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DISCUSSION GÉNÉRALE et PERSPECTIVES

A. ORIGINES CELLULAIRES ET CLASSIFICATION DES LYMPHOMES T PERIPHERIQUES

La mise en évidence de NKRs dans des lymphomes T permet de discuter l’origine cellulaire de certains PTCLs ainsi que leur physiopathologie (Fig. 15).

Dans les lymphoproliférations T intestinales, nous avons ainsi montré que l’expression de NKRs était spécifique des MCRII et des lymphomes T agressifs EATL et MEITL. Par analogie avec l’expression physiologique de NKRs dans les lymphocytes intestinaux, nous pouvons ainsi discuter la cellule d’origine de ces lymphoproliférations. Grâce au travail de l’équipe de Nadine Cerf-Bensussan, nous savons ainsi que la MCRII a pour origine un lymphocyte T non conventionnel ayant soit acquis des propriétés NK soit perdu des propriétés de différenciation T, sous la dépendance de signaux combinés de NOTCH et Granzyme B. L’existence d’un réarrangement du TCR tronqué suggère en effet la mise en œuvre d’un programme de différenciation T avorté. De plus, malgré l’expression de NKp46, le développement de ces cellules étant indépendant du FT ID2, on ne peut considérer qu’elles dérivent du groupe 1 ou 3 NCR positif des ILCs . La transformation de ces cellules est en outre dépendante d’un contexte cytokinique particulier, avec un rôle démontré pour l’IL-15 (Ettersperger et al., 2016; Malamut et al., 2010). Contrairement au rôle présumé de la stimulation TCR chronique dans l’acquisition d’un phénotype inné par les LT physiologiques, les cellules tumorales de MCRII ne sont pas dépendantes d’une reconnaissance antigène-spécifique par le TCR, puisqu’elles n’expriment pas de TCR fonctionnel (Tjon et al., 2008). En outre, une étude récente de leur répertoire a montré que celui-ci était réduit mais sans être biaisé vers une reconnaissance antigénique

mutations dans les voies de signalisation JAK/STAT, pourrait jouer ce rôle d’activation chronique cellulaire. Ce travail de thèse pourrait finalement être un argument supplémentaire pour introduire les MCRII dans la classification OMS des PTCLs.

En raison du lien de clonalité en MCRII et EATL, il est probable que la cellule d’origine soit le même LT de type inné, et que l’EATL reflète l’évolution ultime du processus de lymphomagénèse. Une étude de l’architecture clonale des rares lymphocytes NKp46 positifs présents dans l’épithélium de la MC, des lymphocytes tumoraux NKp46 positifs de la MCRII et de l’EATL permettrait de mettre en évidence une éventuelle acquisition d’anomalies génétiques au cours de la transformation en lymphome agressif.

Par analogie, il est tentant de proposer une même cellule d’origine pour le MEITL. Néanmoins, celui-ci est dépendant d’une signalisation TCR chroniquement active (Mutzbauer et al., 2018). En outre, des réarrangements T fonctionnels ont été mis en évidence dans la plupart des MEITL, avec l’expression d’un TCRγδ (Chan et al., 2011). Celui-ci pourrait donc dériver d’un LT non conventionnel puisqu’ayant acquis des marqueurs NK, et plus particulièrement d’un lymphocyte T γδ. On sait en effet que ces lymphocytes présents chez les individus sains peuvent exprimer des NKRs. Ce processus ressemble à ce qui a été décrit physiologiquement sous l’effet d’une stimulation antigénique chronique, médiée par la reconnaissance TCR. Contrairement à la MCRII et à l’EATL, la lymphomagénèse du MEITL pourrait donc être liée à une activation chronique du TCR.

Dans l’ATL, l’expression spécifique de KIR3DL2 est soit lié au processus de lymphomagénèse, soit lié à la cellule d’origine. L’acquisition physiologique de multiples KIR dans des LT au répertoire restreint au cours du vieillissement est probablement secondaire à une activation chronique du TCR. Un mécanisme similaire pourrait être mis en œuvre au cours de la lymphomagénèse de l’ATL. Néanmoins, j’ai montré que l’HTLV-1 en lui-même permettait d’induire l’expression de KIR3DL2 sur les cellules d’ATL, qui en outre n’expriment pas d’autres KIR. L’HTLV-1 pourrait

donc en lui-même être responsable de l’acquisition de ce phénotype particulier. Tax, en particulier, pourrait jouer un rôle transactivateur direct de l’expression de KIR3DL2. Il reste incertain que l’HTLV-1 n’ait pas un tropisme particulier pour une population minoritaire de LT CD4+ KIR3DL2+ préexistante qu’il pourrait faire proliférer préférentiellement. Finalement, la découverte de ce récepteur KIR3DL2 sur les ATL ne remet pas en cause l’origine présumée de type LT souche mémoire (TSCM)

CD45RA+ CD45RO- CCR7+ CD27+, représentant 2 à 4% des LT CD4+ et CD8+, dont on ne sait pas s’ils expriment KIR3DL2 physiologiquement. Dans l’idéal, il faudrait donc trier la population T KIR3DL2 positive chez les patients ATL pour la caractériser plus largement, en particulier vérifier son phénotype mémoire et l’intégration provirale, mais les essais de tri sur le marqueur KIR3DL2 se sont avérés pour l’instant infructueux.

L’expression de NKRs pourrait permettre de questionner l’origine cellulaire d’autres

PTCLs, pour lequel nous avons débuté un travail collaboratif.

Brièvement, nous montrons que NKp46 est exprimé dans la plupart des lymphomes

T/NK de type nasal (Fig. 16). Il est possible que la transformation de ces lymphomes

se fasse sur un mode similaire aux lymphomes T intestinaux. Ainsi, les cellules tumorales peuvent parfois exprimer un CD3 intra-cellulaire, des réarrangements non fonctionnels du TCR. En outre, on sait que l’EBV a un rôle dans la lymphomagénèse sans qu’il soit bien compris. La cellule d’origine de ces lymphomes pourrait donc être représenté par un lymphocyte T non conventionnel.

Enfin, l’expression de NKp46 ou d’autres NKRs pourrait identifier un groupe particulier au sein des lymphomes T périphériques non spécifiés qui sont actuellement mal définis.

Figure 15 : Origines cellulaires présumées de lymphomes T périphériques. ILCs :

cellules lymphoïdes innées ; Treg : lymphocytes T régulateurs ; TSCM : LT souches mémoires ; CTL : LT cytotoxiques ; NK : natural killer ; IE : intra-épithélial ; LIE : lymphocyte intra-épithélial ; MAIT : LT invariants associés aux muqueuses ; PTCL : lymphome T périphérique; TFH : T folliculaire helper ; ATL : leucémie/lymphome T de l’adulte associé à l’HTLV-1 ; T/NK : lymphome T/NK de type nasal ; MCRII : maladie coeliaque réfractaire de type II ; EATL : lymphome T intestinal associé aux entéropathies ;

MEITL : lymphome T monomorphe épithéliotrope intestinal ; HS γδ TCL : lymphome T γδ hépato-splénique. Adapté de Spits et al., Nat Rev Immunol 2013

Figure 16 : Expression de NKp46 en immunohistochimie sur des biopsies paraffinées d’une cohorte de lymphomes T/NK de type nasal. NKp46 est exprimé sur la membrane des

cellules tumorales (A) ou en dots cytoplasmiques (B)

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