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Observer les pratiques des enseignants

Dans le document Synthèse du rapport de recherche (Page 30-37)

A.3 Méthodologie

A.3.3 Observer les pratiques des enseignants

Nous avons choisi d’observer les pratiques sous trois angles que nous allons présenter successivement :

- l’offre d’enseignement du lire/écrire est étudiée en examinant la nature et de la durée des tâches proposées aux élèves et en relevant les traces de l’activité des maitres et des élèves ; - la planification retenue pour enseigner le code graphophonologique est analysée en lien

avec les supports textuels et les manuels utilisés par les maitres ;

- les conditions qui influent sur la qualité des apprentissages sont aussi décrites en évaluant le caractère explicite de l’enseignement, la différenciation pédagogique, les modes de groupement des élèves ou encore le climat de classe et l’engagement des élèves.

A.3.3.1 Analyser l’offre d’enseignement proposée aux élèves

La principale ressource d’un enseignant – et par conséquent sa principale contrainte – est le temps dont il dispose pour instruire ses élèves. Dans le cadre légal défini par l’institution scolaire, soit 10 heures hebdomadaires au cours préparatoire17, il opère de nombreux choix pour organiser son offre éducative. Pour atteindre nos objectifs de recherche, nous avons élaboré des outils permettant de rendre compte de ces choix, c’est-à-dire d’identifier les contenus d’enseignement, leur planification, les tâches proposées aux élèves et les manières de faire des maitres. En d’autres termes, nous avons construit des outils permettant de décrire les occasions d’apprendre que chaque enseignant rend possibles à travers les tâches qu’il propose à ses élèves.

Pour cela, nous avons adopté une unité d’observation correspondant à trois semaines complètes d’enseignement du lire-écrire, une par trimestre. Chaque enquêteur a ainsi observé et filmé une trentaine d’heures de séances de Français, en novembre, mars et mai. Cet échantillonnage temporel nous semble pouvoir révéler les caractéristiques des pratiques ordinaires des maitres dans la mesure où chacun s’était engagé à ne rien changer de sa pratique habituelle et à nous prévenir en cas d’événement exceptionnel18 (par ex. une sortie scolaire).

Les observations ont été réalisées simultanément dans toutes les classes par 58 enseignants-chercheurs membres du groupe depuis sa création en 2011, 27 formateurs-docteurs ou doctorants, 35 conseillers pédagogiques en activité et 18 retraités de l’Éducation nationale (des bénévoles, anciens conseillers pédagogiques ou maitres-formateurs). Ces enquêteurs, préalablement formés,

17 La déclinaison de cet horaire hebdomadaire est fonction du projet pédagogique des enseignants, dans le respect des volumes annuels fixés pour chacun des domaines disciplinaires.

http://www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/MENE0813208A.htm

18 Dans ce cas, nous remplacions la journée prévue par une journée consécutive.

se référaient à un cahier des charges d’une soixantaine de pages et déposaient le résultat de leurs observations à la fin de chaque semaine sur un site web dédié et protégé. Munis de chronomètres, ils prenaient en note le déroulement de toutes les séances pendant qu’une caméra fixe, placée en position de ¾ arrière, assurait une sécurité en conservant la mémoire de ces séances19.

Près de 3000 heures d’enregistrement vidéo sont à présent stockées sur le site IFé LireEcrireCP de l’École normale supérieure de Lyon, à la disposition de tous les chercheurs du groupe. Elles leur permettent d’examiner de manière qualitative des phénomènes non retenus dans le volet quantitatif de l’enquête et d’affiner l’interprétation des résultats obtenus au terme des traitements statistiques.

Les classes les plus et les moins performantes et/ou équitables font, par exemple, l’objet d’analyses complémentaires.

A.3.3.2 Étudier les tâches et le temps alloué à l’enseignement

Notre objectif est de mettre en relation les occasions d’apprendre proposées par les enseignants avec les performances des élèves. Dès lors, les problèmes théoriques et méthodologiques à résoudre, comme dans toutes les recherches de ce type, concernent l’identification de ces opportunités d’apprentissage puis le choix de leur grain d’observation et d’analyse. Nous avons choisi de mesurer des durées et de le faire selon un grain moyen20, celui des tâches assignées aux élèves : nous avons donc découpé les séances observées en unités temporelles caractérisant le travail prescrit par l’enseignant. Autrement dit, nous décrivons ce qu’il demande à ses élèves de faire.

Nous définissons une tâche21 en fonction du but que l’enseignant assigne à ses élèves dans des conditions déterminées (Goigoux, 2002). Un changement de tâche est repéré par l’enquêteur chaque fois que l’enseignant donne un nouveau but à ses élèves ou modifie les conditions pour l’atteindre. On l’aura compris, notre description ne porte pas sur l’activité de chacun des élèves, mais sur celle qui est attendue par l’enseignant. Elle nous permet de reconstituer la durée et l’agencement temporel des tâches proposées aux élèves : c’est ce que nous appelons leur budget-temps hebdomadaire. Nous nous efforçons de qualifier avec précision ce que les élèves sont censés faire, à la suite d’une consigne plus ou moins explicite du professeur.

