trait tireté). Le cycle est calculé comme la moyenne de l’IONA de chaque jour d’octobre à mars filtrée par un filtre de Butterworth passe-bas ne retenant que les périodes plus longues que 30 jours.

Les différentes échelles spatio-temporelles auxquelles les conditions atmosphériques seront considérées dans cette étude sont, de la plus vaste à la plus fine :

• L’échelle de l’ONA, faisant référence au gradient barométrique entre les basses

pressions Islandaises et les hautes pressions au niveau des Açores. Sa surface

d’influence s’étend sur plus de 80 millions de km2 et sera surtout appréhendée via

les moyennes mensuelles et/ou saisonnières ;

• L’échelle des types de temps, pour les grands types de circulation atmosphérique

couvrant le proche Atlantique Nord et l’Europe occidentale (~30 millions de km2) et

durant jusqu’à plus de 20 jours consécutifs ;

• L’échelle synoptique, pour les variations des PSM associées aux perturbations

tempérées sur l’Atlantique Nord (~1 millions de km2) durant de 2 à 6 jours ;

• L’échelle régionale (locale) associée aux conditions instantanées de vent autour du

Golfe du Lion (à une station donnée) agissant sur une surface d’environ 22000 km2 ;

• Hormis les vents, les différentes échelles spatiales auxquelles on considère les

conditions atmosphériques reposent sur l’analyse des champs de pressions, qui

offrent des données couvrant une vaste extension spatiale sur l’ensemble du 20ème

Le contexte saisonnier de l’analyse montre que :

• Les conditions anémométriques hivernales moyennes autour du Golfe du Lion sont

dominées par les vents de secteur nord, le mistral et la tramontane. La fréquence des vents de mer de 90 à 180° est légèrement plus forte en automne que sur le reste de l’hiver ;

• Les conditions barométriques hivernales moyennes montrent un anticyclone des

Açores et une dépression d’Islande bien marqués. Cette topographie barométrique est quasiment stationnaire sur l’ensemble de l’hiver, avec cependant un gradient barométrique méridien légèrement renforcé en janvier par rapport aux mois d’octobre et novembre ;

• A l’échelle synoptique, la fréquence des dépressions Atlantiques transitant au sud du

principal rail septentrional des perturbations tempérées est plus forte en octobre et au début du mois de novembre que sur le reste de l’hiver ;

• Les conditions atmosphériques hivernales moyennes sont caractérisées par des types

de temps associés à une accélération du flux zonal sur l’Atlantique (ZO et EA) et par d’autres associés à un ralentissement ou un décalage latitudinal vers le sud du flux atlantique zonal (GA, BL) ;

• Les types de temps GA et BL sont, en moyenne, plus fréquents en octobre et au

début du mois de novembre. Les types ZO sont plus fréquents en janvier et en février ;

• L’IONA hivernal, défini comme la différence entre les anomalies de PSM aux

Açores et celles à Reykjavik, est en moyenne positif durant l’hiver. Il l’est plus faiblement en octobre et en novembre. Par contre, il est en moyenne bien plus positif en janvier et février.

6. Propriétés des surcotes dans le Golfe du Lion

Les surcotes dans le Golfe du Lion ont été caractérisées comme des phénomènes presque exclusivement hivernaux. Cette partie propose désormais de déterminer comment se répartissent les hauteurs et la durée des surcotes en hiver à chaque station marégraphique dans le Golfe du Lion, afin de définir notamment les phénomènes les

également effectué pour estimer la probabilité temporelle des pics de surcotes les plus hauts, en particulier ceux jamais atteints pour l’instant. La comparaison entre les résultats aux quatre stations marégraphiques du Golfe du Lion constitue une première approche de l’analyse spatiale.

6.1. Hauteur des surcotes

Dans un premier temps, moins de 1% (20%) des observations horaires aux quatre stations du Golfe du Lion, ainsi que des observations quotidiennes au GD sur l’ensemble du 20ème siècle, présentent des hauteurs égales à 0 (entre -5 et +5 cm). Le niveau marin observé est donc presque toujours plus haut ou plus bas que celui normalement atteint par la marée astronomique. Autrement dit, des forçages surélèvent ou abaissent presque toujours le plan d’eau par rapport à la marée astronomique.

Ensuite, dans le cadre de l’analyse statistique des fortes surcotes, c'est-à-dire celles susceptibles d’avoir un impact sur le littoral, deux contraintes existent : (i) la robustesse statistique associée à la taille de l’échantillon – plus il est important, plus l’analyse statistique est « fiable » –, (ii) le choix du seuil à partir duquel on considère la surcote comme forte ou extrême.Localement,les plus fortes surcotes n’atteignent pas forcément la même hauteur si on considère deux périodes différentes. De même, elles n’atteignent pas obligatoirement la même hauteur en différents endroits. La définition des fortes surcotes ou des surcotes extrêmes dépend donc de la localisation et de la période analysée. Le seuillage par les plus forts percentiles semble donc être une bonne méthode pour définir des niveaux significatifs de surcotes et notamment les extrêmes (Beniston et Stephenson, 2004)En effet, les percentiles permettent dans un premier temps de définir les N surcotes les plus hautes sur une période donnée et donc de prendre en compte la taille de l’échantillon. Ils offrent ensuite la possibilité de comparer la distribution des surcotes les plus hautes entre les différentes stations marégraphiques autour du Golfe du Lion.

