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Obstacles à la mise en œuvre des obligations internationales relatives aux droits de l’homme

146. Instaurer une culture des droits de l’homme en Sierra Leone sera probablement un long processus. D’une manière générale, nombre des règles acceptées par la communauté internationale s’avèrent difficiles à adapter et à reformuler dans le pays. Toutefois, comme déjà indiqué dans le présent document, les pouvoirs publics et la société civile s’emploient activement à résoudre les épineuses questions ayant trait aux droits de l’homme.

147. Si elle est convenablement mise en œuvre, la loi sur les droits de l’enfant garantira leur pleine réalisation en Sierra Leone, car elle est tout à fait conforme à la Convention y relative. Il reste que la loi ne traite pas de la pratique persistante des mutilations génitales féminines. Le Parlement devra promulguer une loi interdisant ces mutilations et mettre en place des mécanismes pour faire appliquer la loi de manière à ce que l’intégrité physique et la sécurité des enfants soient respectées. En outre, les pouvoirs publics, les organisations de la société civile et les ONG doivent intensifier leurs efforts visant à sensibiliser les Sierra-Léonais aux effets des mutilations et éduquer les praticiens pour qu’ils se trouvent d’autres sources de revenu. La loi n’est également pas suffisamment détaillée quant aux besoins et aux droits spécifiques des enfants handicapés. Les Nations Unies devraient poursuivre leur collaboration avec le Ministère de la protection sociale, la Commission de la réforme législative, le Département des affaires juridiques et des organisations de la société civile qui travaillent sur la question du handicap pour veiller à ce que le projet de loi concernant les droits des personnes handicapées prenne ces besoins en considération.

148. L’équité entre hommes et femmes et l’émancipation des femmes demeurent un défi à relever sur la voie de la pleine réalisation des droits des femmes en Sierra Leone et de la consolidation de la paix. Les pouvoirs publics et leurs partenaires collaborent avec plusieurs organisations féminines au titre d’activités d’information à l’intention des femmes souhaitant se présenter aux élections générales de 2007 et de sensibilisation au droit des femmes de prendre part à la vie politique. La participation des femmes aux élections s’est ainsi accrue en termes de nombre de votants et d’agents électoraux (observateurs, représentants des partis, etc.). La représentation des femmes au Parlement a malgré tout diminué, passant de 18 à 16 sièges, ce qui trahit une attitude discriminatoire profondément enracinée à l’égard de l’aptitude des femmes à occuper des postes de responsabilités politiques.

149. La multiplication des affaires de violences sexuelles et familiales, associée à une insécurité économique généralisée, demeure un autre obstacle à la réalisation des droits des femmes dans le pays. Nombre de femmes sont régulièrement victimes de violences familiales (passages à tabac, coups et blessures, destructions de biens, privations, etc.).

Même si le taux de signalement a augmenté grâce à la sensibilisation accrue des femmes à leurs droits, l’ouverture de poursuites est continuellement entravée par l’insuffisance des moyens des unités de soutien aux familles de la police sierra-léonaise pour réprimer les cas de violence sexiste, les pressions exercées par des membres de la famille sur les victimes pour les inciter à revenir sur leurs accusations, les manœuvres d’obstruction à l’action de la justice auxquelles se livrent des gens influents, dont des chefs traditionnels et des responsables politiques, ainsi que par la lenteur excessive des procédures judicaires.

VII. Processus d’établissement de rapports à l’échelon national

150. Lorsqu’un pays ratifie un instrument international, il est tenu non seulement d’appliquer les dispositions dudit instrument à l’échelon du pays mais également de soumettre des rapports aux organes conventionnels sur les mesures prises, les difficultés et

les contraintes rencontrées dans le cadre de leur mise en œuvre. L’établissement de rapports prouve l’attachement du pays aux droits de l’homme et à la primauté du droit.

151. Dans son rapport final, la Commission vérité et réconciliation a instamment demandé au Gouvernement sierra-léonais de s’efforcer de s’acquitter de ses obligations de présenter des rapports aux organes conventionnels. Le Gouvernement a effectivement rencontré d’énormes difficultés à cet égard. Ses activités ont été contrecarrées par le double effet de la guerre civile dévastatrice et de la pauvreté persistante qui s’en est suivie; ce qui explique l’amoindrissement des capacités à s’acquitter de l’obligation de présenter ces rapports. Quelque 25 rapports périodiques sont toujours attendus au titre d’au moins quatre des six instruments fondamentaux, avec parfois des rapports en souffrance depuis 1973.

