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Orthographe et identité : le rôle des médias dans l’échec de la réforme orthographique de l’ukrainien de 2001

La réforme orthographique, destinée à « purifier » la langue nationale « souillée » par l’action des gouvernements précédents, fait partie des mesures faisant partie de ce qui a été de ce que l’on a appelé le « paquet de réformes », , mises par ailleurs en œuvre dans de nombreux pays du monde par les élites post-impérialesaprès la chute de l’empire soviétique. À l’instar d’autres mesures du même ordre, elle ne visait pas seulement la langue, mais aussi, et même avant tout, ses locuteurs : l’objectif recherché par ses instigateurs était de faire évoluer l’identité linguistique, et, par tant, nationale, des individus composant la société, c’est-à-dire de couper tout lien les unissant à l’ancien empire, et de renforcer leur dévouement au nouvel État indépendant. De telles réformes ont fait l’objet d’études dans de nombreux travaux d’études traitant sur des processus nationaux à l’œuvre dans différents pays, et notamment dans des pays ceux issus de la chute du bloc soviétique. Toutefois, cCes travaux donnent toutefois souvent l’impression que la « véritable orthographe nationale » (ou et cela concerne d’autres éléments constitutifs de la langue) a été imposée sans aucun problème notoire notable à la société grâce à l’action concertée des élites. CCes études n’accordeant que peu de place aux divergences de points de vue au sein de l’élite, tant sur la finalité de cette mesure que sur les moyens à mettre en œuvre pour l’appliquer cette mesure, et ils elles ne se penchent pas davantage sur les contradictions existantes entre certains discours officiels, entraînant souvent une neutralisation mutuelle des deux idéologies contradictoiress avancées. Ce sont ces deux lacunes que nous souhaiterions tenter de combler, en partie, dans par le présent article.

Ce travail s’intéresse est axé sur à la campagne médiatique menée contre la réforme de l’orthographe ukrainienne, annoncée à la fin de l’année 2000 alors qu’elle en était encore en au stade de la préparation et qui fut finalement abandonnée. Contrairement à la majorité des autres mesures prises en Ukraine dans le cadre de ce paquet de réformes et, en général, de la plupart des initiatives dupar le gouvernement en général (du moins avant la démocratisation des médias , qui a suivi la Révolution orange de la fin de l’année 2004), cette annonce a dès le début suscité un vif intérêt de la part des médias, qui ont relayé un débat animé dans lequel où les opposants à la réforme tenaient le haut du pavé.

Cette mobilisation des médias peut s’expliquer en partie par une la volonté des quelques oligarques et , magnats de la presse, de porter un discréditer sur le premier ministre d’alors, Victor Iouchtchenko, en le présentanté comme l’ambassadeur d’une réforme néfaste pour la société. Mais lCependant, le débat est sortit du cadre de ce contexteflit politique par médias interposés a quitté le terrain strictement politique pour soulever de véritables questions de fond visant à déterminer quel sur le visage qu’il convenait de donner à l’ukrainien et à l’identité ukrainienne dans l’Ukraine post-soviétique. Ces

questions de fond existaient déjà avant le début de la campagne médiatique, mais ; elles se posaient alors au sein d’un cercle relativement étroit de personnalités des milieux scientifiques et culturels. C’est par l’examen de cette première étape d’affrontement sur le terrain de l’orthographe que commence le présent article, car cet examen est nécessaire pour car sans cela il est difficile de comprendre le débat qui s’ensuivit entre, avec la participation des journalistes, ainsi que des experts et ldes lecteurs/téléspectateurs qu’ils ont interviewés dans ce cadre.

