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PARTIE 3 – LES JARDINIERS DANS LA VILLE

3.7. OFFRE ET DEMANDE

Enfin, les données du géoréférencement des jardiniers, croisées à celles de l’INSEE ont permis de réaliser une étude sur la part des ménages ayant un jardin familial à différentes échelles. Cela permet ainsi de quantifier les jardiniers dans l’agglomération.

Le graphique précédent (figure n°77) permet de remarquer une corrélation entre le nombre de ménages et le nombre de jardiniers par carreau, ainsi, plus le carreau compte de ménages plus celui- ci compte de jardiniers. Ce qui veut dire qu’une partie importante des jardiniers résideraient au sein de quartier d’habitat dense. Les quartiers les plus denses sont les quartiers populaires (Chemin Vert, Folie Couvrechef, Hérouville St Clair, Grâce de Dieu et Guérinière) et le centre-ville. Les jardiniers sont particulièrement nombreux au sein de ces quartiers (en dehors du centre-ville) mais également dans les centres-ville de Fleury et Ifs et dans la cité ouvrière du plateau de Mondeville.

De manière à approfondir cette étude, la part des ménages ayant un jardin familial a été calculée pour chaque carreau. A l’échelle de l’agglomération, sur l’ensemble des carreaux accueillant des jardiniers, c’est 2,5% des ménages qui ont accès à un jardin familial. La carte ci-dessous (figure n°78) présente la répartition spatiale de cette part, les carreaux représentés en jaune présentent une faible part de ses ménages qui ont un jardin familial tandis que les carreaux les plus foncés présentent une part plus importante de jardiniers parmi ces ménages (au maximum 20% d’entre eux). Les ménages situés en rive droite de l’agglomération (c’est-à-dire dans la moitié sud-est de celle-ci allant globalement de la commune de Fleury jusqu’à celle de Colombelles) sont les plus nombreux à avoir accès à un jardin familial, on observe les taux les plus élévés sur la commune de Mondeville (particulièrement sur le plateau, cité ouvrière de la SMN), au sein du quartier prioritaire de la Guérinière et sur la commune de Fleury. En rive gauche, la part des ménages ayant un jardin familial est importante surtout au sein des quartiers populaires (Chemin Vert, Calvaire St Pierre et Hérouville-St-Clair). Cette répartition est particulièrement interessante puisqu’elle correspond à la composition sociale de l’agglomération (les ouvriers historiquement à l’est). Elle correspond également à la répartition des jardins potagers privés étudiée en 2016 (Lemarquand, 2016), on aurait donc des communes dont les ménages seraient particulièrement « attirés » par le jardinage, qu’il soit dans l’espace privé ou public.

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Figure 78 : Cartographie de la répartition de la part des ménages ayant un jardin familial dans l'agglomération (Jégat, 2019)

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Figure 79 : Offre et demande à l'échelle des communes (Jégat, 2019)

Pour approfondir l’étude de l’offre et de la demande, une étude à l’échelle des commune a été menée, cette dernière croise le nombre de jardiniers qui résident dans chaque commune avec le nombre de parcelles de jardins familiaux qui existe sur ces mêmes territoires (figure n°79). Plusieurs logiques différentes sont alors observées : d’un côté les communes dont le nombre de jardiniers est plus important que le nombre de parcelles ce qui correspond à une offre inssufisante ou à l’inverse une demande très importante (ex : les habitants des communes de Mondeville et Colombelles). Les communes de Caen et Hérouville-Saint-Clair présentent des jardins familiaux dont au moins la moitié des jardiniers résident au sein de la commune. Enfin, les communes de Fleury-sur-Orne et Cormelles- Le-Royal présentent des logiques d’attractivité puisque moins de la moitié de leurs jardiniers résident sur leur territoire, cela s’explique principalement par la gestion de ces sites (l’association de Fleury ne privilégie pas les locaux et les jardins de Cormelles sont historiquement destinés aux habitants de la Guérinière, située à Caen).

