• Aucun résultat trouvé

EN OCCIDENT MUSULMAN : ÉGLISES ET SYNAGOGUES EN DROIT MUSULMAN

(POINT DE VUE MĀLIKITE)

Farid Bouchiba

Relmin / MSH Ange-Guépin (Nantes)

Pouvez-vous nous expliquer, que Dieu vous accorde le succès, les témoignages qui attestent que la synagogue (šunūġa) est de construction récente. Nous avons

vu que ces témoignages exigent sa destruction (hadm) après interpellation finale

(i‘ḏār) [des propriétaires]1. Les lois musulmanes ne permettent pas aux tribu-

taires (ahl al-ḏimma) juifs ou chrétiens l’édification (iḥdāṯ) de nouvelles églises

(kanā’is) et synagogues (šanūġa) dans les villes musulmanes, ni au milieu des

musulmans.

Attestent de cela : ‘Ubayd Allāh b. Yaḥyā, Muḥammad b. Lubāba, Ibn Ġālib, Ibn Walīd, Sa‘d b. Mu‘āḏ, Yaḥyā b. ‘Abd al-‘Azīz, Ayyūb b. Sulaymān et Sa‘īd b. Ḫumayr.

(Ibn Sahl, Waṯā’iq fī aḥkām qaḍā’ ahl al-ḏimma fī l-Andalus mustaḫraǧa min maḫṭūṭ Al-aḥkām al-kubrā, M. ‘Abd al-Rahman Khallāf (éd.), Le Caire, 1980, p. 77)

Il y a déjà plus d’un demi-siècle, Evariste Lévi-Provençal, dans son Histoire de l’Espagne musulmane, alors qu’il développait quelques pages sur les églises en

al-Andalus, s’appuyait sur un texte relevant de la littérature jurisprudentielle, et plus précisément cet extrait manuscrit, cité ci-dessus, des Aḥkām al-kubrā d’Ibn

Sahl2. Il en concluait, à partir de ce texte, qu’il fut accordé aux chrétiens la pos-

sibilité de maintenir leurs églises à l’intérieur de Cordoue, sans pour autant leur permettre d’en construire de nouvelles, excepté dans les zones suburbaines qu’ils

1 et article est une version remaniée et augmentée d’une communication présentée au colloque final du projet ERC Relmin « Minorités et cohabitations religieuses du Moyen Âge à nos jours », Nantes, 20-22 octobre 2014. L’auteur tient à remercier Delfina Serrano, John Tolan, ainsi que les lecteurs ano- nymes désignés par l’éditeur pour leur relecture et leurs suggestions.

Il est de principe, en droit musulman, qu’avant de condamner la partie, le juge doit lui adresser une der- nière interpellation, afin de la mettre en demeure de produire ses derniers arguments, si elle en a. 2 Lévi-Provençal, Evariste, Histoire de l’Espagne musulmane. Tome 3. Le siècle du Califat de Cordoue, 1999

(1ère édition 1950), 224.

Religious Minorities in Christian, Jewish and Muslim Law (5th–15th centuries), ed. by Nora Berend,

Youna Hameau-Masset, Capucine Nemo-Pekelman & John Tolan (RELMIN, 8) pp. 149–172

habitaient, éloignés des musulmans. Dans son étude minutieuse qui porte sur cette fatwā, Jean-Pierre Molénat réfute les assertions de Lévi-Provençal au sujet

des églises intra-muros, démontrant que toutes les églises de la vieille ville furent détruites, et ajoutant : « la construction de nouvelles églises a bien été permise hors de la vieille ville, mais cela non pas à la suite de la fatwā du début du IVe/Xe

siècle, mais vers la fin du IIe/VIIIe siècle3… ».

L’historien rompu à la lecture des chroniques arabes et latines se trouve dé- routé lorsqu’il s’agit des lieux de culte des ḏimmī-s en terre d’Islam. Si les chro-

niqueurs et autres annalistes font régulièrement mention des églises et des syna- gogues en péninsule Ibérique, par exemple, très rarement nous livrent-ils leurs explications quant à la légitimité de celles-là. Ainsi, le lecteur, quand bien même fut-il un médiéviste, ne peut que trop difficilement s’y retrouver et comprendre les motivations qui poussèrent les souverains musulmans à tolérer ou non les édifices juifs et chrétiens. C’est d’ailleurs en grande partie cette raison qui justifie le choix de notre sujet. À notre connaissance, il n’existe pas d’écrit, sur les églises et les synagogues, présentant un panorama de la pensée juridique mālikite qui nous présenterait les options juridiques retenues par les fuqahā’ (jurisconsultes)

