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SECTION 1.3 LES AUTORISATIONS JUDICIAIRES PRÉVUES AU CODE CRIMINEL

1.3.3 Les ordonnances de communication

De manière générale, les diverses ordonnances de communication prévues au Code criminel permettent aux policiers d’obtenir de l’information qui est en la possession ou sous le contrôle d’une tierce partie, souvent une entreprise, qui n’est pas visée par l’enquête. Cette information peut se trouver sous la forme de documents ou encore de données.

Avec le projet de loi C-13 de 2014205, de nouvelles ordonnances de communication ont été

ajoutées au Code criminel. Ces ordonnances ne visent pas les mêmes types de documents et n’ont pas nécessairement les mêmes conditions d’application. Nous examinerons donc premièrement l’ordonnance générale de communication, prévue à l’article 487.014 C.cr., avant de nous pencher sur les ordonnances de communication spécifiques, prévues aux articles 487.015 à 487.018 C.cr. Nous survolerons également l’ordre et l’ordonnance de préservations, prévus respectivement aux articles 487.012 et 487.013 C.cr.

Par ailleurs, il est important de spécifier à ce stade que les forces de l’ordre devront utiliser, le cas échéant, l’ordonnance de communication précise qui s’applique à la situation sous étude206.

En d’autres termes, l’ordonnance générale de communication ne pourra être utilisée si une ordonnance spécifique est disponible. Toutefois, il serait possible d’utiliser une même dénonciation au soutien d’une ordonnance générale et d’une ordonnance spécifique de communication, si les conditions s’appliquant aux différentes ordonnances sont respectées207.

204 Keating v. Nova Scotia (Attorney General), 2001 NSSC 85.

205 Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l’entraide

juridique en matière criminelle, projet de loi n°C-13 (sanctionné – 9 décembre 2014), 2e sess., 41e légis. (Can.). 206 Alberta (Attorney General) v. Provincial Court of Alberta, 2015 ABQB 728, par. 101.

1.3.3.1 L’ordonnance générale de communication

L’article 487.014 C.cr. – ou avant les modifications législatives apportées par le projet de loi C- 13, l’article 487.012 C.cr. – permet aux policiers d’obtenir une copie de tout document ou donnée qui est en la possession ou à la disposition d’une tierce personne, si le juge émetteur est convaincu qu’il existe de motifs raisonnables de croire à la commission d’une infraction, que les documents et données sont en la possession de cette tierce personne et que celles-ci seront utiles en preuve. Cette disposition ne peut toutefois être utilisée afin d’obtenir de tels documents de la personne visée par l’enquête208.

Plusieurs types de documents peuvent donc être obtenus en ayant recours à cette disposition. Il pourrait s’agir de documents reliés à un mandat d’aide juridique dans une instance de divorce209,

de matériel audio et vidéo en possession de Radio-Canada210 ou un autre télédiffuseur211, de

documents détenus par un ombudsman provincial212, de dossiers médicaux213, etc.

Dans la décision Spencer, qui constitue l’élément déclencheur ayant mené à l’adoption du projet de loi C-13, la Cour suprême s’est penchée sur la nécessité d’obtenir une ordonnance de communication afin d’obtenir les renseignements relatifs à l’abonné lié à une adresse IP précise, ayant servi à télécharger de la pornographie juvénile. Considérant que l’accusé avait une attente raisonnable de vie privée à l’égard de son identité virtuelle, qui correspond à une activité informatique particulière214, la Cour a conclu que les policiers auraient dû obtenir une

ordonnance de communication afin d’obtenir une copie de ces documents215.

Par ailleurs, selon la Cour provinciale de l’Alberta, les nouvelles dispositions créées par le projet de loi C-13 ne modifient en rien la conclusion de la Cour suprême dans l’arrêt Spencer à l’effet

208 Code criminel, préc., note 17, art. 487.014(4).

209 Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec c. Nicolo, 2016 QCCS 3419. 210 R. c. Trudeau, 2016 QCCQ 925.

211 Global TV v. Alberta, 2013 ABPC 342.

212 R. v. Nova Scotia (Ombudsman), 2016 NSSC 273. 213 R. c. Stevenson George Alles, 2014 QCCQ 12000. 214 R. c. Spencer, préc., note 94, par. 33.

qu’une ordonnance générale de communication est nécessaire afin d’obtenir cette information, c’est-à-dire les renseignements relatifs à un abonné216. Selon la Cour, la définition des termes

« données de transmission » et « données de localisation », prévues à l’article 487.011 C.cr., ne peut inclure les renseignements relatifs à un abonné217. Ainsi, les policiers devraient encore se

prémunir d’une ordonnance générale de communication, avec son standard des motifs raisonnables de croire à la commission d’une infraction, plutôt qu’une ordonnance de communication spécifique, qui prévoit au contraire un standard plus faible, soit celui des motifs raisonnables de soupçonner la commission d’une infraction.

1.3.3.2 Les ordonnances de communication spécifiques

Le Code criminel prévoit quatre ordonnances de communication spécifiques, soit l’ordonnance de communication en vue de retracer une communication spécifique (art. 487.015 C.cr.), l’ordonnance de communication pour des données de transmission (art. 487.016 C.cr.)218,

l’ordonnance de communication pour des données de localisation (art. 487.017 C.cr.) et l’ordonnance de communication pour des données financières (art. 487.018 C.cr.). Les dispositions visant les données de transmission et les données de localisation ont été adoptées avec le projet de loi C-13219, et ce, notamment afin que le Canada soit en mesure de ratifier la

Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe dont il est signataire220.

Le standard d’émission de ces différentes autorisations judiciaires est celui des « motifs raisonnables de soupçonner ». Ainsi, il est plus facile pour les forces de l’ordre d’obtenir de telles autorisations, par opposition à une ordonnance générale de communication.

Dans son mémoire présenté au Sénat du Canada, le Commissaire à la protection de la vie privée Daniel Therrien a énoncé ses craintes par rapport à ce fardeau de preuve plus faible qui est

216 Re Subscriber Information, 2015 ABPC 178, par. 35. 217 Id., par. 36.

218 Un mandat permettant d’enregistrer de telles données est prévu à l’article 492.2 C.cr.

219 Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l’entraide

juridique en matière criminelle, préc., note 205.

220 Convention sur la cybercriminalité, 23 novembre 2001, S.T.E. no 185 (entrée en vigueur au Canada le 1er

susceptible de porter atteinte à la vie privée des citoyens canadiens221. Or, malgré ces remarques,

le projet de loi a été adopté tel quel. Dans ce mémoire, un tableau résumé des différentes ordonnances de communication, comprenant le type de données pouvant être obtenues en vertu de chacune des dispositions ainsi que le seuil d’autorisation prévu, était inclus. Nous avons reproduit celui-ci en Annexe I, en raison de sa clarté222.

Comme ces ordonnances visent spécifiquement les données informatiques, nous étudierons celles-ci en détail à la section 2.2.1.1 du présent mémoire.