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3.3 Analyse spectrale de l’opérateur d’Airy

3.3.1 Opérateur d’Airy sur une demi-droite

Les résultats de cette sous-section sont essentiellement extraits du livre de Helffer [47, Sec. 14.5].

Soit 𝑧 ∈ ℂ avec ℜ(𝑧) > 0. On note 𝒜𝑧l’opérateur de domaine 𝐷(𝒜𝑧) ≔ {𝑓 ∈ 𝐻1

0(ℝ+), √𝑥𝑓 ∈ 𝐿2(ℝ+), (−𝜕𝑥2+ 𝑧𝑥)𝑓 ∈ 𝐿2(ℝ+)},

défini par 𝒜𝑧𝑓 = (−𝜕2

𝑥+ 𝑧𝑥)𝑓. Comme pour l’oscillateur harmonique, on est surtout

intéressé par la première valeur propre de 𝒜𝑧. Pour l’étudier, on introduit la fonction

Définition 3.52. On appelle fonction d’Airy, et on note Ai la transformée de Fourier

inverse de 𝜉 ↦ ei𝜉3/3.

Cette fonction vérifie les propriétés suivantes [71, Ch. 9] :

Proposition 3.53. La fonction Ai vérifie l’équation différentielle − Ai″(𝑥) + 𝑥 Ai(𝑥) = 0. Elle est positive sur [0, +∞[, et ses zéros forment une suite décroissante tendant vers −∞. Elle est entière, et pour tout 𝛿 > 0, on a dans la limite |𝑧| → +∞ l’asymptotique

valable sur le secteur {|arg(𝑧)| < 𝜋 − 𝛿}

Ai(𝑧) = e −2 3𝑧 3/2 2√𝜋𝑧1/4 (1 + 𝑂(𝑧 −3/2)) et Ai(𝑧) = 𝑧1/4e− 2 3𝑧 3/2 2√𝜋 (1 + 𝑂(𝑧 −3/2)) . (3.62)

Ces asymptotiques peuvent se déduire d’une représentation intégrale de Ai (es- sentiellement celle obtenue en écrivant la transformée de Fourier inverse de ei𝜉3/3) grâce à la méthode du point col.

Grâce à la fonction d’Airy, on peut donner des fonctions propres de 𝒜𝑧.

Proposition 3.54. Soit −𝜇 un des zéros de la fonction d’Airy (on rappelle qu’ils sont

négatifs). Alors 𝑥 ↦ Ai(𝑧1/3𝑥 − 𝜇) est une fonction propre de l’opérateur 𝒜

𝑧, de valeur

propre 𝑧2/3𝜇. Ces valeurs propres sont simples.

Démonstration. On note 𝑓(𝑥) = Ai(𝑧1/3𝑥 − 𝜇). Comme 𝜇 est un zéro de Ai, on a 𝑓(0) = 0. De plus, d’après l’équation différentielle vérifiée par Ai, on a

𝑓″(𝑥) = 𝑧2/3Ai(𝑧1/3𝑥 − 𝜇) = 𝑧2/3(𝑧1/3𝑥 − 𝜇) Ai(𝑧1/3𝑥 − 𝜇) = (𝑧𝑥 − 𝑧2/3𝜇)𝑓(𝑥).

Donc 𝑓 vérifie l’équation différentielle −𝑓″ + 𝑧𝑥𝑓 = 𝑧2/3𝜇𝑓. D’après l’asympto-

tique (3.62) vérifiée par la fonction d’Airy, 𝑓 décroit exponentiellement lorsque 𝑥 → +∞. Il en est de même pour 𝑓′. Avec 𝑓(0) = 0, ceci démontre que 𝑓 ∈ 𝐻1

0(ℝ+),

√𝑥𝑓 ∈ 𝐿2(ℝ+), et l’équation différentielle vérifiée par 𝑓 montre que (−𝜕2

𝑥+𝑧𝑥)𝑓 ∈ 𝐿2.

Autrement dit, 𝑓 ∈ 𝐷(𝒜𝑧) et 𝒜𝑧𝑓 = 𝑧2/3𝜇𝑓.

Si 𝑓 et 𝑔 sont deux fonctions propres de 𝒜𝑧associées à la même valeur propres 𝜆, alors 𝑓 vérifie 𝑓(0) = 0 et −𝑓″ + (𝑧𝑥 − 𝜆)𝑓 = 0 (et de même pour 𝑔). Donc 𝑓 et

𝑓′(0)𝑔′(0)−1𝑔(𝑥) vérifient le même problème de Cauchy, et sont donc égales.

Remarque 3.55. On pourrait en fait démontrer que le spectre de 𝒜𝑧n’est formé que de ces valeurs propres.

