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TROISIEME PARTIE : DISCUSSION ET PROPOSITIONS I DISCUSSION

2.1. ORGANISER UN ENTRETIEN PSYCHOLOGIQUE DE FAÇON SYSTEMATIQUE

A travers cette étude, nous avons pu mettre en évidence que certaines grossesses ont réellement un rôle à jouer dans la vie des femmes en demande d’IVG. Nous pouvons trouver des significations à ces grossesses, qui, une fois exprimées, ne peuvent être que bénéfiques pour la femme en question. Ce point de vue peut ne pas être partagé, cependant, force est de constater que toutes les jeunes femmes rencontrées dans mon étude ont pris plaisir à y participer – et pas seulement pour me rendre service. J’ai vraiment eu la sensation que toutes, ou presque, ont réellement profité de ces moments d’échange. Pour certaines même, cela m’a paru nécessaire. Pour la plupart, c’était la première fois qu’une personne neutre passait un moment à les écouter, sans avoir à prendre parti et sans avoir à donner des informations médicales. Nombreuses sont celles qui m’ont apporté des paroles et sourires gratifiants à la fin de l’échange.

L’entretien psychologique est obligatoire chez les mineures en demande d’une IVG. De plus, au CPEF de la Pitié-Salpêtrière, l’entretien psychologique est proposé à toutes les femmes en demande d’IVG, mais quasi-inexistantes sont celles qui en ressentent le besoin et font la démarche de prendre un rendez-vous. En effet, sur les 14 patientes interrogées, seulement cinq d’entre elles ont bénéficié d’un entretien avec la psychologue du service : quatre étaient mineures, et la cinquième, majeure, avait rencontré la psychologue car son IVG était réalisée dans des termes limites. En d’autres mots, aucune patiente n’avait exprimé le besoin et accepté le rendez-vous psychologique proposé, les seules qui en avaient bénéficié y avaient été « contraintes ». Ainsi, pour toutes les autres, mon entretien représentait la première fois qu’un moment d’échange leur était consacré autour de leur grossesse, leur IVG et leur ressenti. Au vu de son bénéfice, nous pouvons penser que toutes les femmes dans un parcours d’IVG auraient besoin de ce moment de parole, mais que très peu d’entre elles en ont conscience.

Comment expliquer cet écart entre mon ressenti, que ce temps de parole fut un temps bénéfique et agréable pour la plupart d’entre elles, et le fait qu’aucune n’émette le souhait de rencontrer un professionnel pour échanger autour de cette grossesse ? L’explication supposée est qu’il est probablement difficile d’admettre avoir besoin de

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rencontrer un psychologue et d’en faire une démarche personnelle, bien plus difficile que d’accepter un entretien lorsque celui-ci est réalisé dans le cadre d’une étude.

Il serait alors judicieux de trouver un moyen pour que plus de femmes rencontrent un psychologue ou une conseillère conjugale dans le cadre de leur IVG. Pour cela, il apparaît déjà essentiel que tous les CPEF aient à disposition des psychologues ou conseillères conjugales et proposent un entretien psychologique, de façon systématique, à toutes les femmes en demande d’une IVG. Il faudrait ensuite trouver un moyen pour que cet entretien soit accepté et réalisé dans le plus de cas possibles. Pour cela, nous pouvons travailler sur la forme. Tout d’abord, il faudrait que cet entretien psychologique puisse être fait à la suite de la consultation médicale, le jour-même. En effet, proposer un entretien aux femmes, dans les mêmes lieux et au même moment que leur consultation, augmenterait probablement le nombre d’acceptations : il semble plus facile de se rendre immédiatement à un rendez-vous que de faire la démarche de le programmer, notamment en ce qui concerne le versant psychologique qui ne parait donc pas, au premier abord, indispensable.

De plus, nous pouvons nous inspirer d’un autre CPEF : celui de Corentin Celton à Issy-les-Moulineaux. Lorsque les femmes prennent rendez-vous en vue d’une IVG, les secrétaires les préviennent qu’elles doivent réserver leur demi-journée : elles verront, le même jour, le médecin ou la sage-femme, l’anesthésiste et la conseillère conjugale. Les trois intervenants sont sur place, et un roulement se fait pour que chacun voie chaque patiente. Les patientes peuvent bien entendu refuser le rendez-vous avec la conseillère conjugale, certaines le font d’ailleurs. Mais elles sont très peu nombreuses, et rien ne parait imposé ni contraignant lorsque c’est présenté de la sorte : sous forme d’un package. De cette façon, les femmes n’ont pas à choisir ou non de voir une psychologue ou une conseillère conjugale, ce qui rend les choses beaucoup plus simples. Elles n’ont pas à se poser la question de savoir si elles en ressentent le besoin ou pas, elles n’ont pas à exprimer ce besoin si elles le ressentent, et elles n’ont pas à programmer un autre rendez- vous si elles ont réussi à exprimer ce besoin. Cependant, ce n’est pas imposé non plus : elles sont libres de refuser. Il est beaucoup plus facile d’accepter de se rendre à un rendez- vous lorsqu’il est organisé pour toutes les femmes que de le programmer soi-même et avoir l’impression de faire exception.

55 2.2. INCITER LES PROFESSIONNELS A PRENDRE CONSCIENCE DE L’ASPECT PSYCHOLOGIQUE DES GROSSESSES NON PREVUES

Même si leur rôle est différent et distinct, un gouffre existe souvent entre le discours du médecin ou de la sage-femme et celui de la psychologue ou de la conseillère conjugale. Il semble important que les professionnels médicaux prennent connaissance des contenus des entretiens psychologiques afin qu’ils soient au courant de certaines notions concernant les sens des grossesses non prévues, d’autant plus que sont nombreuses les patientes qui n’en bénéficient pas. Il serait alors intéressant que la formation des médecins et des sages-femmes dans ce domaine soit complétée par un versant psychologique et que ces derniers assistent à un nombre minimal d’entretiens psychologiques pour valider leur formation. De cette façon, ils se familiariseraient avec les mots à employer, l’écoute à donner et les raisons possibles de la survenue d’une grossesse non prévue. L’acquisition de ces notions pourrait être vérifiée par une évaluation avant la validation du diplôme universitaire (DU) et donnerait aux professionnels de santé un regard plus large concernant les IVG.

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