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2 Les éléments génétiques mobiles chez les mycoplasmes

2.3 Les éléments génétiques mobiles retrouvés chez les mycoplasmes

2.3.4 Les ICEs

2.3.4.2 Une organisation modulaire

D’un point de vue structural, les ICEs sont organisés en plusieurs modules (Figure 11)

assurant leur maintien, leur dissémination et leur régulation

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:

- Un module de recombinaison, codant pour l’intégrase et d’autres protéines permettant

l’excision et l’intégration,

- Un module de conjugaison, où se trouve l’origine de transfert (oriT) et les protéines du

pore conjugatif, souvent homologue au système de sécrétion de type IV,

- Un module de régulation, permettant de contrôler le processus de recombinaison et de

conjugaison en fonction des conditions cellulaires.

- Un module d’adaptation, qui peut comprendre un nombre considérable de gènes connus

pour augmenter la compétitivité de l’hôte par rapport à d’autres bactéries se trouvant

dans le même écosystème.

Figure 11 : Les différents modules de l’ICE. Les ICE sont composés par différents modules

indiqués chacun par une couleur (d’après Dahmane, 2018

176

).

Le module d’excision/intégration code généralement une recombinase, souvent une

tyrosine recombinase mais qui peut aussi être une sérine recombinase ou une recombinase

DDE, chacune de ces familles d’enzymes étant capable de reconnaitre les différences

séquences répétées directes ou inverses d’ADN bordant un élément donné.

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Les recombinases à tyrosine correspondent à la famille d’intégrase la plus représentée parmi

les ICEs décrits à l’heure actuelle et montrent une interaction spécifique de site, de la même

manière que les sérine recombinases même si ces dernières sont moins communes. Les

transposases DDE montrent une faible spécificité d’intégration et n’assurent la mobilité que

de quelques ICEs restreints au phylum des Firmicutes. Les transposases DDE ont une

architecture du domaine catalytique avec une triade d’acides aminés essentiels conservés

(Asp, Asp et Glu). Ce domaine catalytique est associé avec une région liant l’ADN

généralement localisée dans la partie N-terminale de la partie de la protéine responsable de

la reconnaissance des répétitions inverses (IRs) terminales

177

.

Le module de conjugaison code généralement pour les protéines entrant dans la

formation du pore conjugatif, souvent homologue avec un système de sécrétion de type IV

(T4SS). En effet, le transfert de l’ADN simple brin se fait à travers ce T4SS qui est une

structure trans-enveloppe remplissant des fonctions de translocations diverses. Ce système

a d’abord été connu pour la translocation d’ADN et de macromolécules à travers la paroi

de bactéries à Gram négatif, notamment chez Agrobacterium tumefaciens pour le transfert

d’ADN oncogène à l’origine de la galle du collet chez les plantes

178

. Le T4SS a par la suite

été défini comme le mécanisme essentiel au transfert conjugatif d’une majorité d’ADN

mobile de type plasmide ou ICE dépendant du contact de la bactérie donatrice de l’élément

avec la bactérie réceptrice.

Le T4SS d’ A. tumefaciens est le mieux décrit

179

. Il est composé de 11 protéines VirB

(VirB1 à VirB11) synthétisées par l’opéron virB codant l’ensemble des composés formant

le pore de conjugaison. La protéine VirB4 possède une activité ATPase et représente ainsi

une source d’énergie nécessaire à l’activité de translocation du T4SS. Une autre protéine

relativement conservée du T4SS est la protéine VirB6, qui forme le pore de conjugaison au

niveau de la membrane interne. La protéine VirB1 constitue quant à elle l’hydrolase du

peptidoglycane nécessaire à l’assemblage du pore protéique de conjugaison. Un second

opéron, l’opéron virD, complète le dispositif. Il comprend quatre gènes (VirD1 à VirD4)

dont un codant la relaxase (VirD2) et la protéine de couplage (VirD4). La protéine VirD4

(aussi connue sous le nom de protéine de couplage ou T4CP) est une ATPase responsable

du recrutement des substrats du T4SS. La relaxase VirD2 clive l’ADN simple brin et forme

un complexe nucléoprotéique reconnu par T4CP, qui dirige l’ensemble vers le T4SS. Des

homologues du système VirB/VirD sont retrouvés dans d’autres systèmes conjugatifs de

bactéries ; des différences peuvent néanmoins concerner la composition et le nombre des

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différentes sous-unités du système VirB/VirD selon la nature du substrat transféré

180-183

. La

conjugaison à travers le T4SS nécessite parfois la mise en place d’un pilus assemblé par le

T4SS lui-même. Le pilus se forme suite à la polymérisation de sous-unités de pilines qui lui

permettent d’entrer en contact avec la paroi de la cellule réceptrice afin de l’attirer vers la

cellule donatrice. Le T4SS des bactéries à Gram positif est moins décrit (Figure 12).

