1.4 Distribution directionnelle des vagues courtes
2.1.1 Origines
Hydrophones et sismomètres sont maintenant déployés à travers le monde depuis
des décennies, et mesurent la moindre oscillation à la surface de le croute terrestre
ou dans l’eau. Ces données bénéficient à une large communauté de scientifiques. Elles
sont intéressantes à plusieurs titres : variétés d’emplacements (la plupart des océans
sont maintenant échantillonnés), périodes couvertes (depuis la fin du XIX`eme siècle) et
mise à disposition en libre accès, particulièrement sur le site de l’IRIS (Incorporated
Research Institutions for Seismology) ou du réseau GEOSCOPE.
Du point de vue de l’étude des vagues, l’intérêt de ces données est à trouver dans
le bruit de fond permanent qu’elles contiennent. Un hydrophone mesure les
fluctua-tions de pression dans l’eau où il est déployé. Un sismomètre quant à lui mesure les
caractéristiques du mouvement de la croute terrestre sur laquelle il repose (accélération,
vitesse ou déplacement dans les trois directions d’espace généralement). Bien que tous
deux ne mesurent pas les mêmes grandeurs physiques, et par conséquent les mêmes
types d’ondes (sismiques ou acoustiques), le signal qu’ils recueillent habituellement est
toujours entaché d’un même type de bruit.
Un exemple de spectre de bruit de fond est présenté en figure 6 de la publication de
Duennebier et al. [51]. Celui-ci est issu d’un hydrophone déployé au fond de l’eau par
approximativement 4200 m de profondeur, au large d’Hawaï. Les spectres sont classés
par vitesse de vent en surface, croissante du bleu au rouge. Sur une large gamme de
fréquences, plus le vent souffle, plus le niveau du bruit de fond croît. Ceci est vrai
sur presque toute la gamme de fréquences de 10 mHz à 10 kHz, à l’exception peut être
du bruit autour de 2 Hz qui sature (ne dépend plus du vent) au-delà de 6 m·s−1. La
vitesse du vent semble être le paramètre d’un spectre universel de bruit. En particulier,
ce spectre présente un pic entre 0.2 et 0.3 Hz puis une décroissance forte vers un spectre
de bruit quasi-blanc au-dessus de 10 Hz. Bien que le déferlement des vagues soit une
source avérée de fluctuations de pression dans la colonne d’eau, notamment via la
production de bulles [54, 109, 48] et l’oscillation des nuages qu’elles forment [125], la
plage de fréquences en-dessous de 10 Hz n’a jamais été mentionnée comme étant affectée
par de telles sources.
Ailleurs sur Terre, dans les océans comme sur les continents, les spectres de bruit
acoustique et sismique présentent de nombreuses similarités avec cet exemple [128,
29], en particulier l’universalité de la présence de ce même pic, toujours autour des
mêmes fréquences. Les sismologues l’ont appelé pic secondaire, en complément du pic
primaire, presque tout aussi universel, généralement moins énergétique et localisé à
des fréquences plus basses. On laissera de côté ce dernier pour ne nous intéresser qu’à
des bruits de fréquences approximativement supérieures à 0.2 Hz. Pour désigner ces
oscillations permanentes du fond de l’océan, on parle souvent de micro-séismes, par
rapport à l’amplitude typique des déplacements de la croute terrestre qui leur sont
associés. L’accroissement de leur énergie avec la proximité géographique d’un océan
renforce l’hypothèse de sources océaniques [159]. En particulier, la hauteur du pic
micro-sismique est plus importante au niveau des stations insulaires et côtières qu’au niveau
des stations à l’intérieur des continents. Ce qui pour certains ne constitue qu’un bruit,
constitue pour d’autres un signal dont de l’information peut être extraite.
Le lien entre micro-séismes et activité des vagues en surface était déjà connu au
sismo-mètres modernes. Parmi les précurseurs, Bernard [30] propose d’utiliser les
enregistre-ments d’activité micro-sismique pour prédire l’arrivée de tempêtes en Afrique du Nord,
avant de remarquer que ce bruit se produisait au double de la fréquence de la houle
locale [31]. Pour la plupart des spécialistes de l’époque, les fluctuations de pression
basse fréquence, associées au passage des vagues en surface, sont pratiquement
indé-tectables en-dessous d’une profondeur d’une longueur d’onde typiquement. Ces mêmes
fluctuations sont utilisées encore de nos jours pour mesurer le spectre en fréquence des
vagues. Le passage d’une vague sinusoïdale au-dessus d’un hydrophone génère en effet
des fluctuations de pression à la même fréquence que ce train d’ondes. Cette vision
ne permet pas d’expliquer les mesures de la figure ??, prises par plus de 4000 m de
profondeur, soit une profondeur de l’ordre de 10 fois la longueur d’onde des vagues
dominantes, à laquelle aucun signal n’est attendu. Pour trouver l’explication de ces
mouvements, il faut attendre le calcul de Miche [120], qui prouve l’existence d’ondes
quasi-stationnaires de très grande longueur bien que d’amplitudes très faibles. Le lien
avec la mesure de fluctuations de pression est ensuite fait par Longuet-Higgins [111]
qui, dans un papier fondateur, établit les bases de la théorie actuelle en attribuant ces
oscillations aux interactions non-linéaires entre trains d’ondes contra-propagatifs. Ces
interactions produisent une oscillation quasi-stationnaire (k '0) de la colonne d’eau au
double de la fréquence des vagues dont elles sont issues, comme cela est observé en
fi-gure??. L’explication de Longuet-Higgins prévaut toujours actuellement, et ses travaux
ont fait l’objet de nombreuses améliorations et extensions dans les années qui ont suivi
[71, 7, 8, 89, 65]. C’est ce mécanisme qui est, toujours de nos jours, considéré comme
meilleur candidat à l’explication des ondes de compression observées dans la bande de
fréquences autour du pic secondaire, c’est-à-dire approximativement de 0.1 à 1 Hz [12].
supposé par Farrell et Munk [57], sans toutefois qu’on dispose de preuve expérimentale
directe de la validité de cette hypothèse.
Dans le document
Observation et modélisation des propriétés directionnelles des ondes de gravité courtes
(Page 38-41)