Le fondement idéologique du débat sur l’orthographe ukrainienne Pendant deux siècles, les fondements idéologiques régissant les normalisations orthographiques et autres règles linguistiques instaurées par des élites intellectuelles de la nation ukrainienne naissante la classe intellectuelle ayant forgé la nation ukrainienne se sont articulées autour de la volonté de se axés sur un rapprocher de la langue parlée par le peuple, ement du avec le discours populaire, et en premier lieu par avec celui de la paysannerie. DOr dans la réglementation lexicale, cette orientation s’est exprimée à traverspar la résistance principe se heurtait surtout aux emprunts à d’autres langues, et à la formation de mots nouveaux n’existant pas dans le discours populaire. Ce phénomène entrainaitlimita l d’une part une limitation des possibilités d’expression pour d’exprimer des concepts abstraits , et entraina d’autre part laune conservation des particularités régionales qui venant entraver entravaient l’unification et la normalisation de la langue dans toute l’Ukraine, et empêchaient, en particuliertout particulièrement, de surmonter les différences existant entre les idiomes de l’Ukraine russe (puis soviétique) et ceux de la Galicie764 [Shevelov, 1989].. Lors de l’élaboration de l’orthographe, cette orientation populaire pesa en faveur d’un système phonétique plutôt qu’étymologique, tant dans l’en Ukraine de la région du Dnipro [Dniepr] qu’en Galicie, et cela eut encore pour effet d’assurer la ce qui s’est également traduit par l'imposition domination du dialecte le plus répandu pour dans chacune de ces deux régions et d’entraîner , et donc par l’apparition de deux traditions orthographiques différentes.

Après la levée de l’interdiction portant sur les publications en ukrainien dans l’eEmpire russe , et, surtouten particulier, après l’effacement l’effacement temporaire des frontières entre les deux parties de l’Ukraine survenu pendant la période de lutte pour l’indépendance qui a suivi la révolution de 1917, l’élaboration d’une orthographe commune est apparue comme une véritable nécessité aux yeux de l’élite, qui qui aspirait à l’unification de la nation. Cependant, cette nécessité devait être conciliée avec les attentes des Ukrainiens de la région du Dnipro et de celles des Galiciens, qui souhaitaient conserver une proximité de la langue avec leurs populations respectives. Considérant la région du Dnipro comme la partie principale du pays et donc, dans un certain sens, comme la « véritable » Ukraine, les Galiciens étaient prêts à davantage de concessions,

764 S HEVELOV G. Y., The Ukrainian Language in the First Half of the Twentieth Century (1900-1941): Its State and Status, Cambridge, MA, Harvard Ukrainian Research Institute, 1989.

comme le démontrent en particulier les « règles orthographiques » de Kysylev’skij en 1922. En outre, les « principales règles de l’orthographe ukrainienne », établies par Ohuienko, Kryms’kii et Tymčtchenko sous l’hetmanat et mises en œuvre dans les premières années du régime soviétique, furent exclusivement basées sur la tradition orthographique de la région du Dnipro765 . [Shevelov, 1989 ; Hornjatkevyč, 1993 ; Nimtchouk, 2004]. Néanmoins, la réforme lancée pendant la période de l’ukrainisation entendait élaborer une véritable orthographe commune à toute la nation, obtenue moyennant certains compromis des emprunts aux deux systèmes orthographiques.