Grushin

A

PRÈS cet intermède technique, nous sommes enfin capables de traiter les équa- tions de Grushin et de Kolmogorov. On commence par la première. Si on consi- dère le cas où l’équation de Grushin est posée pour 𝑥 ∈ ℝ, des expressions simples et explicites de certaines fonctions propres permettent de « plonger » l’équation de la demi-chaleur dans l’équation de Grushin. La démonstration de la non-contrôlabilité est alors une simple adaptation du cas de la demi-chaleur. Mais si le domaine est borné en 𝑥, on aura besoin de tous les résultats du chapitre précédent pour traiter les perturbations des fonctions propres par rapport au cas non-borné.

4.1 Généralités

L’équation de Grushin est l’équation suivante :

{ (𝜕𝑡− 𝜕

2

𝑥− 𝑥2𝜕𝑦2)𝑓(𝑡, 𝑥, 𝑦) = 1𝜔𝑢(𝑡, 𝑥, 𝑦), 𝑡 ∈ ]0, 𝑇[, (𝑥, 𝑦) ∈ Ω

𝑓(𝑡, 𝑥, 𝑦) = 0, 𝑡 ∈ ]0, 𝑇[, (𝑥, 𝑦) ∈ 𝜕Ω. (4.1) On étudiera le cas où Ω = Ω𝑥 × Ω𝑦 avec Ω𝑥 = ℝ ou ]−1, 1[ et Ω𝑦 = 𝕋 ou ]0, 𝜋[. Commençons par définir ce qu’on entend par solution de l’équation de Grushin et montrons qu’elle est bien posée.

4.1.1 Caractère bien posé

Il faut d’abord donner le domaine de l’opérateur −𝜕𝑥2− 𝑥2𝜕𝑦2. Si 𝑓, 𝑔 ∈ 𝐿2(Ω) ∩ {𝜕𝑥𝑓 ∈ 𝐿2, 𝑥𝜕

𝑦𝑓 ∈ 𝐿2}, on définit

𝑎(𝑓, 𝑔) ≔ ⟨𝜕𝑥𝑓, 𝜕𝑥𝑔⟩𝐿2+ ⟨𝑥𝜕𝑦𝑓, 𝑥𝜕𝑦𝑔⟩𝐿2.

On considère alors 𝑉 le complété séparé de 𝐶∞

𝑐 (Ω) pour la norme | ⋅ |𝑉définie par

|𝑓|2𝑉 ≔ |𝑓|2𝐿2+𝑎(𝑓, 𝑓). Toute suite de Cauchy pour la norme |⋅|𝑉est de Cauchy dans 𝐿2,

donc 𝑉 est un sous-espace de 𝐿2, avec injection continue. La forme bilinéaire 𝑎 s’étend

par continuité à une forme bilinéaire continue sur 𝑉, qu’on notera toujours 𝑎. L’espace 𝑉 est un espace de Hilbert muni du produit scalaire ⟨𝑓, 𝑔⟩𝑉 ≔ ⟨𝑓, 𝑔⟩𝐿2+ 𝑎(𝑓, 𝑔). Enfin,

𝑉 contient 𝐶∞

𝑐 (Ω), donc 𝑉 est dense dans 𝐿2(Ω).

Alors on considère l’opérateur 𝐴 de domaine

𝐷(𝐴) ≔ {𝑓 ∈ 𝑉, ∃𝐶 > 0, ∀𝑔 ∈ 𝑉, |𝑎(𝑓, 𝑔)| ≤ 𝐶|𝑔|𝐿2},

et tel que pour 𝑓 ∈ 𝐷(𝐴), 𝐴𝑓 soit l’unique 𝑢 ∈ 𝐿2tel que pour tout 𝑔 ∈ 𝑉, ⟨𝑢, 𝑔⟩𝐿2 =

−𝑎(𝑓, 𝑔).

Proposition 4.1. L’opérateur 𝐴 défini ci-dessus est symétrique maximal dissipatif.

Démonstration. Si 𝑓 ∈ 𝐷(𝐴), on a ⟨𝐴𝑓, 𝑓⟩𝐿2 = −𝑎(𝑓, 𝑓) = −|𝜕𝑥𝑓|2− |𝑥𝜕𝑦𝑔|2𝐿2 ≤ 0.

Donc 𝐴 est dissipatif. Si 𝑓, 𝑔 ∈ 𝐷(𝐴), on a

⟨𝐴𝑓, 𝑔⟩𝐿2= −𝑎(𝑓, 𝑔) = −𝑎(𝑔, 𝑓) = ⟨𝐴𝑔, 𝑓⟩𝐿2 = ⟨𝑓, 𝐴𝑔⟩𝐿2.

Donc 𝐴 est symétrique. Montrons qu’il est maximal dissipatif, c.-à-d. que Im(𝐼 − 𝐴) = 𝐿2.