sur ce thème. Pour cela, il nous a paru opportun de proposer un texte qui puisse permettre de mieux appréhender ce sujet, mais aussi de lever certaines zones d’ombre et de démentir certaines assertions. Par exemple, Gérard Troupeau, dans son article consacré aux églises en terre d’Islam, concluait par ces deux phrases : « Après la conquête musulmane, les Chrétiens n’eurent plus le droit d’édifier de nouvelles églises ; ils avaient seulement la possibilité d’entretenir et de restaurer les anciennes, qu’en théorie ils conservaient. Mais en fait, au cours des siècles, de nombreuses églises furent confisquées et converties en mosquées, ou bien dé- truites ». La réalité historique fut-elle aussi manichéenne que la version proposée par notre auteur ? A la lecture de ces quelques lignes tirées de l’article kanīsa de

la monumentale Encyclopédie de l’Islam, l’on est en droit de s’interroger sur les

sources de notre auteur. Si celles-ci, au moins pour l’extrait cité, semblent s’arrê- ter à Antoine Fattal, Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam, comme

G. Troupeau semble le suggérer, alors on comprend mieux ce laconisme et surtout le raccourci qui nous est suggéré, faisant fi des considérations spatio-temporelles d’un dār al-islām qui à certains moments de son histoire s’étendait d’Est en Ouest

du Sind au Maroc actuel, abstraction faite des orientations doctrinales des souve- rains et des dynasties. En effet, quelle ressemblance y a-t-il entre Le Caire fatimide au début du XIIe siècle et une Cordoue mālikite sous domination almoravide à la

3 Molénat, Jean-Pierre, « La fatwa sur la construction des églises à Cordoue au IVe /Xe siècle », in The Legal status of ḏimmī-s in the Islamic West (second/eighth-ninth/fifteenth centuries), Fierro, Maribel et

même époque ? Une chose est sûre, pour al-Andalus les fouilles archéologiques de ces dernières décennies donnent tort à notre auteur.

C’est pour toutes ces raisons, mais aussi afin de combler un angle mort de la recherche, que nous avons arrêté notre investigation à l’étude des sources mālikites, maghrébines et andalouses, s’intéressant aux lieux de culte des ḏim- mī-s en occident musulman. Qu’on ne s’y trompe pas, si parfois la très complexe

casuistique que nous rapportons ici, en tentant de la simplifier et de la classifier, peut sembler relever de la typologie, c’est à l’aide de celle-ci que l’on trouvera les moyens de bien interpréter les textes des chroniqueurs ou encore les recherches archéologiques pour al-Andalus et le Maghreb. En dehors de cette connaissance, l’erreur interprétative guettera le chercheur qui s’exposera au risque d’être pri- vé de clés de lecture indispensables dans un univers historique fort complexe et difficile à saisir. Effectivement, puisque, pour étudier l’histoire des ḏimmī-s en

occident musulman à l’époque médiévale, nous ne disposons pas de sources ar- chivistiques comparables à celles qui sont conservées pour l’histoire européenne, nous sommes donc dans l’obligation d’aller chercher l’information vers d’autres catégories de sources. Bien évidemment, les sources juridiques procèdent, au sujet des ḏimmī-s, de leur point de vue propre, et il serait vain d’éluder les conditions

dans lesquelles celles-ci doivent être utilisées par le médiéviste. Les traités de droit musulman ont pendant longtemps été tenus éloignés des terrains d’investigations des historiens, qu’ils considéraient comme trop théoriques, ce qui empêchait la reconstitution de la réalité sociale jusqu’à un certain point. Toutefois, la rédaction de ce droit n’est rien d’autre que la somme des produits d’une époque et d’un lieu. De surcroît, le pluralisme normatif des différentes écoles juridiques sur un même point de droit révèle les réalités sociales des milieux où celles-ci se sont élaborées et normalisées. Si l’insuffisance des sources d’archives nous obligent à réévaluer les sources juridiques, cela doit être encore plus souligné pour certaines zones géographiques et certaines époques où les autres sources littéraires manquent considérablement. Dans le cas du Maghreb, la production des historiens, avant le bas Moyen Âge, est bien moindre que celle des fuqahā’ mālikites. De plus, on

rejettra la thèse qui tend à voir dans le fiqh, un droit musulman homogène de l’Est