Néanmoins celui-ci présente de nombreuses similarités avec le T4SS des bactéries à Gram

négatif, notamment au niveau des premières étapes mettant en jeu la coupure de l’extrémité

5’ de l’ADN ciblé par la relaxase et son transfert au pore protéique de conjugaison.

Figure 12: Modèle représentant le T4SS du plasmide pIP501 de Streptococcus

agalactiae (d’après Goessweiner-Mohr et al., 2014

184

). La relaxase TraA se lie à la séquence

oriTpIP501 et clive la molécule d’ADN. Le plasmide simple brin est ensuite transféré au pore de

conjugaison par le biais des protéines de couplages putatives TraJ. (N) correspond à l’extrémité

N-terminale des protéines du T4SS. Les flèches indiquent une interaction entre deux acteurs

protéiques, et la largeur de la flèche est proportionnelle à la force de l’interaction. TraA, homologue

de VirD2 ; TraE, homologue de VirB4 ; TraJ, homologue de VirD4 ; TraL, homologue de VirB6 ;

TraG, homologue de VirB1 ; TraM, homologue de VirB8.

En revanche, l’étape de translocation de l’ADN à travers le T4SS montre des différences

considérables entre les deux types de bactéries, probablement dues aux différences

d’organisation de leurs parois respectives. De ce fait, aucun homologue des protéines

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VirB7-9-10 rentrant dans la composition du pore de conjugaison n’a encore été identifié

dans les T4SS des bactéries à Gram positif. En revanche, des homologues de VirB1, VirB4,

VirB6, VirB8, et VirD4 sont retrouvés dans les T4SS des bactéries à Gram positif

184

. De

plus, tandis que le T4SS des bactéries à Gram négatif met en place la synthèse de pili,

aucune structure similaire n’a été décrite pour le transfert conjugatif des plasmides et ICEs

des bactéries à Gram positif. Le transfert serait par conséquent dépendant de la capacité des

cellules à entrer directement en contact. Ainsi, le T4SS de ces bactéries code parfois des

adhésines de surface facilitant l’interaction avec la paroi du deuxième partenaire

176

.

Le transfert des ICEs est gouverné par un module de régulation complexe pouvant être

activé et réprimé en réponse à des stimuli environnementaux. Ces signaux vont influencer

l’expression et l’activité de l’ICE modulant ainsi l’expression des gènes nécessaires à

l’excision et au transfert de l’élément. Des études ont montré que l’expression constitutive

des gènes de conjugaison des ICEs pouvait être nocive pour la cellule hôte et pour le

maintient de l’élément

185

, mettant ainsi en exergue la nécessité d’une régulation fine de

l’expression des gènes de transfert de l’élément. L’ICE peut sous certaines conditions être

induit, ce qui aboutit à la dérépression de l’expression des gènes de l’élément et à l’excision

de ce dernier, assurant ainsi sa disponibilité pour un éventuel transfert. Cependant, même

sous ces conditions d’induction, l’ICE ne sera excisé que chez une faible proportion de la

population, ce qui témoigne d’une régulation stricte de ces éléments

176,186

.

Enfin, les ICE portent un module d’adaptation qui peut comprendre un nombre

considérable de gènes pouvant conférer un avantage sélectif à l’organisme hôte tel que la

résistance aux antibiotiques, aux métaux lourds et aux phages, des gènes de pathogénicité,

la capacité à effectuer des symbioses, ainsi que de nouvelles voies métaboliques

187-189

. Cette

stratégie adaptée par les ICEs contribue à leur maintien au sein de la population et à leur

succès évolutif

174

. Les ICEs évoluent par l’échange ou l’acquisition de gènes appartenant

au module d’adaptation à partir d’autres éléments génétiques mobiles tels que des ICEs, des

plasmides ou des prophages, mais aussi par la perte de ces gènes

173

.

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