Pour conclure, les personnes ayant un jardin familial dans l’agglomération caennaise ont tendance à résider dans des zones d’habitat dense. A l’échelle de l’agglomération l’offre de jardins familiaux représentent 9 parcelles pour 1000 ménages.

105 3.8. JARDINS PARTAGES

Réaliser une étude de la même ampleur sur les jardins partagés n’est pas réalisable puisque les adresses de ce type de jardiniers n’ont pas pu être récupérées, d’autant plus que l’étude des jardins partagés se concentre sur seulement trois sites. Cependant, des informations ont tout de même été recueillies grâce aux entretiens avec les représentants et aux quelques questionnaires réalisés. La répartition spatiale de ces jardiniers est très hétérogène. Pour le jardin des Millepertuis, l’aire de recrutement est très locale (quelques mètres) puisque les résidences de l’ensemble des jardiniers ne sont séparées du jardin que par la route comme l’illustre la porte-parole du jardin « le problème ici c’est l’eau, l’été on tire le tuyau d’arrosage du jardin pour arroser », les jardiniers ont donc des relations de voisinage avant d’avoir des relations de jardinage. Le jardin du Chemin Vert présente quant à lui une situation plus originale puisque situé au carrefour entre un quartier pavillonnaire et le quartier d’habitat social du Chemin Vert, les jardiniers viennent en majorité de ce dernier, l’aire de recrutement est donc de quelques centaines de mètres au maximum. Enfin, le jardin écocitoyen présente un recrutement à l’échelle communale puisque les jardiniers qui en dépendent résident tous à Hérouville- St-Clair, ces derniers résident donc à un kilomètre au maximum. Les aires de recrutement sont totalement différentes de celles des jardins familiaux (beaucoup plus locales), cela s’explique par des logiques totalement différentes, le fonctionnement des jardins partagés nécessite de bonnes relations puisque les opérations se font en groupe. Les types d’habitats des jardiniers peuvent également être étudiés, on y remarque alors une large sur-représentation des jardiniers vivant en logement collectif (8/9 enquêtées), le seul jardin présent des jardiniers en habitat individuel est celui de Millepertuis. Concernant le genre des jardiniers des jardins partagés, la répartition est à l’opposé de celle des jardins familiaux. Sur l’ensemble des enquêtés (seulement neuf personnes), 100% sont des femmes. Au niveau des sites, le jardin de Millepertuis la répartition est égale (deux couples hommes/femmes), le jardin du Chemin Vert semble présenté une forte présence des femmes avec tout de même une présence masculine tandis que le jardin écocitoyen est également particulièrement doté de femmes (lors de l’enquête, la dizaine de jardiniers présents étaient des femmes) avec quelques hommes ayant un jardin. Les jardins partagés seraient donc plus destinés à une population féminine. Quant à l’âge des jardiniers, celui-ci semble moins avancé que pour les jardins familiaux (celui-ci ne se base que sur les neuf enquêtées et des observations), en effet, les jardiniers de Millepertuis se situent dans la quarantaine, ceux du Chemin Vert en fin de cinquantaine tandis que ceux du jardin écocitoyen sont plus binaires avec des jeunes (milieu de vingtaine) et des pré-retraités/retraités. Ces données sont fortement à nuancer puisqu’elles ne reposent que sur un faible échantillon des jardiniers. Concernant les arrivées aux jardins, celles-ci sont très récentes puisque situé entre 1 et 7 ans, ces données correspondent une nouvelle fois au fonctionnement des jardins partagés (rares sont les jardins partagés qui perdurent dans le temps). Enfin, concernant les situations sociales des enquêtés, celles- ci sont également différentes de celles des jardins familiaux. L’enquêté du jardin de Millepertuis est en activité (employé), les enquêtés du jardin du Chemin Vert sont également en activité et appartiennent à des professions et catégories socio-professionnelles supérieures (cadres/professions intellectuelles supérieurs et artisans/commerçants). Enfin, les enquêtés du jardin écocitoyen (67% de l’échantillon) sont quant à eux des employés à la retraite ou bien des inactifs. La composition sociale des jardins partagés est donc très hétérogène.

