• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 - Etude bibliographique : la flore microbienne associée aux constructions en

2.3. Etude des flores environnementales

2.3.2.1. Origines des microorganismes à l’intérieur des habitats

Les bâtiments sont des écosystèmes variés et complexes, composés de milliards de microorganismes interagissant entre eux et avec leur environnement (Frankel et al., 2012; Kembel et al., 2012). Au sein des habitats, les microorganismes présents dans l’air, sur le sol et sur les surfaces à l’intérieurs des bâtiments peuvent provenir de sources très diverses (Adams et al., 2013c; Dunn et al., 2013; Hospodsky et al., 2012; Squinazi, 2002; Täubel et al., 2009). Pour ce qui est de la flore de l’air intérieur, deux types peuvent être distingués : i) la flore naturelle de l’air, aussi appelée flore de base, comportant des spores fongiques et quelques espèces bactériennes (p. ex. Bacillus), et la ii) la flore accidentelle, reliée essentiellement à la présence et aux activités humaines créant des bioaérosols.

L’une des principales origines des microorganismes de l’habitat est l’environnement extérieur. Les microorganismes présents dans l’air hors des constructions pénètrent par les ouvertures (portes et fenêtres) lors de l’aération du bâtiment. Parallèlement, les

- 83 -

microorganismes transportés par l’homme, par l’intermédiaire des vêtements ou des chaussures, se déposent par la suite sur les surfaces intérieures. Cet impact de l’extérieur sur la flore intérieure est particulièrement marqué pour les communautés fongiques (voir Figure 2.14) (Adams et al., 2013c; Shin et al., 2015). Ces dernières, en suspension dans l’air extérieur, sont très nombreuses et variées (Shelton et al., 2002), parfois plus que les flores bactériennes (Fierer et al., 2008). L’abondance des différents champignons composant les communautés fongiques de l’air extérieur est dépendante de la saison (Fröhlich-Nowoisky et al., 2009), de la géographie (Barberán et al., 2015), des conditions météorologiques, de l’activité humaine (zone rurale/urbaine) et est plus généralement soumise à une importante variation temporelle, avec des changements significatifs selon les jours (Pashley et al., 2012). Dans leurs travaux, Adams et al. (2013c) ont étudié par séquençage haut-débit les structures des communautés fongiques à l’intérieur et à l’extérieur de différentes résidences durant 1 mois à deux saisons différentes. La majorité des champignons et des levures détectés provenaient de l’air extérieur, et la communauté fongique de cet air était effectivement variable selon à la fois la géographie et la saisonnalité. Puisque la flore intérieure serait en grande partie issue de l’air extérieur, cette dispersion au sein des flores extérieures impacterait alors de la même manière la flore intérieure observée.

- 84 -

Figure 2.14 : Schéma de la structure des communautés fongiques de l’air.

Les communautés fongiques de l’air intérieur seraient dépendantes de la dispersion de celles de l’air extérieur (flèche noire), et de la croissance et resuspension depuis différents environnements intérieurs (flèches discontinues). Les résultats d’Adams et al. indiquent que la dispersion des espèces extérieures, changeant selon la géographie et les variations de saisons (flèches vertes), serait un déterminant de la diversité fongique intérieure plus important que la croissance et la resuspension associées à la fonction des pièces. Adapté d’Adams et al. (2013c). (Icônes réalisées par Freepik).

Pour ce qui est des bactéries, la flore de base de l’air ne représente qu’un faible fraction dès lors qu’il y a présence et activité humaines, car, dans ce cas, la source des bactéries majoritairement présentes dans l’air est le microbiote humain (ensemble des microorganismes présents chez l’homme) (Adams et al., 2015; Dunn et al., 2013; Flores et al., 2013; Lax et al., 2014; Qian et al., 2012; Ruiz-Calderon et al., 2016; Wilkins et al., 2017). Chaque humain possède à la surface de sa peau une flore bactérienne de composition et de structure particulières, qui peut même se révéler être une empreinte spécifique d’un individu (Dekio et al., 2005; Gao et al., 2007; Grice and Segre, 2011; Grice et al., 2008). La flore associée au revêtement cutané humain est en partie déposée à chaque contact avec une surface, comme les claviers d’ordinateurs (Fierer et al., 2010), les téléphones mobiles (Meadow et al., 2014a) ou encore les surfaces de l’habitat (Lax et al., 2014; Wilkins et al., 2016). L’homme perd près d’un milliard de cellules mortes cutanées par jour par desquamation (Milstone, 2004), et le décrochage de ces cellules dissémine par la même occasion des microorganismes dans

- 85 -

l’habitat (Tringe et al., 2008). Ainsi, la flore bactérienne détectée sur des surfaces intérieures est fortement corrélée à celle des occupants des bâtiments (Dunn et al., 2013; Flores et al., 2011, 2013; Hewitt et al., 2012; Hospodsky et al., 2012; Lax et al., 2014; Rintala et al., 2008; Shin et al., 2015). Par exemple, parmi les bactéries détectées à la surface des cuisines, près de 20% sont spécifiquement associés à la flore bactérienne des mains (Flores et al., 2013). En effectuant des prélèvements dans 40 résidences, Dunn et al. (2013) ont estimé qu’environ 80% des bactéries sur les surfaces de l’habitation seraient associés à la flore humaine. Ce microbiote pouvant évoluer au cours du temps et des activités, ce changement peut conduire à une modification de la flore présente sur les surfaces dans les habitats (Wilkins et al., 2017). Les flores ORL, à travers la respiration, la toux ou les reniflements, viennent apporter des microorganismes supplémentaires dans l’air. La flore bactérienne associée à l’homme représenterait alors au moins 20 % de la flore de l’air dans les classes d’écoles (Hospodsky et al., 2012; Meadow et al., 2014b). En plus des surfaces et de l’air, les bactéries commensales de l’homme sont également retrouvées dans les poussières intérieures (Rintala et al., 2008; Täubel et al., 2009). L’occupation et l’activité humaine conduisent également à une mise en suspension dans l’air des microorganismes présents en surface ou dans les poussières, et donc à une augmentation des concentrations en bactéries et en champignons en suspension (Hospodsky et al., 2012, 2015; Meadow et al., 2014b; Qian et al., 2014). A l’inverse, lors de l’absence d’une personne de son habitat, l’empreinte de son microbiote sur les surfaces intérieures diminue sous quelques jours (Lax et al., 2014). La très faible quantité de champignons chez l’homme par rapport à la flore bactérienne explique le faible impact voire l’absence d’impact de la présence de l’homme sur la flore fongique (Huffnagle and Noverr, 2013).

Enfin d’autres macroorganismes, comme des animaux, des plantes ou des insectes, peuvent être une autre voie d’apport supplémentaire de microorganismes spécifiques de ces organismes dans les locaux (Fujimura et al., 2010; Hospodsky et al., 2012).

Chaque environnement possède ses propres contraintes (sources de nutriments, humidité, température, etc.), et est plus propice au développement de certains microorganismes. La structure et la diversité des communautés bactériennes et fongiques sont donc différentes entre l’air extérieur (Fröhlich-Nowoisky et al., 2009), l’air intérieur (Adams et al., 2013c; Fierer et al., 2008), les poussières des bâtiments (Amend et al., 2010a; Rintala et al., 2008) et

- 86 -

à la surface des matériaux de construction humides (Andersen et al., 2011; Gravesen et al., 1999). Grâce à de nombreux travaux, depuis les études par culture jusqu’au métabarcoding actuel, certains microorganismes majoritaires ont pu être identifiés.