Des mesures ont été prises pour satisfaire à l’obligation de présenter des rapports d’une manière globale et durable et ainsi renforcer la promotion des normes relatives aux droits de l’homme.

152. En avril 2008, le Gouvernement, par le biais du conseil des ministres, a adopté des projets présentés par le Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale pour faciliter l’exécution des obligations de présentation de rapports aux organes conventionnels. Une conférence consultative nationale s’est tenue en mai 2008 avec la Commission des droits de l’homme de la Sierra Leone, la MINUSIL (Mission des Nations Unies en Sierra Leone) et le PNUD. La conférence a examiné et adopté la stratégie nationale pour la présentation de rapports aux organes conventionnels, approuvée en conseil des ministres.

153. La stratégie prévoit la mise en place d’un cadre institutionnel qui facilitera durablement le processus d’établissement de rapports.

154. Les principaux aspects de ce cadre sont notamment: la désignation du Ministère des affaires étrangères comme chef de file au niveau gouvernemental, responsable de la coordination de toute la mise en œuvre du processus d’établissement de rapports, et ipso jure, président du comité directeur.

155. Un comité directeur a été établi, constitué de représentants des secrétaires permanents de chaque ministère et organe gouvernemental, de la Commission parlementaire des droits de l’homme et de la société civile. Le comité directeur veille à ce que les rapports destinés aux organes conventionnels soient préparés et soumis en temps utile et que les parties intéressées prennent part au processus. Il prend les décisions fondamentales concernant l’ensemble du processus d’établissement de rapports, y compris la création de groupes de travail et d’équipes de rédaction.

156. Les groupes de travail sont établis par le comité directeur, en fonction des besoins, pour élaborer les rapports suivant un calendrier défini par le comité. Ils sont chargés de rédiger les rapports et d’en établir la version finale avec l’aide de l’équipe de rédaction.

157. Les équipes de rédaction établies par les groupes de travail rédigent les rapports périodiques qui leur sont confiés et en établissent la version finale.

158. Un secrétariat permanent a été mis en place au Ministère des affaires étrangères pour faciliter l’organisation, la coordination et la mise en œuvre de la stratégie et apporter un soutien administratif à ses différents éléments, à savoir le Comité directeur, les groupes de travail et les équipes de rédaction. À cette fin, un mémorandum d’accord a été signé avec le Bureau intégré de consolidation de la paix en Sierra Leone (BINUCSIL). Le mémorandum d’accord constitue le cadre de la fourniture d’un soutien technique et de services de conseil aux autorités, à l’appui de la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’établissement de rapports et du processus de présentation de rapports aux organes conventionnels. Il prévoit également la fourniture d’un appui financier et logistique aux groupes de travail et aux membres de l’équipe de rédaction.

159. Quelque 50 coordonnateurs ont été désignés, à savoir 2 de chaque ministère et organe gouvernemental, pour faciliter la collecte de toutes les informations utiles aux rapports dans leurs institutions respectives. Ils sont chargés de fournir à l’équipe de rédaction tous les renseignements pertinents qui peuvent leur parvenir dans leur domaine de travail. Le Ministère des affaires étrangères et le BINUCSIL ont organisé conjointement une formation technique en mai 2008. À cette occasion, les coordonnateurs ont pu appréhender les questions de fond et le processus d’établissement de rapports et acquérir les compétences pratiques requises pour procéder à la collecte et à l’analyse des informations et à la rédaction des rapports.

160. S’agissant de renforcer la viabilité et l’efficacité, la stratégie insiste sur la nécessité d’une volonté politique et de l’allocation de ressources suffisantes et, à cette fin, demande au conseil des ministres d’autoriser la création d’une ligne budgétaire spécifique dans le budget national pour l’établissement des rapports destinés aux organes conventionnels.

161. La préparation du Document de base commun a fait appel à une large participation.

Il est question que la stratégie nationale pour l’établissement de rapports demande des contributions à différents partenaires à toutes les étapes du processus, notamment la préparation, l’établissement de la version finale et la validation des rapports. Des débats généraux et publics sont également prévus au stade de la validation.