Pour parvenir à homogénéiser les découpages temporels et pour affecter chaque tâche à une catégorie préétablie, nous avons élaboré une typologie de tâches, jointe en annexe n° 2. Un an de travail a été nécessaire pour établir un consensus scientifique entre les différents chercheurs puis pour tester la validité de cette typologie (vérifier que toutes les tâches utilisées au CP étaient classables), sa fiabilité (accord inter-juge) et sa maniabilité (étendue raisonnable des catégories, choix des exemples prototypiques). En cohérence avec nos questions de recherche, notre typologie est structurée en trente et un types de tâches, eux-mêmes regroupés en cinq grands ensembles correspondant aux domaines d’enseignement du lire-écrire à l’école : phonographie, lecture, compréhension, écriture, étude de la langue. Treize d’entre eux exigent de coder aussi la nature de l’unité linguistique sur laquelle ils portaient (lettre, syllabe, mot, phrase ou texte), afin de distinguer, par exemple, la dictée de syllabes de la dictée de phrases.

19 Les parents des élèves avaient donné leur autorisation à ces prises de vue en échange de la promesse de ne pas les diffuser publiquement et de n’en faire aucun autre usage que le codage des séances d’enseignement.

20 L’analyse des interactions maitre-élèves représenterait un grain plus fin, celle du découpage de la semaine en séances, un grain plus grossier.

21 Nous faisons ici référence à la définition de la notion de tâche en psychologie ergonomique : celle-ci « véhicule avec elle l’idée de prescription, sinon d’obligation. La notion d’activité renvoie, elle, à ce qui est mis en jeu par le sujet pour exécuter ces prescriptions, pour remplir ces obligations » (Leplat et Hoc, 1983, p. 50).

Au final, la typologie retenue permet de distinguer soixante-treize types de tâches différents qui autorisent des analyses de l’offre d’enseignement à quatre niveaux, de plus en plus fins :

- celui du budget-temps global (hors temps-morts) - celui des ensembles de tâches (5 catégories), - celui des tâches (31 catégories),

- celui des tâches par type d’unité linguistique (73 catégories).

Afin d’étudier la manière dont les enseignants explicitent les apprentissages, nous avons créé une sixième rubrique, intitulée « mémoire didactique » (MD), permettant d’isoler les tâches orientées vers l’institutionnalisation des connaissances (MD2) ou le rappel explicite de ces connaissances préalablement instituées (MD1). L’enquêteur note sur quel type de contenu portent ces tâches afin de pouvoir les ventiler dans les catégories précédentes lors du calcul des budgets-temps.

Notre typologie comprend également une rubrique « Autre » pour d’éventuelles tâches inclassables.

Elle comprend enfin une rubrique très importante appelée « Temps-mort » réservée aux épisodes de plus d’une minute qui ne sont pas dédiés à l’enseignement de la lecture ou de l’écriture. Il peut s’agir d’une simple suspension de séance (pour faire l’appel des élèves qui déjeunent à la cantine), d’une période d’attente lorsque tous les élèves ont terminé leur travail, d’une phase de relaxation, d’une mise au point disciplinaire, d’un exercice de mathématiques réalisé par un sous-groupe d’élèves pendant que les autres lisent avec le maitre, de la distribution de matériel, du découpage d’étiquettes ou de collage de photocopies... Par soustraction des temps-morts, notre méthodologie permet ainsi de mesurer avec précision la durée effective du temps de travail disponible pour la lecture/écriture.

A.3.3.3 La technique de codage

Pour reconstituer le budget-temps d’une classe, chaque enquêteur assiste à toutes les séances de lecture-écriture proposées aux élèves lors des trois semaines tests. Il n’observe et ne code que les tâches proposées aux élèves de cours préparatoire, y compris dans des séances à dominante disciplinaire autre que le Français si l’enseignant lui indique préalablement qu’il va y inclure un moment de lecture ou d’écriture.

L’enquêteur opère en deux temps. Il prend d’abord des notes en direct, au fur et à mesure du déroulement des séances, en respectant l’ordre des événements observés. Il écrit ce que l’enseignant dit à ses élèves ou bien il résume ce que les élèves doivent faire. Il note en marge l’heure du début de chaque nouvelle tâche en consultant un chronomètre déclenché au début de la séance. Le découpage temporel est donc réalisé « à chaud » chaque fois que l’enquêteur repère un changement de tâche22. Dans une autre rubrique, il ajoute des informations portant sur le caractère explicite de l’enseignement et sur la différenciation pédagogique ou les modalités de travail des élèves. Si la classe est scindée en groupes qui effectuent des tâches différentes, il note quelles sont ces tâches, combien d’élèves travaillent sans le maitre, puis photographie ultérieurement les documents distribués.