Soit 𝑔 ∈ 𝐿2. La forme linéaire ℎ ∈ 𝑉 ↦ ⟨𝑔, ℎ⟩𝐿2 est continue sur 𝑉. Donc,

d’après le théorème de représentation de Riesz, il existe 𝑓 ∈ 𝑉 tel que pour tout ℎ ∈ 𝑉, ⟨𝑓, ℎ⟩𝑉 = ⟨𝑔, ℎ⟩𝐿2. Alors, par définition du produit scalaire sur 𝑉, on a pour

tout ℎ ∈ 𝑉, ⟨𝑓, ℎ⟩𝐿2 + 𝑎(𝑓, ℎ) = ⟨𝑔, ℎ⟩𝐿2. On en déduit que ℎ ∈ 𝑉 ↦ 𝑎(𝑓, ℎ) est

continue pour la norme 𝐿2, c.-à-d. que 𝑓 ∈ 𝐷(𝐴). Alors, on a pour tout ℎ ∈ 𝑉,

⟨(𝐼 − 𝐴)𝑓, ℎ⟩𝐿2 = ⟨𝑔, ℎ⟩𝐿2. Donc 𝑓 ∈ 𝐷(𝐴) est solution de (𝐼 − 𝐴)𝑓 = 𝑔. On a bien

montré que Im(𝐼 − 𝐴) = 𝐿2.

D’après le Théorème de Hille-Yosida (Th.A.4etA.7), on en déduit que 𝐴 génère un semi-groupe de contraction.

Proposition 4.2. L’opérateur 𝐴 est autoadjoint et génère un semigroupe fortement

continu de contractions.

Alors, on définit les solutions de l’équation de Grushin grâce à la définitionA.5

générale pour les semi-groupes. On montre que ces solutions faibles sont dans 𝐿2([0, 𝑇]; 𝑉).

Proposition 4.3. Soit 𝑓0 ∈ 𝐿2(Ω) et 𝑢 ∈ 𝐿2([0, 𝑇]; Ω), alors la solution faible 𝑓 de 𝜕𝑡− 𝐴𝑓 = 𝑢 est dans 𝐿2([0, 𝑇]; 𝑉).

Démonstration. Étape 1 : 𝑢 = 0. Dans le cas où 𝑢 = 0, on a 𝑓(𝑡, 𝑥, 𝑦) = e𝑡𝐴𝑓0(𝑥, 𝑦). Comme 𝐴 est auto-adjoint, on a d’après le ThéorèmeA.7

𝑓 ∈ 𝐶([0, 𝑇], 𝐿2(Ω)) ∩ 𝐶1(]0, 𝑇], 𝐿2(Ω)) ∩ 𝐶0(]0, 𝑇], 𝐷(𝐴)).

On prend le produit scalaire de l’équation 𝜕𝑡𝑓 = 𝐴𝑓 avec 𝑓, et on trouve pour tout 𝑡 > 0 1 2 d d𝑡|𝑓(𝑡)| 2 𝐿2= ⟨𝐴𝑓(𝑡), 𝑓(𝑡)⟩𝐿2,

où on note par simplicité 𝑓(𝑡) ≔ 𝑓(𝑡, ⋅, ⋅). Soit 𝜖 > 0. En intégrant sur [𝜖, 𝑇], on en déduit 1 2|𝑓(𝑇)| 2 𝐿2− 1 2|𝑓(𝜖)| 2 𝐿2 = ∫ 𝑇 𝜖 ⟨𝐴𝑓(𝑡), 𝑓(𝑡)⟩𝐿2d𝑡.

Or, ⟨𝐴𝑓(𝑡), 𝑓(𝑡)⟩𝐿2 = −𝑎(𝑓(𝑡), 𝑓(𝑡)) = −|𝑓(𝑡)|2𝑉+ |𝑓(𝑡)|2𝐿2, donc, en faisant tendre 𝜖

vers 0 (rappelons que 𝑓 ∈ 𝐶0([0, 𝑇], 𝐿2(Ω))), on a

1 2|𝑓(𝑇)| 2 𝐿2+ ∫ 𝑇 0 |𝑓(𝑡)|2 𝑉d𝑡 = 1 2|𝑓0| 2 𝐿2+ ∫ 𝑇 0 |𝑓(𝑡)|2 𝐿2d𝑡.

