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Op´erateurs de Hilbert-Schmidt

Chapitre 8. Quelques classes d’op´ erateurs

8.4. Op´erateurs de Hilbert-Schmidt

Remarque 8.3.1. Il s’agit ici d’un th´eor`eme qui demande que le corps de base soit C ; d´ej`a en dimension r´eelle deux, une matrice normale 2 × 2 n’est pas forc´ement diagona-lisable sur R (prendre tout simplement une rotation d’angle diff´erent de kπ) ; on peut cependant d´ecomposer l’espace r´eel en sous-espaces invariants de dimension ≤ 2. Si H est un espace de Hilbert r´eel et T ∈ L(H) un op´erateur autoadjoint compact, il existe une base orthonorm´ee de H form´ee de vecteurs propres de T. Une fa¸con d’obtenir ce r´esultat est de se ramener au cas complexe par complexification de la situation.

Il est facile de modifier l´eg`erement la d´emonstration pr´ec´edente pour qu’elle n’utilise plus rien de la th´eorie g´en´erale de Riesz. Pour commencer, il est ´evident dans le cas hilbertien que les sous-espaces propres d’un op´erateur compact T sont de dimension finie quand λ 6= 0 : dans le cas contraire, prendre une base orthonorm´ee (en)n≥0 de Eλ, et constater que la suite T(en) = λen, contenue dans T(BH), n’a pas de sous-suite convergente en norme ; une fois vu que les sous-espaces propres sont deux `a deux orthogonaux, il est clair, par une l´eg`ere modification de l’argument qui pr´ec`ede, qu’il n’y a qu’un nombre fini de valeurs propres telles que |λ| ≥ ε > 0.

8.4. Op´erateurs de Hilbert-Schmidt

Lemme 8.4.1. Soient E et F deux espaces de Hilbert, B une base hilbertienne de E et B0 une base hilbertienne de F ; pour tout T ∈ L(E, F) on a :

X b∈B,b0∈B0 |hb0, T(b)i|2 =X b∈B kT(b)k2 = X b0∈B0 kT(b0)k2

(valeur finie ≥ 0 ou bien +∞). Cette quantit´e ne d´epend pas des bases B et B0 choisies. D´emonstration. Pour x ∈ E et y ∈ F on a kxk2 =X b∈B |hx, bi|2, kyk2 = X b0∈B0 |hb0, yi|2,

d’o`u la premi`ere assertion. Il est clair quePb∈BkT(b)k2 ne d´epend pas de B0 et que P

b0∈B0kT(b0)k2 ne d´epend pas de B, d’o`u la deuxi`eme assertion.

Pour T ∈ L(E, F) on pose kTk2 = ¡P

b∈BkT(b)k2¢1/2

o`u B est une base hilbertienne quelconque de E. Posons L2(E, F) = {T ∈ L(E, F) : kTk2 < +∞}. D’apr`es le point (vi) du th´eor`eme 2.4, tout T ∈ L2(E, F) est compact.

Th´eor`eme 8.4.2. Soient E et F deux espaces de Hilbert ;

(i) l’ensemble L2(E, F) est un sous-espace vectoriel de L(E, F) ;

(ii) pour tous op´erateurs S, T ∈ L2(E, F) et toute base hilbertienne B de E, la famille (hS(b), T(b)i)b∈B est sommable ; l’application (S, T) → Pb∈BhS(b), T(b)i est un produit scalaire sur L2(E, F), ind´ependant de la base B.

On note (S, T) → (S, T)2 ce produit scalaire ;

(iii) muni de ce produit scalaire, L2(E, F) est un espace de Hilbert ; (iv) on a L2(E, F) ⊂ K(E, F) ;

(v) soit T ∈ K(E, F) ; notons (λn)n≥0 les valeurs propres de |T| (qui est compact par la proposition 2.5) compt´ees avec leur multiplicit´e. Alors kTk2

2 =P+∞n=0λ2 n.

D´emonstration. Le point (i) est ´evident. Soient S, T ∈ L(E, F) et B une base hilber-tienne de E ; pour b ∈ B on a

|hS(b), T(b)i| ≤ kS(b)k kT(b)k ≤ 1

2(kS(b)k

2+ kT(b)k2).