à l’Ouest du monde islamique. Au contraire, nombreuses sont les écoles de droit (maḏāhib) qui virent le jour dans le dār al-islām. D’ailleurs, celles-ci trouvèrent

un ancrage là où les mentalités et les pratiques qui les singularisaient s’accordaient avec les exigences des espaces où elles se fixèrent. C’est pourquoi il n’existe pas de livre de fiqh totalement abstraits et sans un minimum d’assujetissement à la

réalité. Autrement dit, si la ‘Utbiyya d’al-‘Utbī (m. 868) et la Mudawwana de

Saḥnūn (m. 856) transmirent la doctrine de Mālik et de ses disciples, ces ouvrages organisèrent aussi la Loi en al-Andalus et au Maghreb. Bien souvent, les études portant sur le droit musulman assemblent pêle-mêle les références des écoles

juridiques, les périodes et les régions. Le mélange le plus hétéroclite de références s’y cotoient. La citation d’un juriste d’Orient des premiers siècles de l’Islam se jux- tapose à celle d’un andalou plus tardif. Bien évidemment, cette confusion serait respectable si elle était justifiée, mais il n’en est rien. On se gardera de considérer le droit musulman uniforme, comme M. Jourdain s’imaginait que tous les Turcs se ressemblaient. Pour notre exposé, nous avons délimité nos recherches à l’école mālikite. Ce maḏhab qui se développa principalement en Occident musulman

confère aux recherches qui lui sont consacrées, que le chercheur le veuille ou non, la qualité d’études régionales. Pour les autres régions du monde musulman, l’en- trecoupement régulier des maḏāhib amènera l’historien à travailler selon d’autres

modalités. Ajoutons à cela que les fuqahā’ mālikites considèrent la ‘āda (usage)

et le ‘urf (coutume), ainsi que le ‘amal (pratique judiciaire) comme des sources

de la Loi. Ce qui témoigne du caratère réaliste de cette école juridique, et de son adaptation aux diverses sociétés au travers des âges. Bien évidemment, tout ce qui vient d’être dit sera peu ou prou vrai selon le types d’ouvrages étudiés où les

masā’il seront traités de manière plus ou moins concrète. Dans le cas des lieux

de culte, ce qui importe pour nous n’est pas d’opposer les normes juridiques aux pratiques sociales, mais d’identifier plutôt la manière dont les premières peuvent être utilisées comme ressource pour les premières afin de restituer le passé.

Dans son récent article sur la formation de la doctrine mālikite relative aux lieux de culte4 des ḏimmī-s5, Alejandro García Sanjuán, après avoir exposé le débat

historiographique sur cette question, présentait dans la dernière partie de son texte, qui en est le cœur, les deux grandes traditions juridiques mālikites, celle de Kairouan et celle d’Ibn al-Māǧišūn (m. 213/828), ce qui, selon nous, repré- sente une très bonne approche pour notre sujet. Bien avant lui, Antoine Fattal, dans son chapitre consacré au « statut des édifices du culte6 », divisé en trois

sous-chapitres (1. La doctrine des légistes ; 2. Les traités des premiers califes ; 3. Les faits historiques), présentait une matière riche d’un point de vue onomastique et toponymique, ainsi que du point de vue des destructions et des constructions. Mais à aucun moment il ne nous révèle les points de convergence entre tous ces actes compilés à la manière d’une interminable litanie. D’un trait de plume lapi- daire, il exposait la doctrine de Ša‘rānī (m. 973/1565) contenue dans son Mīzān

4 Sur la position des jurisconsultes musulmans, cf. Ibn Qayyim al-Ǧawziyya, Aḥkām ahl al-ḏimma,

al-Bakrī Yūsuf et al-‘Ārūrī Šākir (éd.), 1997 ; Tritton, A. S., The Caliphs and Their Non-Muslim Subjects. A Critical Study of the Covenant of ‘Umar, 1930 et Fattal, Antoine, Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam, 1958.

5 Garcia Sanjuán, Alejandro, « La formación de la doctrina legal mālikí sobre lugares de culto de los ḏim- míes », in The Legal status of ḏimmī-s in the Islamic West (second/eighth-ninth/fifteenth centuries), Fierro,

Maribel et Tolan, John (éd.), 2013, 131-155.

ainsi que quelques règles énoncées par le ḥanafite Abū Yūsuf7 (m. 182/798).

