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CHAPITRE 3 : le surveillant et son environnement

3.1 organisation de la sécurité

Notre site d’observation appartient à un important propriétaire, gestionnaire, promoteur et investisseur immobilier canadien d'envergure internationale. Cette société gère 70 centres régionaux et super-régionaux dont la grande majorité se situe en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Europe. Le propriétaire de cet établissement fait affaire avec une agence de sécurité privée contractuelle pour effectuer la surveillance des lieux, à l’exception du poste de coordonnatrice de sécurité qui est octroyé à une de ses employées depuis janvier 2009. Avant cette période, la sécurité était entièrement contractuelle. Cependant, la société immobilière a décidé d’embaucher une personne qui connaissait bien la mentalité de l’entreprise et par conséquent, pourrait mieux l’appliquer au service de sécurité. De cette façon, le propriétaire peut, en collaboration avec la coordonnatrice de sécurité, définir les priorités relatives à la sécurité et les faire appliquer par le personnel de sécurité contractuel.

Les espaces loués par les locataires de l’établissement sont des espaces privés pour usage exclusif de ces derniers (Dupuis, 2007 : 501). Par conséquent, le département de sécurité n’est pas responsable d’assurer la sécurité de ces lieux. La coordonnatrice de sécurité nous a mentionné l’analogie suivante : « les policiers ne peuvent pas rentrer chez toi sans mandat, et nous c’est la même chose. On ne peut pas rentrer ou faire du visionnement chez un locataire sans avoir son autorisation. » (1er mai 2009). En d’autres mots, le département de sécurité peut prêter assistance aux locataires,

lorsque ces derniers en font la demande. Les agents de sécurité ont donc la responsabilité de veiller à la sécurité des aires communes de la propriété, tels les endroits vacants et les endroits de services, comme les sorties de secours, les corridors en arrière des boutiques, les salles mécaniques, les toilettes et les halls d’entrée.

La figure 3.1 présente l’organigramme du service de sécurité de notre site d’observation. Au sommet, nous retrouvons la directrice générale du centre qui a pour fonction de veiller à l’application des décisions de la maison mère et par conséquent, du conseil d’administration. Nous avons pu observer qu’elle est rarement en interaction avec le département de sécurité. Son adjoint, le gérant d’exploitation veille à ce que l’entretien du centre commercial soit effectué selon les normes et dans les délais requis. Il gère tous les contrats de service des différents entrepreneurs, gère les équipes techniques en place et est en contact avec les détaillants pour leur offrir des services de qualité supérieure. Il est le supérieur immédiat de la coordonnatrice de sécurité qui assume les fonctions liées à la prévention et aux mesures d’urgence. Celle-ci est responsable de la gestion des risques et se doit d’apporter des réponses adéquates et efficaces. Dans l’éventualité où une décision importante doit être prise, elle doit obtenir l’accord du gérant d’exploitation. La coordonnatrice a sous sa responsabilité le capitaine de la sécurité, soit le plus haut placé de l’agence de sécurité contractuelle. Il a à sa charge deux sergents (un de semaine et un de fin de semaine) et 17 agents de sécurité, dont 16 patrouilleurs et un répartiteur.

Figure 3.1 Organigramme du service de sécurité

Directrice générale Gérant, exploitation Coordonnatrice, sécurité Capitaine Sergents (2) Répartiteur (1) Patrouilleurs (16)

L’organisation des agents de sécurité se fonde sur une hiérarchie de type quasi militaire. La personne étant la plus haut placée de l’agence de sécurité contractuelle se nomme un capitaine de la sécurité. Le capitaine actuel occupe ce poste depuis environ trois ans, ayant reçu une promotion après trois ans de service en tant que sergent. Nous retrouvons sous sa responsabilité les deux sergents, qui sont rémunérés 0,25 $ de l’heure de plus que leurs subordonnés, les patrouilleurs. Ces derniers ont un taux horaire de 13,15 $, soit le salaire de base des agents de sécurité, avec peu de possibilités d’avancement. À titre indicatif, l’agent qui a plus de 19 ans d’ancienneté et a un taux horaire d’un dollar plus élevé que les patrouilleurs. Le faible salaire des agents de sécurité est une donnée déjà bien documentée et notre site d’observation n’échappe pas à la règle (Shearing, 1984; Norris et Armstrong, 1999; Brodeur 2003). Comme le souligne Degailler (1998), il existe un décret qui fixe le salaire horaire des employés de sécurité et la conséquence est d’uniformiser le salaire du personnel de sécurité privée. En vertu de ce décret, à la fin de notre période d’observation, le salaire minimum a augmenté à 13,95 $/heure (RRQ, 1981, chap 4).