Cette stratégie fut mise en oeuvre en 1927, à Kharkov, lors d’une conférence sur l’orthographe à laquelle participèrent des chercheurs et des personnalités du monde culturel de la République socialiste soviétique (RSS) d’Ukraine et d’Ukraine occidentale (Galicie). Dans les grandes lignes, la nouvelle orthographe qui en découla en 1928 était axée sur la tradition de l’Ukraine orientale, mais l’orthographe des termes empruntés privilégiait les normes galiciennes. Il est très vraisemblable que (vraisemblablement, dans ce cas, pour les linguistes et leurs éminences grises au gouvernement de la RSS d’Ukraine étaient moins préoccupés , ce qui importait n’était pas tant par le caractère populaire de la future norme que par son orientation européenne et qu’ils cherchaient ; en particulier c’était à établir une correspondance plus exacte des emprunts ukrainiens faits à l’Europe occidentale avec leurs originaux d’Europe occidentale qui était recherchée). La différence entre lesLes règles orthographiques en vigueur en de Galicie et celles de ladans la région du Dnipro résultait du faitétaient différentes parce que la majorité des mots d’origine antique ou empruntés à l’d’Europe occidentale entraient dans le vocabulaire ukrainien par l’intermédiaire du polonais, alors que le russe était la langue d’emprunt sur les territoires dépendant de l’eEmpire russe, la langue d’emprunt était le766 russe. Dans les mots d’origine grecque, il fallait donc transcrire la lettre grecque  par т , et non par ф ; le  par е, et non par і ; le  par б, et non par в. I (par exemple : il fallait désormais écrire, par exemple, етер [eter - – « éther », N.D.dT.] à la place de l’orthographe de vigueur en d’Ukraine de l’est ; ефір [efir] ; , хемія [hemia – « chimie », N.D.T.NdT] et non plus хімія [himia] ;, Теби [Teby – « Thébé », N.D.T.NdT] à la place de Фіви [Fivy], etc.). En outre, pour les emprunts au latin et aux langues d’Europe occidentale, la nouvelle orthographe préconisait la mouillure de la lettre л (лямпа [ljampa – « lampe », N.D.T.NdT], et non лампа [lampa] ; кляса [kljasa – « classe », N.D.T.NdT], et non клас [klas]) 767 ainsi que la transcription du g par la lettre ґ, et non par la lettre г (ґалерія [galerija – « galerie », N.D.T.NdT] au lieu de галерея [halereja],

765 Shevelov G. Y., op. cit.; HORNJATKEVYC A., « The 1928 Ukrainian Orthography », dans J. A. FISHMAN , The Earliest Stage of Language Planning: The “First Congress” Phenomenon, Berlin, Mouton de Gruyter, 1993, p. 293-303; NIMČUK V. V., « Peredne slovo », dans V. V. NIM ČUK et N. V. PUR JAEVA Іstorіja, ukraijns'koho pravopysu: XVI – XX stolіttja. Hrestomatіja, Kyijv, Naukova dumka, 2004, p. 5-26.

766 Dans les mots d’origine grecque, il fallait donc transcrire la lettre grecque  par т et non par ф ; le  par е et non par і ; le  par б et non par в. Il fallait désormais écrire, par exemple, етер [eter – « éther », N.D.T.] à la place de l’orthographe de vigueur en Ukraine de l’est ; ефір [efir] ; хемія [hemija –

« chimie », N.D.T.] et non plus хімія [himija] ; Теби [Teby – « Thébé », N.D.T.] à la place de Фіви [Fivy], etc.

Гамбурґ [Hamburg – « Hambourg », N.D.T.NdT] à la place de Гамбург [Hamburh]).

Les seules deux lettres г et ґ, translittérant respectivement les lettres latines h et g, démarquaient déjà la nouvelle orthographe ukrainienne de l’orthographe russe, qui utilisait volontiers dans les deux cas la lettre г, et ce bien que le h latin soit souvent également transcrit par la lettre cyrillique х (Голландия [Gollandija – « Hollande », N.D.T.NdT], Гамбург [Gamburg – « Hambourg », N.D.T.NdT], mais Хельсинки [Khel’sinki – « Helsinki », N.D.T.NdT], холл [kholl – « hall », N.D.T.NdT]).

L’orthographe des noms propres germaniques diffère également de la convention d’Ukraine ukrainienne de la région du Dniepr, en cela ce sens que les diphtongues ei et eu, très répandues en allemand, devront être transcrites, conformément à leur prononciation allemande, par ай et ой (Швайцарія [Švajtsarija – « Suisse », N.D.T.NdT], Фройд [Froid – « Freud », N.D.T.NdT]), et non par ей, un usage erroné devenu la norme en russe (Швейцарія, [Švejtsarija – « Suisse », N.D.T.NdT], Фрейд [Freid – « Freud », N.D.T.NdT]) [Shevelov, 1989 ; Hornjatkevyč, 1993768 ].