Les niveaux des surcotes/décotes ont été tabulés par classes de 5 cm à partir des données horaires au GD, à SET et PV de 1986 à 1995 et à MA de 1986 à 1988, et des données quotidiennes au GD de 1905 à 2005. Les fonctions de densité cumulée sont très proches entre les différentes stations (figure 32). Les niveaux les plus hauts (bas) sont sous-représentés à MA en raison de la taille de l’échantillon analysé, avec seulement deux semestres disponibles. L’écart-type des surcotes/décotes est très proche entre les

stations, mais est cependant plus élevé à SET (table 3). La médiane, soit le percentile à 50% (P50), est égale à -2 cm pour les données horaires aux quatre stations au tour du Golfe du Lion (table 3). Elle est également légèrement négative, mais très proche de 0 cm, pour les données quotidiennes au GD de 1905 à 2005 (figure 32 et table 3). Pour les hauts niveaux de surcotes, les percentiles à 75% (P75) (respectivement à 90% -P90- et à 99% -P99-), c'est-à-dire la surcote quotidienne dépassée dans 25% des cas (respectivement 10% et 1%), sont très proches entre GD, SET et PV et supérieurs à 9.7 cm (respectivement 20 cm et 40 cm), sauf à MA toujours en raison de la taille de l’échantillon (table 3). Pour résumer, la distribution statistique des surcotes hivernales est très proche aux différentes stations du Golfe du Lion. GD quotidien 1905-2005 (cm) GD horaire 1986-1988 (cm) SET horaire 1986-1988 (cm) PV horaire 1986-1988 (cm) MA horaire 1986-1988 (cm) moyenne 0.9 0 0 0 0 σ 14.5 16.8 18 15.4 10.7 P50 -0.2 -2 -2 -2 -2 P75 9.7 11 11 10 5 P90 20 22 24 21 14 P99 41.2 43 50 41 33 Table 3 : moyenne, écart-type (σ) et percentiles à 50%, 75%, 90% et 99% (P50, P75, P90 et

P99) des surcotes quotidiennes au Grau-de-la-Dent (GD) de 1905 à 2005 et des surcotes horaires au Grau-de-la-Dent, Sète (SET), Port-Vendres (PV) de 1986 à 1995 et à Marseille (MA) de 1986 à 1988.

Compte tenue du faible marnage de la marée astronomique (+/- 15 cm par rapport au niveau marin moyen), une surcote de 20 cm (~ P90) représente au moins une élévation observée du plan d’eau de +5 cm. Une surcote de 40 cm (~ P99) correspond à une élévation du niveau marin de +55 cm en marée haute et de +25 cm en marée basse. Les surcotes > 20 cm correspondent ainsi toujours à une élévation observée du plan d’eau. Dans le Golfe du Lion, les fortes surcotes (surcotes extrêmes) sont définies comme celles > 20 cm (> 40 cm).

Figure 32 : fonction de densité cumulée des surcotes quotidiennes au Grau-de-la-Dent de 1905 à 2005 (trait tireté vert), des surcotes horaires au Grau-de-la-Dent (trait vert), à Sète (trait bleu) et à Port-Vendres (trait noir) de 1986 à 1995 et à Marseille de 1986 à 1988 (trait rouge).

6.2. Durée des épisodes de surcote

La fréquence des épisodes de fortes surcotes en fonction de leur durée est présentée sur la figure 33. Les séquences de fortes surcotes de 2 à 5 heures consécutives sont les plus fréquentes avec plus de 50% des cas (figure 33). Plus les séquences sont longues, plus le nombre de cas observé diminue, obéissant à une loi géométrique (figure 33). Cependant, 20% (< 10%) des séquences observées de 1986 à 1995 durent plus de 24 (48) heures (figure 33). Du point de vue climatique, les surcotes sont directement forcées par les conditions atmosphériques locales et notamment les forts vents (Pirazzoli, 2000; Pirazzoli

et al., 2006; Ullmann et Pirazzoli, 2007a). Les épisodes de vents associés aux fortes

surcotes sont donc relativement courts, durant principalement de 1 à 5 heures consécutives. Les séquences de plus de 24 heures semblent alors dépendre de conditions atmosphériques plus persistantes.

Figure 33 : fréquence (en %) des épisodes de surcotes horaires > 20 cm en fonction de leur durée en nombres d’heures consécutives au Grau-de-la-Dent (trait vert), à Sète (trait bleu) et à Port-Vendres (trait noir) de 1986 à 1995 et à Marseille (trait rouge) de 1986 à 1988.