162. Le Gouvernement n’a pas pour pratique de soumettre les rapports nationaux préparés pour les organes conventionnels à l’examen du Parlement. En outre, la Commission parlementaire des droits de l’homme est membre à part entière de la stratégie nationale et en principe la contribution du Parlement est incorporée à tous les stades du processus s’il y a lieu.

163. La Commission des droits de l’homme de la Sierra Leone et les organismes des Nations Unies concernés servent de conseillers dans le cadre de la stratégie nationale. Ils apportent toute l’aide requise au processus et si nécessaire fournissent un service d’orientation. Ils ont vivement encouragé le Gouvernement à s’acquitter de ses obligations en matière de rapports et de ses obligations ultérieures de mettre en œuvre les dispositions relatives aux droits de l’homme des instruments ratifiés; en principe ils aident les autorités à donner une suite effective à toutes les observations finales et recommandations des organes de suivi des traités.

164. Considérant le rôle du comité directeur et la participation des Nations Unies, il est envisagé d’adopter des mesures propres à assurer un suivi efficace et une large diffusion des observations finales ou des recommandations formulées par les organes de suivi des traités. Le fait que le processus fasse appel à la participation des ministères, des représentants de la société civile, des pouvoirs publics et du Parlement facilitera également la diffusion des observations finales et des recommandations, notamment lorsqu’elles concernent leur propre ministère ou organe.

VIII. Mise en œuvre des dispositions de fond relatives aux droits de l’homme communes à tous les instruments ou à plusieurs d’entre eux

165. En théorie, la majorité des lois de la Sierra Leone sont censées promouvoir l’égalité et la non-discrimination à l’égard de tous les membres de la société. Il reste que dans la pratique la discrimination est toujours présente, notamment à l’égard des femmes et d’autres groupes vulnérables.

166. L’égalité pour tous et le droit de ne pas être victime de discrimination sont énoncés aux articles 8.1 et 8.2 de la Constitution. L’article 8.1 dispose que l’ordre social de l’État

doit être fondé sur les idéaux de liberté, d’égalité et de justice, tandis que l’article 8.2 précise que tous les citoyens ont les mêmes droits, les mêmes obligations et les mêmes chances devant la loi, et que l’État doit veiller à ce que tous les citoyens aient les mêmes droits et le même accès à toutes les opportunités et tous les avantages selon le mérite19. Plus loin l’article 8.2.c) indique que le Gouvernement doit garantir et préserver l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité des tribunaux et un accès sans entrave à la justice, et à cette fin, faire en sorte que le fonctionnement du système judiciaire favorise la justice sur la base de l’égalité des chances, et que les possibilités d’obtenir justice ne soient pas refusées à des citoyens en raison d’une incapacité économique ou autre.

167. Les articles 27.1 et 27.2 de la Constitution établissent la base de la protection contre la discrimination. L’article 27.1 dispose qu’aucune loi ne contiendra de dispositions discriminatoires en elles-mêmes ou par leurs effets. L’article 27.2 ajoute que nul ne peut être traité de façon discriminatoire par quiconque agissant en vertu d’une loi ou dans l’exercice des fonctions d’un service public ou d’une autorité publique.

168. Le terme «discriminatoire» est défini à l’article 27.3 de la Constitution et s’entend du fait de traiter des personnes de façon différente, uniquement ou principalement parce qu’elles appartiennent à une catégorie déterminée en raison de leur race, de la tribu à laquelle elles appartiennent, de leur sexe, de leur lieu d’origine, de leurs opinions politiques, de leur couleur ou de leur croyance, en les soumettant à des incapacités ou restrictions dont sont exemptes des personnes d’une autre catégorie similaire ou en leur accordant un quelconque privilège ou avantage dont ne peuvent jouir les personnes d’une autre catégorie similaire.

169. Revenant sur les traitements discriminatoires infligés par le passé, le rapport de la Commission vérité et réconciliation indique que la discrimination sous toutes ses formes, associée à la mauvaise gouvernance, la corruption et la marginalisation de certains groupes de la société, a été parmi les causes profondes du conflit sierra-léonais. En outre, le rapport reconnaît les veuves de guerre, les femmes âgées, les mères adolescentes, les femmes déplacées et les ex-combattantes comme des groupes particulièrement vulnérables.

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