Ce compromis déboucha sur la réforme de 1928. Il était, dicté par l’idéologie nationaliste de l’’unité de la nation (et d’unité de la langue, en tant que reflet de la nation et moteur de sa force), et il n’a pas eu pour seul effet de distinguer davantage l’ukrainien du russe. Il a également imposé aux deux communautés un système linguistique assez illogique et éloigné de la langue parlée, et qu’elles ont eu des difficultés à s’approprier et à utiliser. George Y. Shevelov a même qualifié cette réforme de « forme malsaine » de normalisation, « où les linguistes, au lieu de sélectionner des éléments réellement existants dans la langue, se sont accordésoctroyé le droit de créer leur propre langue769 » [Shevelov, 1989 : 219]. Pour lui, cette réforme linguistique était vouée à l’échec, en particulier « dans un contexte où l’intelligentsiala classe intellectuelle est bilingue, tandis que le reste de la population, commençant seulement à s’adapter à l’ukrainisation, témoigne fait preuve d’un faible niveau d’instruction770 » » [Ibidem : 133]. Les auteurs de ce compromis espéraient « qu’après 5 cinq ou 10 dix ans, tout ce qui dénote à présent [<...]> paraîtrait habituel et serait intégré771 » [Nimtchouk, 2002 : 20]. D’ailleurs, si cette orthographe était restée inchangée, elle aurait été, avec le temps, avec le temps très certainement été adoptée par la majorité de la population, comme l’a finalement été

767 (лямпа [ljampa – « lampe », N.D.T.], et non лампа [lampa] ; кляса [kljasa – « classe », N.D.T.], et non клас [klas])

768 (ґалерія [galerija – « galerie », N.D.T.] au lieu de галерея [halereja], Гамбурґ [Hamburg –

« Hambourg », N.D.T.] à la place de Гамбург [Hamburh]), qui utilisait volontiers dans les deux cas la lettre г, et ce bien que le h latin soit souvent également transcrit par la lettre cyrillique х (Голландия [Gollandija – « Hollande », N.D.T.], Гамбург [Gamburg – « Hambourg », N.D.T.], mais Хельсинки [Hel’sinki – « Helsinki », N.D.T.], холл [holl – « hall », N.D.T.]). Enfin, l’orthographe des noms propres germaniques diffère également de la convention ukrainienne de la région du Dnipro, en ce sens que les diphtongues ei et eu, très répandues en allemand, devront être transcrites, conformément à leur prononciation allemande, par ай et ой (Швайцарія [Švajtsarija – « Suisse », N.D.T.], Фройд [Frojd –

« Freud », N.D.T.]), et non par ей, un usage erroné devenu la norme en russe (Швейцарія, [Švejtsarija –

« Suisse », N.D.T.], Фрейд [Freid – « Freud », N.D.T.]). [Shevelov G. Y., op. cit.; Shevelov, 1989 ; Hornjatkevyc A., op. cit. Hornjatkevyč, 1993]

769 Shevelov G. Y., op. cit., p. 219.

770 Ibid., p. 133.

771 NIMČUK V. V., Problemy ukraijns’koho pravopysu XX – pochatku XXI st., Kam’janets’-Podil’skyj, Kam’janets’-Podil’skyj derzhavnyi pedahohichnyi universitet, 2002, p. 20.

l’orthographe, pourtant tout aussi illogique et artificielle, qui l’a remplacée, pourtant non moins illogique et artificielle.

Dès 1933, prenant pour prétexte les protestations des enseignants contre la réforme orthographique de 1928, le régime décida d’abolir ce système et d’en introduire un nouveau, en adoptant cette fois pour principe la tradition de la région du Dnipro , et la ressemblance avec le russe. Selon ce principe, notamment, les règles russes de transcriptions des termes empruntés furent suivies à la lettre, jusque dans ses contradictions notoirement connues (par exemple : Гамбург [Gamburg– « Hambourg », mais Хельсінкі [Hel’sinki – « Helsinkiy », N.D.T.NdT] ; орфографічний [orfografičnyj – « orthographique », N.D.T.NdT], mais ортогональний [ortogonal’nyj –