Malheureusement, ces deux textes ne sont que d’une infime utilité pour le lec- teur et ils lui apportent trop peu de lumière pour lui permettre de pénétrer véri- tablement toute une casuistique bien souvent absconse. C’est donc afin de partir d’une division différente de celle d’Alejandro Sanjuán, pleinement recevable au demeurant, et pour combler les lacunes du texte de A. Fattal que nous prenons le parti d’adopter un plan novateur. Ainsi, dans un premier temps, nous rappelle- rons brièvement comment les juristes musulmans divisaient les villes (amṣār). En

effet cette division est fondamentale pour notre sujet puisqu’elle gouvernait des réglementations sur les édifices cultuels sensiblement différentes. Puis, dans un second temps, nous étudierons un certain nombre de fatwā-s et textes normatifs8

relatifs à la permanence, la destruction, la rénovation et la construction ex novo

des lieux de culte des ḏimmī-s. La division des villes selon les fuqahā’

Si les jurisconsultes (fuqahā’) musulmans d’époque médiévale scindaient le

monde en deux espaces9, dār al-islām (terre d’Islam) et dār al-ḥarb (terre non-mu-

sulmane), cette division en appelait une autre, celle des amṣār musulmans (pl.

de miṣr, ville). Pour Ibn Qudāma al-Maqdisī10, qui reprend cette division de

jurisconsultes qui le précédèrent, les fuqahā’ distinguaient pour ces villes trois

catégories : a- celles qui avaient été conquises par les armes (‘anwa)11 ; b- celles

qui l’avaient été par reddition (ṣulḥ)12, à propos desquelles il faut ajouter qu’elles

se répartissent elles-mêmes en deux types : celles qui étaient habitées par les ahl

al-ṣulḥ13 qui versaient la ǧizya mais qui appartenaient aux musulmans et celles

qui appartenaient aux ahl al-ṣulḥ versant le ḫarāǧ aux musulmans ; et c- les villes

7 Ibid., 174-175.

8 Sur l’utilité de ces sources pour l’historien, cf. Bouchiba, Farid, « Cohabitation religieuse et pratiques alimentaires à Cordoue au XI-XIIe siècles d’après le grand qāḍī Ibn Rušd », in La cohabitation religieuse dans les villes Européennes, Xe-XVe siècles. Religious cohabitation in European towns (10t-15th centuries),

Boisselier, Stéphane et Tolan, John (éd.), 2014, 63-88.

9 Pour certains šāfi‘ītes et ḥanafites il existe une troisième catégorie qui est celle du dār al-ṣulḥ ou dār al-‘ahd et qui correspond aux terres non conquises par les musulmans, mais dont la paix lui est « acheté »

par le versement d’un tribu garantissant une trêve entre les deux parties.

10 Ibn Qudāma al-Maqdisī, al-Muġnī, Le Caire, Maktaba al-Qāhira, 1968, 9/354-356. On se reportera

aussi aux Aḥkām ahl al-ḏimma, 1173-1209, ainsi qu’au volume deux du Mi‘yār aux endroits où il est fait

mention des églises et des synagogues.

11 Celles-ci deviennent de facto des terres d’Islam.

12 Khadduri, Majid, « Ṣulḥ », El2, IX 880-881.

« nouvelles14 » dites muḫtaṭṭa15. À présent, voyons dans les grandes lignes quelles

furent les positions des juristes mālikites, ainsi que celles de ceux des autres écoles sunnites au sujet des lieux de culte dans ces divers espaces.

Les villes conquises par les armes (‘anwa)16

Selon la doctrine mālikite, il ne sera pas permis d’élever (iḥdāṯ) de nouveaux lieux

de cultes dans les villes conquises par les armes (‘anwa), car celles-ci sont deve-

nues des biens (milk) appartenant aux musulmans. Cependant, selon al-Laḫmī

(m. 478/1058), qui se distingue des autres fuqahā’ par cet avis singulier, les églises

en présence ne seront pas détruites. C’est là aussi l’un des avis de l’école ḥanbalite et šāfi‘īte. Selon l’autre avis ḥanbalite, et selon « l’avis le plus sûr » (aṣaḥḥ)17

des šāfi‘ītes, les édifices devront être détruits, car la terre appartient aux musul- mans. C’est aussi l’avis de la majorité des savants mālikites (Ibn Šās, al-Qarāfī, Ibn Rāšid, etc.).

Les ḥanafites quant à eux soutiennent qu’ils ne seront pas détruits et resteront possession des ḏimmī-s. Cependant, ils devront les transformer en lieux d’habita-

tion (masākin) et ne plus s’en servir pour le culte. La littérature juridique nous ap-

prend, à propos des églises en présence, que les ḥanafites s’appuient sur ce que firent les Compagnons (ṣaḥāba), autrement dit ne pas détruire les édifices religieux des

pays conquis par la force (‘anwa). D’aucuns arguent que la présence des églises et sy-

nagogues en terre d’Islam conquises par ‘anwa témoignent de cela. De plus, ils s’ap-

puient aussi sur l’ordre du calife omeyyade ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azīz (m. 102/720) à ses gouverneurs (‘ummāl) de ne détruire aucune synagogue, église ou pyrée18.