On a donc bien 𝑓 ∈ 𝐿2([0, 𝑇]; 𝑉). De plus, comme e𝑡𝐴est un semi-groupe de contrac-

tions, cette inégalité nous donne

∫ 𝑇 0 |e𝑡𝐴𝑓0|2𝑉d𝑡 ≤ (𝑇 + 1 2)|𝑓0| 2 𝐿2. (4.2)

Étape 2 : cas général. On passe maintenant au cas où 𝑢 ≠ 0. D’après la formule de

Duhamel (voir Prop.A.6), on a

𝑓(𝑡) = e𝑡𝐴𝑓 0+ ∫

𝑡 0

e(𝑡−𝑠)𝐴𝑢(𝑠) d𝑠,

où on a encore noté 𝑢(𝑠) ≔ 𝑢(𝑠, ⋅, ⋅). D’après le cas 𝑢 = 0 (Eq. (4.2)), on a e𝑡𝐴𝑓0 ∈

𝐿2([0, 𝑇]; 𝑉). On se concentre donc sur le second terme

𝐼(𝑡) ≔ ∫

𝑡 0

e(𝑡−𝑠)𝐴𝑢(𝑠) d𝑠.

Notons que, toujours d’après le cas 𝑢 = 0 (Eq. (4.2)), dès que 𝑢(𝑠) ∈ 𝐿2(Ω) et 𝑡 > 𝑠,

on a e(𝑡−𝑠)𝐴𝑢(𝑠, ⋅) ∈ 𝑉. Alors, on a en notant |𝑔| 𝑉 = +∞ si 𝑔 ∉ 𝑉, |𝐼|2𝐿2([0,𝑇];𝑉 ) = ∫ 𝑇 0 |𝐼(𝑡)|2𝑉d𝑡 = ∫ 𝑇 0 | | |∫ 𝑡 0 e(𝑡−𝑠)𝐴𝑢(𝑠) d𝑠|| | 2 𝑉 d𝑡 ≤ ∫ 𝑇 0 (∫ 𝑡 0 |e(𝑡−𝑠)𝐴𝑢(𝑠)| 𝑉d𝑠) 2 d𝑡 (inégalité triangulaire) ≤ ∫ 𝑇 0 𝑡 ∫ 𝑡 0 |e(𝑡−𝑠)𝐴𝑢(𝑠)|2 𝑉d𝑠 d𝑡 (inégalité de Cauchy-Schwarz) ≤ 𝑇 ∫ [0,𝑇]2 1𝑠<𝑡|e(𝑡−𝑠)𝐴𝑢(𝑠)|2𝑉d𝑡 d𝑠 (théorème de Fubini et 𝑡 ≤ 𝑇) = 𝑇 ∫ 𝑇 0 |e𝑡𝐴𝑢(𝑠)|2 𝐿2([0,𝑇−𝑠];𝑉 )d𝑠 (théorème de Fubini) ≤ 𝑇 ∫ 𝑇 0 (𝑇 − 𝑠 + 1 2)|𝑢(𝑠)| 2 𝐿2(Ω)d𝑠 (Eq. (4.2)) ≤ 𝑇(𝑇 + 1 2)|𝑢| 2 𝐿2([0,𝑇]×Ω).

Donc on a bien 𝐼 ∈ 𝐿2([0, 𝑇]; 𝑉), et donc également 𝑓 ∈ 𝐿2([0, 𝑇]; 𝑉), avec

|𝑓|𝐿2([0,𝑇];𝑉 ) ≤ √𝑇 +1

2|𝑓0|𝐿2+ √𝑇(𝑇 + 1

2)|𝑢|𝐿2([0,𝑇]×Ω).

Terminons cette introduction en donnant l’inégalité d’observabilité associée au problème de contrôlabilité de l’équation de Grushin. Comme l’opérateur de Grushin est auto-adjoint, l’inégalité d’observabilité est d’après la PropositionA.8la suivante :

Proposition 4.4. On a l’équivalence entre les deux affirmations suivantes :

1. pour tout 𝑓0 ∈ 𝐿2(Ω), il existe 𝑢 ∈ 𝐿2([0, 𝑇] × 𝜔) tel que la solution 𝑓 de l’équation

de Grushin (4.1) et avec condition initiale 𝑓(0, ⋅, ⋅) = 𝑓0 vérifie 𝑓(𝑇) = 0 ; 2. il existe 𝑀 > 0 tel que pour tout 𝑔0 ∈ 𝐿2(Ω), la solution 𝑔 de

{ (𝜕𝑡− 𝜕𝑥2− 𝑥2𝜕𝑦2)𝑔(𝑡, 𝑥, 𝑦) = 0, 𝑡 ∈ ]0, 𝑇[, (𝑥, 𝑦) ∈ Ω

𝑔(𝑡, 𝑥, 𝑦) = 0, 𝑡 ∈ ]0, 𝑇[, (𝑥, 𝑦) ∈ 𝜕Ω (4.3)

avec condition initiale 𝑔(0, ⋅, ⋅) = 𝑔0vérifie

|𝑔(𝑇, ⋅, ⋅)|2𝐿2(Ω) ≤ 𝑀 ∫

[0,𝑇]×𝜔

|𝑔(𝑡, 𝑥, 𝑦)|2d𝑡 d𝑥 d𝑦. (4.4)