Les jardins partagés répondent donc à des logiques radicalement différentes de celles des jardins familiaux. Les recrutements sont plus locaux, l’habitat collectif, les jardiniers plus jeunes et plus récemment arrivés au jardin tandis que la composition sociale est assez hétérogène entre les sites et homogène au sein de ces derniers. Il faut rappeler que le fonctionnement de ces jardins est radicalement différent de celui des jardins familiaux, au moins par son organisation en collectivité.

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Les jardiniers des jardins familiaux de l’agglomération de Caen présentent des particularités quant à leur répartition spatiale et sociale. D’un point de vue spatial, ces derniers résident en moyenne à 1535 mètres de leurs jardin à vol d’oiseau (la variance inter classe est importante), les aires de recrutement des sites de jardins recouvrent entièrement les zones habitées de l’agglomération et correspondent aux critères de sélection des associations ou représentants. Quant aux habitats des jardiniers, c’est 69% d’entre eux qui résident en habitat collectif (26% en quartiers prioritaires) et seulement 31% en habitat individuel ce qui témoigne de ressources financières réduites renforcées par les situations professionnelles des jardiniers qui sont en majorité retraités (65%), les actifs (19%) sont en majorité ouvriers ou employés. L’étude des revenus témoigne également de cette précarité puisque les zones où les résidences des jardiniers sont les plus denses présentent des revenus mensuels moyens autour de 1208€ c’est-à-dire moins d’un SMIC par ménage. Quant aux jardiniers se sont principalement des hommes (75% de la population étudiée) dont l’âge correspond globalement à la retraite (36% de sexagénaires et répartition symétrique de part et d’autre de 65 ans). L’arrivée au jardin est corrélée à un événement marquant (passage en retraite, maladie, séparation, déménagement...). Les habitants de la rive droite de l’agglomération (de Fleury à Colombelles) sont plus nombreux à avoir accès à un jardin familial ce qui est particulièrement intéressant (rive historiquement ouvrière et présentant également une présence importante des jardins potagers privés). Les jardins partagés présentent quant à eux des logiques totalement inverses.

Enfin, le tableau ci-dessous présente les données produites grâce à ces travaux à l’échelle communale, celles-ci témoigne de l’hétérogénéité de la distance au jardin (de 600 mètres à 2 kilomètres), de la répartition de l’habitat collectif qui est sept fois plus important pour les jardiniers des sites d’Hérouville que pour ceux d’Ifs, de la part d’hommes finalement assez homogène. La part de retraités passe du simple au double entre Hérouville et Colombelles. Le revenu médian des jardiniers est supérieur au SMIC seulement pour trois communes (le revenu médian des jardiniers de l’agglomération serait alors de 1420€ par mois). Les sites des différentes communes accueillent des jardiniers très différents et dont l’origine sociale est également différente, à titre d’exemple, les jardins familiaux d’Hérouville-St- Clair sont destinés à des personnes précaires (quasiment la moitié résident en quartier prioritaire) mais active (la part de retraités est très faible), à l’inverse, le site d’Ifs se destine à des jardiniers aux revenus plus importants. Distance moyenne au jardin Part d’habitat collectif Part de jardiniers en QPPV Part d’hommes Part de retraités (enquête) Revenu médian du carreau d’appartenance Caen 1 466 m 76 % 25 % 71 % 69 % 1 523€/mois Hérouville 1 533 m 95 % 47 % 70 % 39 % 1 236€/mois Mondeville 803 m 36 % 0 % 76 % 72 % 1 616€/mois Colombelles 624 m 39 % 22 % 83 % 80 % 1 327€/mois Cormelles 2 005 m 73 % 44 % 77 % 59 % 1 226€/mois Ifs 839 m 14 % 0 % 86 % 63 % 1 522€/mois Fleury 2 109 m 36 % 8% 76 % 50 % 1 490€/mois

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