Dans un second temps, en léger différé (le plus souvent à la fin de chaque demi-journée ou journée), il code et reporte toutes les informations recueillies dans un tableau Excel pré-formaté dont chaque ligne correspond à une tâche (cf. exemple ci-dessous).

22 C’est-à-dire un changement de but ou un changement de condition de réalisation d’un même but.

Tableau n°3 : extrait de 10 minutes d’un fichier « Tâches », semaine 21, classe 102

L’unité d’enquête est la semaine : un seul fichier Excel regroupe toutes les informations hebdomadaires. Chaque semaine est découpée en séances (colonne A), elles-mêmes subdivisées en tâches (lignes du tableau). Chaque séance est numérotée dans l’ordre de sa réalisation au cours de la semaine et elle est répertoriée dans un fichier « Emploi du temps » permettant d’indexer les vidéos réalisées simultanément.

La succession, dans un même fichier, de toutes les tâches qui composent les séances hebdomadaires nous permet de réaliser un calcul automatisé des budgets-temps, c’est-à-dire de la durée moyenne de l’enseignement proposé à un élève pour chaque type de tâche. Lorsque tous les élèves ne font pas la même chose, la durée est pondérée par l’effectif du groupe d’élèves qui réalise la tâche. Celle-ci peut être exécutée en présence du maitre (colonne C et D) ou lors d’un travail autonome (colonnes J et K), voire avec un autre intervenant (colonne L et M) : maitre surnuméraire, enseignant spécialisé, ou tout autre adulte présent en classe.

Lorsqu’une consigne magistrale semble relever de plusieurs types de tâches, l’enquêteur choisit celui qui est dominant et ne retient qu’un seul code (colonne D) pour chaque tâche observée. Les tâches d’une durée inférieure à une minute ne sont pas codées. D’autres tâches, très brèves elles aussi, se répètent souvent, enchevêtrées dans d’autres tâches. Dans ce cas, l’enquêteur ne crée qu’une ligne, correspondant à la tâche majeure, mais procède à un double codage à l’aide d’un slash (par exemple : C4 / EL1). Notre système informatisé de traitement des données23 attribue les 2/3 du temps à la première tâche et 1/3 à la seconde.

Dans la colonne E du tableau, l’enquêteur note si l’enseignant propose ou sollicite, au moins une fois pour cette tâche, une explicitation en « Pourquoi » (quand il y a explicitation des finalités de la tâche) ou en « Comment » (quand il y a explicitation des procédures et des stratégies ou explicitation des connaissances mobilisées ou à mobiliser pour traiter la tâche).

Dans la colonne F, il indique le support utilisé pour réaliser la tâche : fiche ou photocopie (individuelle), étiquettes mobiles (individuelles), ardoise, cahier ou feuille volante, manuel, album de littérature de jeunesse, documentaire ou autre livre, ordinateur, tablette numérique, tableau ou affichage collectif, tableau blanc interactif ou autre.

Dans la colonne G, il mentionne la configuration pédagogique choisie par le professeur : collectif (le groupe classe au complet, avec interactions), individuel (tous les enfants travaillant séparément, sans interactions publiques), plusieurs petits groupes (avec interactions entre élèves et organisation de type « îlots » : plus de deux groupes de 2 élèves ou plus), un grand groupe + un petit groupe (le maitre intervient auprès de l’un des deux) ou autre.

23 Yvonnick Fesselier est l’ingénieur de l’IFé (ENS Lyon) qui conçoit et réalise toute la partie informatisée du dispositif, du site web jusqu’à l’extraction des données. Sans lui, rien n’aurait été possible.

Dans la colonne H, il code le type d’écrit requis par la tâche : une affiche, un compte-rendu de sortie, de film ou d’expérience, un documentaire ou texte explicatif, une légende (d’illustrations ou de schémas), une liste (menu, ingrédients, etc.), un poème, une comptine, une chanson, un récit (ou extrait de récit), une recette, un message, une lettre ou autre. Il les distingue des non-textes, suites décousues de syllabes, de mots ou de phrases, simples prétextes à l’exercice de lecture ou d’écriture.

Dans la colonne I enfin, il indique les modalités de différenciation à l’œuvre lorsqu’il y en a et il distingue : les aides apportées lors de tâches identiques, les tâches différentes (ou aménagées) pour certains élèves en difficulté, les aides apportées lors de tâches différentes (ou aménagées) pour certains élèves en difficulté ; les tâches bonifiées, c’est-à-dire différentes pour les meilleurs ; ou autres.

