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5. DISCUSSION

5.5. F ORCES ET LIMITES

Une des forces de notre travail est de proposer une revue de la littérature qualitative, domaine encore en plein développement. Nous pouvons ainsi, par notre écrit, alimenter le contingent de ces revues et aider à leur développement. Sans prétention de notre part, nous pensons que chaque publication, même faisant partie de la littérature grise, est une pierre à l’édifice, si petite soit-elle. Nous avons également cherché à creuser un sujet d’actualité, bien que parfois difficile, voire polémique. Nous voulions soulever des questions qui nous semblent essentielles à la pratique de soins respectueux des patients et de l’équipe soignante, dans un domaine où la limite entre bon et trop est souvent floue. Il nous paraît essentiel de donner une voix à ces questionnements fondamentaux qui jalonnent le parcours du

soignant. Nous espérons ainsi alimenter la réflexion de chacun sur sa propre pratique et sur les implications morales et philosophiques qui en découlent.

Nous avons eu accès à des données brutes issues d’entretiens, ce qui nous a permis d’aller au-delà de la synthèse narrative et de proposer notre propre analyse des propos recueillis par les auteurs. Nous avons ainsi pu nous affranchir un tant soit peu de l’interprétation de ces auteurs et amener notre propre compréhension du sujet. Cette démarche nous a énormément apporté, tant au niveau de l’implication dans cette recherche que pour la compréhension même du sujet.

Nous relèverons toutefois plusieurs limites à notre travail. La première étant que deux de nos quatre articles regroupent trois mêmes auteurs, à une année d’intervalle. La synthèse de ces études peut être biaisée par cette origine commune, bien que les auteurs expliquent leur volonté d’étudier une population d’abord féminine, puis masculine, sur le même sujet, dans une continuité. Il s’agirait donc plutôt d’une étude en deux parties que deux études bien distinctes, les protocoles étant relativement similaires.

Un deuxième point à relever est que l’article de Wynn (2002) n’est pas mené comme une étude primaire. Bien que contenant des extraits d’entretiens, il consiste en une analyse de cas cliniques selon une approche philosophique d’auteurs ayant traité du concept de la vie. Cela implique deux choses : nous ne pouvions évaluer cet article comme les autres avec la grille Côté-Turgeon (2002), sa qualité n’a donc pas été éprouvée ; l’approche de l’auteur est sensiblement différente des autres, puisqu’elle est fondée sur des théories philosophiques pour expliciter les cas cliniques. Cela n’a peut-être pas fondamentalement biaisé nos résultats. Toutefois, l’apport de cet article offre un regard différent sur ces questions éthiques.

Ensuite, notre revue ne compte que quatre articles, dont deux des mêmes auteurs comme relevé précédemment. Cela ne reflète certainement pas l’entier du sujet et nous ne pouvons affirmer avoir répondu à notre question de recherche de manière exhaustive. Cela implique de la retenue dans l’exposé de nos résultats et de devoir laisser des questions en suspens dans leur interprétation. Comme indiqué dans l’introduction de notre travail, notre volonté n’a jamais été de relever des faits et de publier des vérités, mais bien de mener une réflexion sur les questions éthiques que se posent les professionnels de la santé en réanimation néonatale. En ce sens, notre objectif est atteint. Toutefois, une littérature plus fournie aurait peut-être étoffé ou orienté différemment nos résultats.

Une autre limite potentielle se trouve dans l’approche méthodologique de nos articles. En effet, trois d’entre eux ont suivi une méthodologie de type phénoménologique et cela a sans doute orienté notre lecture et notre interprétation. Comme le disent Reeves, Albert, Kuper & Hodges (2008), beaucoup de filtres peuvent être appliqués à un problème, chacun se focalisant sur un aspect différent de ce problème (traduction libre, p. 631). Ces théories, telle que la phénoménologie, donnent aux chercheurs

différentes « lentilles » à travers lesquelles on peut considérer des problèmes compliqués ou des phénomènes de société (Reeves et al., 2008, traduction libre, p. 631). Ainsi, selon Anadón (2006) :

Au lieu d’être explicative, en étudiant les faits et les significations que les sujets donnent aux phénomènes, la méthode phénoménologique est essentiellement descriptive et compréhensive. Ce qui différencie cette approche d’autres approches qualitatives [, c’] est qu’elle met l’accent sur le vécu de l’individu et sur l’expérience subjective. (p. 19)

Dans cette revue de la littérature, nous ne faisons donc pas d’analyse des questions éthiques sous l’angle des rapports de pouvoir dans la hiérarchie médecin − infirmier ou en fonction de la classe sociale du patient, par exemple, mais il s'agit bien là d'un report du vécu des protagonistes dans leur milieu professionnel.

Enfin, le dernier point concerne la qualité. Les trois articles évalués, comme expliqué précédemment, souffrent de quelques faiblesses. Dans les trois cas, la question de recherche n’est pas clairement explicitée, bien que l’idée générale de l’étude soit mentionnée. Dans la méthode des trois articles, plusieurs insuffisances sont à relever : le rôle des chercheurs n’est pas exposé ; il n’y a aucune mention de critères d’inclusion ou d’exclusion lors du choix des sujets de l’étude ; les éventuels refus ou abandons ne sont pas mentionnés ; les auteurs ne font nulle part état d’une éventuelle saturation des données. Le lieu et la date du recueil des données ne sont pas non plus précisés pour les études de Sørlie et al. (2000) et Sørlie et al. (2001). Dans les discussions des trois articles, les auteurs respectifs n’émettent pas d’opinion critique sur les résultats obtenus et ne font aucunement état de potentiels biais. Finalement, aucun des trois articles ne propose de pistes de recherches futures. Ces différents points péjorent l’évaluation de la qualité de nos articles, certes, mais sont toutefois très similaires d’un article à l’autre. Il n’y a donc pas d’article de qualité supérieure aux autres de ce point de vue.

Conscientes de ces points faibles, nous avons tenté de mener un travail rigoureux et méticuleux afin de ne pas perdre davantage de qualité par une méthodologie de recherche et une analyse des résultats approximatives. Ces limites inhérentes à la littérature à disposition sont malheureusement des facteurs sur lesquels nous n’avons aucune emprise, si ce n’est de changer de sujet d’étude.