Bien que le travail d’agent de sécurité n’inclut pas les avantages sociaux, nous avons tout de même observé une certaine stabilité d’emploi. Nous nous sommes entretenus avec neuf agents de sécurité qui travaillent au centre de contrôle de vidéosurveillance et de ce nombre, il y en a un qui y travaille depuis plus de 19 ans. Les huit autres sont en moyenne en fonction depuis près de 16 mois. Cette constatation nous semble intéressante, puisqu’en règle générale, le travail d’agent de sécurité ne constitue pas un choix de carrière, ce qui entraîne un changement important de personnel dans les entreprises (Brodeur, 2003; Norris et Armstrong, 1999). Cependant, seuls les agents ayant une bonne connaissance du centre peuvent travailler au poste de contrôle. Par conséquent, ce sont les agents les plus anciens que nous avons observés, notre site d’observation n’étant pas à l’abri du roulement de personnel.

La coordonnatrice de sécurité possède, quant à elle, beaucoup d’expérience dans le domaine de la sécurité. Elle a une formation en technique policière et elle a travaillé à divers endroits, tels des tours à bureaux, des établissements universitaires et des

centres commerciaux. Elle nous a mentionné qu’en général, elle ne reste pas plus de deux ans à un endroit, car elle veut relever de nouveaux défis et a besoin de « challenge ». Fait intéressant, le coordonnateur de sécurité de notre site d’observation a changé en moyenne au deux ans. En 19 ans, l’opérateur au centre de contrôle a travaillé avec 11 coordonnateurs différents. Nous retrouvons un roulement de personnel autant dans le haut et le bas de la hiérarchie du département, notre hypothèse étant que le personnel en sécurité est constamment à la recherche d’une amélioration de ses conditions de travail.

Le travail au centre de contrôle nécessite une connaissance accrue de l’établissement, donc seuls les agents les plus expérimentés peuvent accéder à cette fonction. Comme illustré à la figure 3.1, il y a seulement un agent de sécurité qui porte le nom de répartiteur et il est le seul à faire uniquement du contrôle. Ce dernier est responsable du quart de travail de jour de semaine, soit de 7h à 15h. Les autres plages horaires sont couvertes selon un horaire irrégulier. À tour de rôle, ou selon leurs envies, les agents viennent opérer le centre de contrôle. L’ennui est ce qui motive ce changement. Les agents de sécurité sont unanimes, à l’exception du contrôleur de jour, pour dire qu’ils seraient incapables de passer huit heures consécutives dans le centre de contrôle. Ceci va dans le même sens que les résultats émis par Smith (2004). Un agent de sécurité nous a rapporté les propos suivants : « Quand je suis au contrôle, je m’ennuie de l’action et de la montée d’adrénaline que ça procure. Je ne veux pas être derrière les caméras, mais être dans l’action. ». Un autre s’est exclamé : « Yo! C’est tellement plate le contrôle, j’aime pas ça moi le contrôle. ». Un autre a tenu les propos suivants : « Je ne vais pas survivre, c’est trop plate. ». Il semblerait que les agents de sécurité travaillant au contrôle viennent reprendre des forces, lorsqu’ils sont épuisés de marcher.

En bref, nous avons pu observer que l’organisation de la sécurité est similaire à un jeu d’échecs. La directrice générale du centre est très peu impliquée dans les opérations quotidiennes du département de sécurité, toutefois, c’est elle qui à la responsabilité de fixer les objectifs du département. De façon simpliste, nous

pouvons affirmer qu’elle donne des ordres à différents subordonnés. Nous la représentons alors comme le roi, la pièce clé du jeu et ayant une valeur illimitée. Cette pièce est rarement jouée, mais son utilisation peut être lourde de conséquences. Le gérant d’exploitation, quant à lui, représente la dame, soit la pièce la plus puissante du jeu et celle qui est libre d’action. Nous représentons la coordonnatrice de sécurité comme étant la tour, soit une pièce puissante ayant aussi une liberté d’action. Le capitaine de la sécurité est représenté par le fou, une pièce ayant une certaine liberté, mais dont on ne peut se passer de la présence. Les sergents sont, quant à eux, les cavaliers, soit des pièces peu utiles, mais qui peuvent être déplacées à tout moment. Ce qui fait que ces pièces sont souvent, après le pion, les premières à entrer sur le jeu. Il en va de même dans la réalité, les sergents étant les premiers à répondre aux interventions. Les patrouilleurs représentent les pions, soit les pièces ayant le moins de pouvoir, les plus restreintes dans ses mouvements et les premières à se faire retirer du jeu. Toutefois, ces pièces constituent aussi l’âme du jeu d’échec, leur présence étant souvent déterminante dans le succès d’une partie. L’agent de sécurité constitue le soldat qui exécute les ordres, il est au plus bas dans la hiérarchie de l’organisation, mais sans lui cette organisation ne serait pas fonctionnelle.

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