On en d´eduit que la famille (hS(b), T(b)i)b∈B est sommable. Il est clair que l’applica-tion (S, T) → Pb∈BhS(b), T(b)i est un produit scalaire, ind´ependant de la base d’apr`es le lemme pr´ec´edent et l’identit´e de polarisation de la proposition 2.1.1.

Remarquons que, pour tout T ∈ L2(E, F) et tout x ∈ E de norme 1, prenant une base hilbertienne contenant x, on a kTk2 ≥ kT(x)k ; ceci ayant lieu pour tout x il en r´esulte que kTk2 ≥ kTk, donc k k2 est une norme sur L2(E, F). Du point (ii) il r´esulte alors que L2(E, F) est un espace pr´ehilbertien ; on doit montrer qu’il est de plus complet. Soit (Tn) une suite de Cauchy dans L2(E, F) ; comme k k ≤ k k2, la suite (Tn) est de Cauchy dans L(E, F) qui est complet, donc la suite (Tn) converge en norme vers un op´erateur T. Pour tout ensemble fini I ⊂ B on aura

X b∈I kT(b)k2 = lim n X b∈I kTn(b)k2 ≤ sup n kTnk22 = M,

donc Pb∈BkT(b)k2 ≤ M < +∞ et T ∈ L2(E, F). Comme (Tn) est de Cauchy dans L2(E, F), il existe un entier N tel que pour tout n ≥ N on ait kTn− TNk2 ≤ ε. L’argument pr´ec´edent appliqu´e `a la suite (Tn− TN)n≥N, qui converge vers T − TN montre que kT − TNk2 ≤ supn≥NkTn− TNk2 ≤ ε, d’o`u le r´esultat.

Soient T ∈ L2(E, F) et (en) un syst`eme orthonormal ; soit B une base contenant les vecteurs en; la famille (kT(b)k2) est sommable, donc la suite kT(en)k tend vers 0. Donc T est compact par la caract´erisation (vi) du th´eor`eme 2.4. Le point (iv) est clair si on choisit une base B form´ee de vecteurs propres pour |T|.

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efinition 8.4.1. Soient E et F deux espaces de Hilbert ; un op´erateur T ∈ L2(E, F) est dit de Hilbert-Schmidt.

Exemples 8.4.2.

1. Prenons d’abord E = F = Cn. Un op´erateur T est repr´esent´e par une matrice (ai,j) dans la base canonique ; si (ej) d´esigne la base canonique, on a kT(ej)k2 =Pni=1|ai,j|2, donc la norme Hilbert-Schmidt de T est ´egale `a

kTk2 =¡ n X i,j=1

|ai,j|2¢1/2.

Si E = F = `2, un op´erateur T peut se repr´esenter par une matrice infinie (ai,j), et on voit de mˆeme que la norme Hilbert-Schmidt est ´egale `a

kTk2 =¡ +∞ X i,j=0

|ai,j|2¢1/2.

2. Soient (X, µ) et (Y, ν) deux espaces mesur´es σ-finis et K(s, t) une fonction de carr´e int´egrable sur X × Y. On d´efinit un op´erateur TK par

(TKf )(s) = Z

Y

K(s, t)f (t) dν(t).

On montre que TK est bien d´efini, et agit continˆument de L2(Y, ν) dans L2(X, µ) : avec Cauchy-Schwarz, on a |(TKf )(s)|2 ¡ Z Y |K(s, t)| |f (t)| dν(t)¢2 ¡ Z Y |K(s, t)|2dν(t)¢ ¡ Z Y |f (t)|2dν(t)¢ ce qui donne en r´eint´egrant

Z X |(TKf )(s)|2dµ(s) ≤ ¡ Z X×Y |K(s, t)|2dµ(s)dν(t)¢ ¡ Z Y |f (t)|2dν(t)¢.

On trouve a posteriori que l’int´egrale qui d´efinit TK est absolument convergente pour µ-presque tout s, et on voit que kTKk ≤ kKk2.