« orthogonal », N.D.T.NdT]). La distinction entre les lettres г et ґ, qui n’asans pas d’équivalent ni en russe ni comme dans la tradition populaire ukrainienne de la région du Dnipro, fut corrigée d’une manière radicale par la suppression pure et simple de cette deuxième lettre dans l’alphabet772 . [Hornjatkevyč, 1993]. La dénégation d’une orthographe « nationaliste » n’était que l’un des pions de la nouvelle politique linguistico-nationale du régime stalinien. Cette politique prévoyait d’une part des modifications administratives de l’ukrainien même même, en particulier l’introductionpar l’introduction, entre autres, de termes semblables ou identiques au russe (ce rapprochement faisaintt plus que compenser les mesures d’« éloignement » prises par les linguistes dans les années 1920vingt). D’autre part, elleElle se caractérisait également par un changement de la réglementation de l’utilisation de la langue, c'est-à-dire par une interruption du processus d’e l’ukrainisation et un retour progressif du russe aux endroits précis où l’ukrainien commençait à le supplanter, ainsi que par une répression des linguistes, appelée à qui devait s’inscrire dans la durée à l’encontre des linguistes, des écrivains et d’autres acteurs culturels et politiques « nationalistes » » [Shevelov 1989].773 Le rapprochement vers avec la langue russe sera le leitmotiv des deux réformes ultérieures de l’orthographe ukrainienne, en 1946 et en 1960, qui mais elles n’eurent guère de portée significative (la nécessité de la réforme de 1960 a mememême été officiellement justifiée par la réforme de 1960 a même été officiellement décrétée après l’instauration de nouvelles règles orthographiques en russe)774 [Hornjatkevyč, 1993 ; Nimtchouk, 2002].

Pendant plus de cinquante ans, de la fin de la campagne d l’ukrainisation des années 1920 jusqu’à l’aube de la Pérestroïka, le principal argument du discours scientifique et populaire sur le lexique ukrainien a été la lutte contre des tentatives réelles ou supposées de « détacher » l’ukrainien du russe. Cet argument étouffait les quelques interventions publiques des partisans d’une conservation du lien avec la « langue du peuple », voire même d’un retour au système orthographique interdit dans les années 1930trente. Parallèlement, De plus, lle caractère monocorde univoque du discours publicofficiel et son orientation « internationalistee » a tout autant suscité une attitude critique quant à son orientation « internationale » auprèsles critiques d’une partie des l’élites intellectuellese la classe intellectuelle vivant en d’Ukraine, ainsi que que , des acteurs culturels et politiques émigrés à l’Oouest et etou de la diaspora : ils , qui ne

772 Hornjatkevyc A., op. cit.

773 Shevelov G. Y., op. cit.

774 Hornjatkevyc A., op. cit.; Nimčuk V. V., Problemy ukraijns’koho pravopysu.

voyaient qu’une russification systématique dans cette évolution de la présence et du contenu de la langue ukrainienne qu’une russification systématique. Ce point de vue inébranlable les empêchait de remarquer prendre conscience dles « hésitations » de la politique officielle , et de la résistance face à la position du pouvoir de la part de nombreux écrivains, traducteurs, rédacteurs ou membres , et d’autres professions en mesure de faire un choix en faveurde préférer des mots et des tournures relevant de l’« ukrainien pur » (ou, pour ses opposants, de l’ukrainien « archaïque » ou

« nationaliste ») et ainsi de permettre ainsi leur maintien/renouveau dans le système linguistique. Obnubilés par la volonté des autorités de rapprocher l’ukrainien du russe, les opposants au régime adoptaient une logique symétriquement opposée : pour eux, la réglementation linguistique ne donnait pas lieu à une compétition entre différentes propositions idéologiquement justifiéesun rapport de force entre deux projets idéologiques, mais à une lutte implacable entre le familier et l’étranger, entre le bien et le mal.

En matière d’écriture, pour les Ukrainiens de tendance nationaliste, c’est l’orthographe voulue par la réforme de 1928 qui est devenue le symbole du « familier » et du « bien », justement parce qu’elle avait été abolie par ce pouvoir qu’ils considéraient comme l’« étranger » et le « mal ». La suppression de cette orthographe par le régime soviétique au profit de règles plus proches du russe a eu aussi pour effet de la réhabiliter aux yeux de l’élite galicienne, pourtant mécontente, au départ, du compromis adopté.