Les villes conquises par reddition (ṣulḥ)19

Les terres de ṣulḥ se divisent en trois catégories. Premièrement, celles pour les-

quelles les ḏimmī-s consèrvent la propriété du sol mais versent le ḫarāǧ. Il leur

sera permis d’y construire de nouveaux lieux de culte (iḥdāṯ) selon les doctrines 14 Sur ces nouvelles villes voir par exemple pour al-Kūfa l’étude que lui consacre Djaït, Hichem, Al-Kūfa, naissance de la ville islamique, 1986.

15 Exemple Kūfa, Baṣra. Dans sa traduction de la Muqaddima, Vincent Monteil traduit le mot iḫtiṭāṭ par planification [des villes], ou encore par urbanisme. De son côté, Rosenthal traduit ce terme par planning.

Voir Ibn Khaldûn, Discours sur l’histoire universelle. Al-Muqaddima, 1967.

16 cf. al-Muġnī, 9/355 et Aḥkām ahl al-ḏimma, 1198‑1202

17 Dans la terminologie šāfi‘ite on rencontre le plus souvent le terme aṣaḥḥ par opposition au ṣaḥīḥ.

Le premier est utilisé lorsqu’il y a une divergence très prononcée sur une question. Et le second lorsque celle-ci est moindre. Dans un ordre de grandeur, le mašhūr est un avis plus fort que le aẓhar et le ṣaḥīḥ est

supérieur au aṣaḥḥ.

18 al-Ṭabarī, Tārīḫ al-umam wa l-mulūk, s. d., V 364.

mālikites, ḥanafites et ḥanbalites. C’est aussi « l’avis le plus sûr » (aṣaḥḥ) des

šāfi‘ites20. L’avis de tous ces juristes est motivé par le fait que la terre appartient

aux ḏimmī-s. Deuxièmement, celles dont la propriété appartient aux musulmans

et pour lesquelles les ḏimmī-s versent la ǧizya. Il sera licite ou non d’élever des

édifices en fonction de ce qui a été stipulé dans le ṣulḥ. Troisièmement, si c’est un ṣulḥ de type muṭlaq (absolu), les constructions seront interdites pour les ḥana-

fites, šāfi‘ites et ḥanbalites. De leur côté, les mālikites autorisent les constructions en dehors des lieux habités par les musulmans. Quant aux anciens édifices, les mālikites, ḥanafites et ḥanbalites permettent qu’ils soient maintenus. Selon l’avis le plus sûr (aṣaḥḥ) des šāfi‘ites, ils devront être détruits.

Les villes ex novo (muḫtaṭṭa) bâties par les musulmans21

Dans les villes nouvellement bâties telles qu’al-Kūfa, al-Baṣra, Bagdad ou Wāsiṭ, les juristes sont unanimes à considérer qu’il n’est pas possible d’élever de nouvelles

(iḥdāṯ) églises ou synagogues, ni aucun autre lieu de culte où les ḏimmī-s pour-

raient se rassembler. Pour Ibn Šās (m. 610/1210) : « si les tributaires se trouvaient dans une ville bâtie par les musulmans (fī balda banā-hā l-muslimūn), il leur serait

interdit d’y élever (binā’) des lieux de culte22 ». Les ṣawma‘a-s23 seront soumises au

même régime. De même, parce qu’ils sont voisins des musulmans, ils ne battront pas le nāqūs (simandre). Ces interdits sont motivés par le fait que la terre (milk)

appartient aux musulmans. D’ailleurs, pour les jurisconsultes, même si les ḏim- mī-s avaient passé un pacte avec l’Imām (i. e. le souverain) leur permettant d’éle-

ver un édifice, ce pacte serait nul. Il existe d’ailleurs à ce sujet la tradition prophé- tique suivante, que l’on rencontre bien souvent sous la plume des fuqahā’ dès lors

qu’ils abordent ce sujet : « on ne construira pas de kanīsa en terre d’Islam (dār al-islām) et on ne restaurera pas celles qui tombent en ruines24 ». Cependant, on

se gardera de comprendre derrière l’expression ex novo que lesdites villes avaient 20 L’autre avis šāfi‘ite stipule que cela leur sera interdit, car les terres sont sous autorité musulmane. 21 cf. al-Muġnī, 9/354-355 et Aḥkām ahl al-ḏimma, 1173-1198

22 Ibn Šās, ‘Abd Allāh Ibn-Naǧm, ‘Iqd al-Ǧawāhir al-ṯamīna fī maḏhab ‘ālim al-madīna, Abū l-Aǧfān,

Documents relatifs