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- l’utilisation d’agents conservateurs antimicrobiens et antioxydants synthétiques. Ces derniers apparaissent très efficaces, cependant l’usage abusif au fil des années conduit à un problème de résistance de souches bactériennes (Gram+ et Gram–). De plus, certains de ces actifs sont suspectés d’avoir des effets néfastes sur la santé humaine en raison de leur possible caractère allergène, cancérigène ou encore perturbateur endocrinien. Ces polémiques inquiètent de plus en plus les consommateurs et favorisent l’utilisation de produits « bio » en attendant des solutions.

- les méthodes de conservations variées (élimination totale ou partielle de l’eau, conservation thermique, non-thermique).

Ces techniques de conservation qui ont été présentées ne sont pas applicables à tous types de produits alimentaires et cosmétiques (dont les formulations aqueuses) et s’avèrent également parfois moins efficaces que les conservateurs chimiques.

Pour toutes ces raisons, les scientifiques sont à la recherche d’autres alternatives. Nous aborderons en détails dans la partie suivante une solution aux conservateurs synthétiques qui suscite de plus en plus l’intérêt des scientifiques : l’utilisation de molécules d’origine naturelle pour la conservation.

2 La nature : source de molécules aux propriétés variées

2.1 Origines, propriétés et applications

Les animaux, les plantes, les minéraux ou encore les microorganismes (bactéries, champignons) renferment de nombreux composés à structures chimiques diverses92, souvent appelés métabolites secondaires93. Ces molécules possèdent des propriétés variées intéressantes (antimicrobienne, antioxydante, antivirale et autres) et sont parfois impliquées dans le mécanisme de défense 94,95 de l’organisme qui les contient. Afin de tirer profit de ces éléments bioactifs, de nombreuses recherches sont menées sur ces derniers en vue d’applications variées dans des secteurs tels que le médical, la cosmétique ou encore l’alimentaire.

2.1.1 Animaux

La plupart des molécules actives présentes chez les animaux sont retrouvées principalement sous formes de peptides (assemblage d’acide aminés) et de protéines (composées de polypeptides). Ces derniers proviennent de différentes sources comme par exemple les œufs, les cellules (épithéliales, macrophages, leucocytes et autres) ou encore les

29 organes (peau, muscle, intestin et autres) chez les bovins, la volaille, le porc ou le mouton96. Ces composés présentent des activités variées comme des propriétés antimicrobiennes, antioxydantes ou encore antitumorales97. Plusieurs exemples de peptides et de protéines antimicrobiens à large spectre d’activité ont été mis en avant dans la littérature. Ils sont actifs contre les bactéries de type Gram+ et Gram– et agissent également contre les champignons et les virus. Il est possible de citer comme exemple : la pleurocidine98, les défensines99.

La caséine et le lactosérum (ou ‘whey’) sont les deux protéines principales retrouvées dans le lait chez les mammifères. Elles représentent également des sources abondantes de composés actifs (peptides, enzymes, protéines). Mohanty et al.100 précisent que des peptides actifs peuvent être libérés à partir des protéines de lait par différents mécanismes (in vivo ou

in vitro). Par exemple, au cours de la digestion du lait, ces molécules (ex : lactoferrine) sont

formées à l’intérieur de l’organisme suite à l’action d’enzymes protéases (ex : pepsine, trypsine) sur les protéines. Elles vont être capables d’influencer les réponses physiologiques du corps humain (digestion, activité cardiovasculaire, système immunitaire) et ceci grâce à leurs propriétés antibactériennes, antioxydantes ou encore anti-hypertensives. Des essais cliniques in vivo et in vitro ont été réalisés et mettent en avant des composés actifs retrouvés dans le lactosérum (lactoferrine, immunoglobines) comme potentiels agents thérapeutiques dans le cas de traitements du cancer, de maladies cardiovasculaires, d’hépatites ou encore pour la perte de poids101.

2.1.2 Microorganismes

Dès le XXème siècle, de nombreuses molécules produites par des bactéries et des champignons telles que la pénicilline, la streptomycine, le chloramphénicol ou encore la tétracycline ont été découvertes. Ces dernières ont démontré des activités antibactériennes et de ce fait ont été largement utilisées en tant qu’antibiotiques102

dans le domaine médical. En raison de la multi-résistance émergente des pathogènes face aux antibiotiques82, de nouvelles molécules sont recherchées comme alternatives dans le domaine médical ou comme agent de conservation dans le secteur alimentaire. Plus récemment, les bactéries ont suscité l’attention des chercheurs. En effet, ces micro-organismes (Gram– et Gram+) produisent des bactériocines qui constituent un groupe hétérogène de peptides avec des tailles, des structures et des modes d’actions variés103

. Plusieurs bactériocines sont actives contre les pathogènes présents dans les aliments104. Parmi les plus étudiées, la nisine, la lacticine ou encore la pediocine peuvent être citées. Par exemple la nisine, (peptide de petite taille (34 acides aminés)) produit suite à la fermentation du lait à l’aide de la bactérie Lactococcus lactis (Gram+)) est surtout connue pour son activité inhibitrice ou bactéricide contre les bactéries de

30 type Gram+ telles que Bacillus, Clostridium, Staphylococcus ou encore Listeria. Elle s’adsorbe à la surface de la cellule bactérienne et déstabilise la structure de la membrane cytoplasmique, en favorisant la perte de composés essentiels à la cellule105. Cependant, elle

n’est pas active contre les Gram– ni contre les champignons ou encore les virus. La nisine est fabriquée industriellement et largement utilisée comme agent de conservation dans l’alimentation, notamment dans les produits laitiers : le fromage fondu ou en bloc, les crèmes desserts, la crème fraîche104 ou encore dans les viandes et boissons.