C’est aussi pour cette raisonCela explique également que cette orthographe a été appliquée de façon plutôt constante dans les publications des Ukrainiens émigrés, et, sous son leur influence, de la diaspora (à l’exception d’un nombre négligeable de prosoviétiques). Il n’est pas surprenant qu’en Ukraine même, au moment de la Pérestroïka, de nombreux acteurs scientifiques et culturels l’aient considérée comme la

« véritable orthographe ukrainienne ». Par son usage, lL, lorsque les effets de la politique de russification seraient ont été étaient alors surmontés, et que l’on a commençait cé à envisager un « retour » à un système interdit et à une normalité détruite, qui, comme on le supposait, reflétaient et incarnaient l’un des éléments de ce qui devait être rétabli. En 1990, l’adoption del’objectif des nouvelles règles orthographiques – , les premières en soixante ans –, n’a pas pour objectifne fut’est pas de rapprocher davantage l’ukrainien du russe, mais, au contraire, de défaire en partie le rapprochement antérieur. La mesure la plus visible fut la réintégration de la lettre ґ ([« g », N.D.dT.] ) dans l’alphabet, (même si son utilisation proposée se limitaitla réforme proposait d’en réduire la portée à une poignée de mots authentiquement ukrainiens, et ne concernait pas les emprunts).

L’instauration Ddans les années 1990 quatre-vingt-dix, grâce aux à d’un un climat de relations apaisées entre le gouvernement d’Ukraine, d’une part et les émigrés et la diaspora, d’autre part a permis la reconnaissance par la société ukrainienne a prisu prendre conscience de l’existencede la fracture entre ces de deux grandes variantes orthographiques et linguistiques en général , et de la nécessité de la surmonter. cette fracture que Ll’élite nationaliste considérait cette fracture comme le signe d’une scission de la nation et en rejetait la responsabilité sur , liée selon eux à la politique anti-ukrainienne de l’empire soviétique. Dès 1990, les participants au congrès de l’Association internationale des études ukrainiennes recommandèrent d’adopter des règles orthographiques communes à tous les Ukrainiens. La CCommission orthographique se fit l’avocate de cette proposition auprès de l’AAcadémie des Ssciences

, et, en juin 1994, le gouvernement créa une Commission nationale ukrainienne chargée de l’orthographe et , réunissant des chercheurs de l’d’Ukraine et des chercheurs issus de la diaspora [Nimtchouk 2002].775

Toutefois, les conditions favorables pour un retour à l’orthographe de 1928 n’étaient pas réunies parmi les ni parmi les personnalités scientifiques et culturelles , qui devaient qui étaient censées élaborer une nouvelle proposition d’orthographe, , et, ni, à plus forte raison, parmi la classe politique et les fonctionnaires pour qui il s’agissait de l’implanter dans l’usage général. Face au courant extrême préconisant de donner à la langue ukrainienne une forme censée refléter son esprit, iIl est notamment apparu parmi les linguistes professionnels une orientation conservatrice prônant le maintien des règles établies au cours de l’ère soviétique. Les partisans du changement – , tel s que Vasyl’

Nimčtchouk, l’un des plus grands chercheurcollaborateurs éminent et futur , puis directeur de l’iInstitut de la Llangue ukrainienne de l’AAcadémie des Ssciences d’Ukraine (NANU) –, estimaient que « les spécialistes étaient en droit, non seulement de simplifier et de clarifier les règles orthographiques, mais aussi de raviver des éléments de

Nimčtchouk, l’un des plus grands chercheurcollaborateurs éminent et futur , puis directeur de l’iInstitut de la Llangue ukrainienne de l’AAcadémie des Ssciences d’Ukraine (NANU) –, estimaient que « les spécialistes étaient en droit, non seulement de simplifier et de clarifier les règles orthographiques, mais aussi de raviver des éléments de