Si (fn)n≥0 est une base hilbertienne de L2(X, µ) et (gn)n≥0 une base hilbertienne de L2(Y, ν), il en r´esulte que les fonctions (s, t) → fm(s)gn(t) (o`u m, n prennent toutes les valeurs enti`eres ≥ 0) donnent une base orthonorm´ee de l’espace L2(X × Y, µ ⊗ ν). Si KN est de la forme PNm,n=0am,nfm(s)gn(t), on voit facilement que TKN est de rang fini (l’image est contenue dans Vect(f0, . . . , fN)). Si Kn tend vers K en norme L2, il en r´esulte que les op´erateurs de rang fini TKn convergent en norme d’op´erateur vers TK, qui est donc compact. En fait, l’op´erateur TK est de Hilbert-Schmidt :

si on ´ecrit K(s, t) = +∞ X m,n=0 cm,nfm(s)gn(t),

on constate que TK(gp) =Pmcm,pfm, donc kTK(gp)k2 =Pm|cm,p|2, et ensuite X

p

kTK(gp)k2 =X m,p

On a donc v´erifi´e que la norme Hilbert-Schmidt de TK est ´egale `a la norme L2 du noyau K dans l’espace L2(X × Y, µ ⊗ ν). En particulier, l’application K → TK est injective : si l’op´erateur TK est l’op´erateur nul, le noyau K est nul µ ⊗ ν-presque partout sur X × Y. Exercice 8.4.3. Montrer que la composition de deux op´erateurs TK1 et TK2 de la forme pr´ec´edente est un op´erateur TK, avec

K(s, t) =

Z

K1(s, u)K2(u, t)du.

On peut v´erifier que l’adjoint de TK est l’op´erateur de noyau K(t, s) = K(s, t). Sup-posons que X = Y, µ = ν et que K soit un noyau hermitien, c’est `a dire que K(t, s) = K(s, t) pour tous (s, t) ∈ X2; il existe alors une base orthonorm´ee (fn) de L2(X, µ) form´ee de vecteurs propres de l’op´erateur hermitien compact TK, c’est `a dire telle que TK(fn) = λnfn pour tout n ≥ 0. Si on exprime le noyau K dans la base orthonorm´ee de l’espace L2(X2, µ ⊗ µ) form´ee des fonctions hm,n(s, t) = fm(s)fn(t), on obtient une expression K(s, t) =P m,ncm,nfm(s)fn(t), et on voit que TK(fp)(s) =X m,n cm,n Z fm(s)fn(t)fp(t) dt =X m cm,pfm(s) = λpfp(s),

ce qui montre que cp,p= λp, et les autres coefficients cm,p, pour m 6= p sont nuls. On voit donc que tout noyau hermitien K sur X2 se repr´esente sous la forme

K(s, t) =

+∞ X

n=0

λnfn(s)fn(t)

o`u les λn sont r´eels, et (fn) une base orthonorm´ee. La s´erie converge au sens de L2.

Exercice 8.4.4. R´eciproquement, soit T un op´erateur de Hilbert-Schmidt de L2(Y, ν) dans L2(X, µ), et soit (gn) une base hilbertienne de L2(Y, ν). Soit Fn = T(gn). Montrer que K(s, t) = +∞ X n=0 Fn(s)gn(t) d´efinit une fonction de L2(X × Y), et que T = TK.

Proposition 8.4.3. Soient E, F et H des espaces de Hilbert ; pour tout S ∈ L(E, F) et T ∈ L(F, H) on a :

(i) kSk2 = kSk2;

(ii) kTSk2 ≤ kTk kSk2 et kTSk2 ≤ kTk2kSk ;

(iii) si S ou T est un op´erateur de Hilbert-Schmidt alors il en va de mˆeme pour TS. D´emonstration. Le point (i) r´esulte de la d´efinition de kSk2 (lemme 1). Pour le point (ii), soit B une base hilbertienne de E ; pour tout b ∈ B on a kTS(b)k ≤ kTk kS(b)k donc kTSk2

2 = Pb∈BkTS(b)k2 ≤ kTk2P

b∈BkS(b)k2 = kTk kSk2. La deuxi`eme assertion en r´esulte en rempla¸cant S et T par leurs adjoints. Le point (iii) r´esulte aussitˆot de (ii).

// En particulier l’espace L2(E) = L2(E, E) est un id´eal bilat`ere de L(E).