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Offrir une alternative crédible au moteur thermique

6. LE VE AU QUÉBEC – CONSTATS ET PERSPECTIVES

6.3. L’avenir du VE au Québec : perspectives, réflexions et recommandations

6.3.2. Offrir une alternative crédible au moteur thermique

Il convient de replacer le Québec dans son contexte géographique. Le département de l’énergie américain prévoit qu’en 2040, seulement 1 % des véhicules légers seront des VE, les véhicules à essence occupant encore 78 % des ventes automobiles (EIA, 2014). Les améliorations techniques annoncées par l’industrie automobile en termes de réduction de la consommation des moteurs thermiques conjuguées à la révolution énergétique américaine, devraient retarder l’implantation des VE aux États-Unis. Or que penser de la position du Québec, avec 8 millions d’habitants quand près

On peut cependant émettre quelques doutes quant à ces prédictions de réduction de la consommation des moteurs thermiques, dont certains annoncent jusqu’à 50-60 % dans les 5 à 10 ans à venir. La Ford T, produite dans les années 1910 consommait environ 12 à 14 litres d’essence aux 100 km. La moyenne de consommation du parc actuel au Canada est d’environ 10 L/100km. L’efficacité des véhicules a finalement très peu progressé en 100 ans malgré les investissements colossaux de l’industrie automobile, l’arrivée des plastiques et de l’aluminium pour alléger les véhicules, et plusieurs chocs pétroliers. Les améliorations techniques étant compensées par des moteurs de plus en plus puissants et l’ajout de « gadgets » de confort.

Le VE entre aussi en compétition avec d’autres types de propulsion que le moteur thermique : hybride, hybride rechargeable, hydrogène.

Pour le particulier, dont les choix ne sont pas seulement pragmatiques mais influencés par des considérations intangibles (image, envies), le VE fait encore peur pour toutes les raisons que l’on a énumérées précédemment. Il est très probable que les véhicules hybrides branchables ou VE à prolongateur d’autonomie vont représenter des concurrents très sérieux. L’autonomie « tout- électrique » avec la batterie de ces voitures (environ 60km sur la Volt) permet de couvrir les besoins quotidiens et les plus longues distances sont envisageables avec la génératrice thermique. C’est un compromis intéressant en attendant que l’autonomie des batteries augmente, qu’une offre plus économique se mette en place et/ou qu’un réseau stratégiquement placé de bornes rapides soit mis en place. Les véhicules à hydrogène ou à pile à combustible, s’ils présentent des points intéressants (principalement la possibilité de stocker de l’énergie sur de longues périodes de temps et de pouvoir recharger la voiture rapidement) impliquent aussi de développer des réseaux de production et de distribution dédiés, les moteurs sont encore très chers à développer et l’hydrogène est un gaz inflammable et explosif qu’il faut donc manipuler avec précaution. Ils resteront probablement cantonnés à certains types de véhicules ou demeureront à l’état de prototype.

Pour les véhicules de flotte (municipalités, entreprises, taxis…) les décisions sont basées davantage, ou du moins devraient l’être, sur les besoins réels et le coût total de possession. Le VE présente certains avantages face aux VHR : entretien moins élevé (pas de moteur thermique embarqué) et une autonomie plus importante par rapport au mode tout électrique des VHR. Si cette autonomie peut répondre au besoin de l’entreprise, alors le VE est un choix plus économique sur le long terme (plus ils roulent, plus ils sont avantageux). VE ou VHR, il est d’ailleurs étonnant que l’on ne voit pas plus de ces véhicules dans les flottes municipales. Ce qui prouve que, quelle que soit la solution envisagée, il faudra affronter certaines résistances : acheteurs et employés peu informés, résistance de certains milieux ou professions habitués aux véhicules à grosses cylindrées, etc.

Globalement les VE, et notre environnement, gagneront à ce que la tendance générale du marché à se déplacer vers des véhicules à fortes puissances type VUS, s’inverse (voir tableau 1.3). L’homme n’a jamais autant vécu en ville et les règles de conduite sont de plus en plus strictes : le développement de ces véhicules est d’autant plus étonnant. Cette tendance actuelle est d’ailleurs de nature à totalement annuler les bénéfices en termes d’émissions GES de l’instauration de la bourse du carbone au Québec (Di Capua, 2014). Les VE sont et resteront essentiellement pour encore plusieurs années de petits véhicules dont le poids a une influence directe sur l’autonomie.

Les fabricants ont également une lourde responsabilité dans le développement des VE, et leur volonté de mettre en avant leur gamme électrique sera déterminante. Le consortium Renault- Nissan, Mitsubishi, Tesla, BYD (en Chine) figurent parmi les constructeurs les plus engagés. Les autres restent hésitants ou développent des compliance car (voir section 4.4) pour certains marchés cibles (on peut s’étonner par exemple que Ford, au Québec, offre des solutions de financement avec un taux de pourcentage annuel (TPA) de 2,49 % pour son modèle Focus électrique, et à 0 % TPA pour le reste de la gamme Focus essence) (Ford, 2014). Insister auprès d’un acheteur potentiel sur le coût total de possession peut handicaper les ventes de voitures à essence, une fois rendue claire l’information sur le coût réel d’une voiture! Le Québec gagnerait à motiver les constructeurs en instaurant une loi « zéro émission » à l’instar de ce qui se fait en Californie, pour faire de la province un marché prioritaire pour le VE.

On peut également s’interroger sur la pertinence du modèle économique actuel pour les VE. Très dispendieux à l’achat, on comprend que c’est certainement un heureux calcul pour les fabricants. Mais l’est-ce vraiment pour le consommateur? Le fardeau économique lui est transféré, ainsi que les éventuels risques liés à la batterie et à l’incertitude de revente du véhicule. Il existe d’autres approches que le gouvernement serait bien inspiré d’encourager. L’exemple des modèles Renault ou Bolloré, qui proposent d’acheter la voiture à un coût similaire à une voiture à essence et de louer la batterie, gagnerait à être généralisé (l’essentiel des ventes record de VE en France s’est fait sur ces produits). En outre, un modèle comme la Blue Car (Bolloré) offre depuis 2011 une autonomie de 250 km pour 12 000 € alors que la future Tesla « économique » devrait offrir la même autonomie, en 2017 pour 40 000 $ (ibid). Le gouvernement, du fait de la présence de Bathium au Québec et ses liens avec Hydro-Québec, pourrait encourager l’entreprise à faire de la province la tête de pont du déploiement des Blue Car pour les particuliers en Amérique.