En addition aux bactériocines, les microorganismes sont également capables de produire d’autres types de molécules actives notamment les acides organiques106

. Parmi eux, comme exemple : l’acide acétique est le résultat de la fermentation de l’éthanol à l’aide de bactéries acétiques (Gram–). Il est également possible de citer l’acide lactique obtenu par la transformation de lactose grâce aux bactéries lactiques (Gram+). L’acide citrique quant à lui peut être synthétisé par des champignons (ex: Aspergillus niger) à partir de glucose. In et

al.107 ont mis en évidence les activités antibactériennes de ces trois composés face à quatre bactéries du genre Shigella (Gram–) souvent responsables de maladies alimentaires en raison de leur présence dans des fruits et légumes frais. Les activités antibactériennes de cette famille de composés ont de plus été démontrées face à des bactéries pathogènes classiques (Gram+ et Gram–) telles que S.aureus et E.coli 108.

2.1.3 Minéraux

Les éléments constitués d’un ou de plusieurs minéraux peuvent être classés en plusieurs groupes tels que : les oxydes (ex : le rutile) ; les sulfates (la zincosite) ; les chlorures (la halite), les nitrates (le salpêtre) ou encore les phyllosilicates (le talc). Ils présentent des propriétés physiques (mécanique, optique, thermique), physico-chimiques (solubilité) variées109 ainsi que diverses propriétés thérapeutiques110,111. Ils sont employés pour tous ces atouts en tant qu’excipients (lubrifiants, pigments, émulsifiants et autres) ou encore en tant que composés actifs dans des produits pharmaceutiques et cosmétiques (suspensions, solutions, lotions, poudres, crèmes). Carretero et al.110 explicitent dans leurs travaux, les

différentes activités thérapeutiques excercées par les minéraux. Lorsqu’ils sont administrés par voir orale, ils remplissent des fonctions telles que : antidiarréhique, laxatif, protecteur de l’appareil digestif. Lorsqu’ils sont appliqués localement, ils agissent comme des antiseptiques, des désinfectants et protègent la peau contre des agents chimiques ou physiques extérieurs. Dans les produits cosmétiques, ils peuvent agir comme protecteurs solaires en empêchant la pénétration de rayonnement UV au travers de la peau.

31 Seil et al112 ont aussi exploré leur potentielle utilisation dans le domaine médical en mettant en avant des propriétés antibactériennes contre les Gram+ et Gram–.

2.1.4 Algues

Les algues renferment également de nombreux composés à structures chimiques variables tels que : des phlorotannins, des acides gras, des peptides, des polysaccharides ou encore des terpènes. La plupart de ces molécules participent à la survie des végétaux aquatiques en assurant leur adaptation dans les environnements marins et leur défense contre des microorganismes pathogènes (bactéries, virus, moisissures) auxquels ils sont exposés grâce à des mécanismes variés113. De nombreuses propriétés de ces molécules : antibactériennes, antifongiques, antivirales ou encore antioxydantes sont mises en avant dans la littérature114,115. Ces dernières années, de nombreuses recherches s’orientent vers l’utilisation de ces composés actifs dans des applications industrielles variées. Thomas et

al.116 proposent différents exemples de molécules retrouvées dans les algues qui présentent des propriétés intéressantes en vue d’utilisations futures dans les secteurs cosmétiques et pharmaceutiques. Ils soulignent les effets anti-inflammatoires des dérivés phlorotannins qui permettraient de traiter la dermatite atopique qui est une pathologie allergique touchant la peau. Ils proposent également l’utilisation d’un polysaccharide sulfaté (le fucoïdane) comme un potentiel agent thérapeutique pour empêcher et traiter le photoveillissement de la peau causé par les rayonnements UV. Dussault et al.117 ont évalué l’activité de différents extraits d’algues consommés dans les îles du Pacifique contre des pathogènes d’origine alimentaire (Gram+ et Gram–) tels que S.aureus, L.monocytogenes ou encore E.coli. Ils ont ainsi pu retenir certains extraits (Ulva et Padina) comme potentiels agents de conservation dans l’alimentation.

Les plantes terrestres représentent également une source importante de composés actifs. Nous allons détailler dans la partie suivante les différentes familles de molécules retrouvées dans les plantes ainsi que les propriétés variées qu’elles possèdent.