A.3.3.4 Recueillir les traces de l’activité des enseignants et des élèves

Nous ne pouvons dresser ici la liste complète de toutes les informations recueillies par les enquêteurs. Nous n’en mentionnerons que deux qui laissent entrevoir la richesse des traitements que l’enquête va rendre possible.

- Les traces des activités d’écriture des élèves : chaque enquêteur devait photographier tout ce que deux élèves, A et B, avaient écrit au cours des semaines tests et déposer les clichés numérisés sur le site web du groupe. Nous disposons à ce jour d’environ 6000 pages numérisées. Ces deux élèves avaient été choisis en novembre par l’enseignant : A était un élève « fort », bien engagé dans les apprentissages de l’écrit (sans être déjà lecteur et/ou scripteur) et B un élève « en difficulté », c’est-à-dire un élève dont l’avenir (en lecture et en écriture) était jugé inquiétant par l’enseignant.

- Les traces des métatermes utilisés en classe : chaque enquêteur devait relever les métatermes grammaticaux dont il trouvait trace sur les affichages muraux ou dans les cahiers, livres ou fichiers de français utilisés par les élèves durant la semaine (par exemple phrase, mots outils, pluriel et/ou singulier).

A.3.3.5 Reconstituer la planification de l’enseignement du code

Une autre de nos questions de recherche porte sur la qualité des différentes modalités de planification de l’enseignement, par exemple la programmation de l’étude des correspondances graphophonologiques (CGP). Elle s’inscrit dans un dialogue scientifique avec les chercheurs qui soutiennent qu’un enseignement explicite, systématique et précoce du décodage facilite l’apprentissage initial de la lecture-écriture (Sprenger-Charolles et Colé, 2006, à la suite du rapport du National Reading Panel ; NRP, 2000). Comme eux, nous pensons que les élèves apprennent mieux s’ils acquièrent sans tarder des compétences qui éveillent leur curiosité pour le fonctionnement du code alphabétique et qui facilitent leur auto-apprentissage tout en évitant découragements et tâtonnements hasardeux (Goigoux, 2000). Cette position, défendue depuis longtemps (Gombert, Colé, Valdois, Goigoux, Mousty et Fayol, 2000) et confortée par les conclusions de la conférence de consensus de 2003 (PIREF, 2003), n’a jamais été soumise à l’épreuve des faits dans un pays francophone. C’est pourquoi nous cherchons à vérifier si elle est valide et, surtout, dans quelles conditions contextuelles l’étude précoce et systématique du code alphabétique peut s’avérer réellement bénéfique. Plus précisément, nous voulons savoir si tous les élèves bénéficient également des programmations de l’étude du code selon leur niveau initial et si le tempo de ces programmations a une influence directe sur la qualité des apprentissages ou s’il

agit en interaction avec d’autres variables didactiques (écriture, culture de l’écrit, etc.) (Bucheton et Soulé, 2009 ; McGill-Franzen, 2010).

Sur le plan méthodologique, nos investigations dans ce domaine ne portent que sur les dix premières semaines de l’année scolaire car les choix initiaux des maitres déterminent fortement leurs activités ultérieures et influent fortement et durablement sur la qualité des apprentissages des élèves (INSERM, 2007). Nous avons dressé l’inventaire des correspondances graphèmes-phonèmes enseignées de manière explicite par les maitres au cours des neuf premières semaines de l’année scolaire (consultation des traces écrites dans les cahiers des élèves, les manuels, les affichages, les fiches de préparation des maitres, etc.). Pour homogénéiser la collecte, nous avons élaboré une grille constituée des 63 principales paires de correspondances graphophonologiques du Français (par exemple an (am) ↔ [ã] représente une paire) et de 12 lettres muettes (comme le p de loup). L’enquêteur indique aussi dans quel sens la correspondance est étudiée : celui de la lecture, du graphème vers le phonème, ou celui de l’écriture, du phonème vers le graphème. Cette technique permet de rendre compte de toutes les approches didactiques, phonémiques ou graphémiques (Krick, Reichstadt et Terrail, 2007).

L’inventaire réalisé dans les 131 classes nous permet de décrire trois caractéristiques des programmations :

– leur tempo (combien de correspondances graphohonologiques ont été étudiées en 9 semaines) ;

– leur rendement théorique (à l’aide d’une table de fréquence de chacune de ces paires, nous calculons quelle part d’un texte standard est déchiffrable au début de la dixième semaine de classe) ;

– leur rendement effectif (quelle part des textes proposés aux élèves en dixième semaine est déchiffrable).

Ceci permet aussi de comparer ce qui est réellement enseigné par les maitres avec ce que les auteurs des manuels préconisent.

A.3.3.6 Inventorier les manuels

Pour examiner un éventuel effet-manuel et contribuer aux débats relatifs à l’influence des outils didactiques sur le travail enseignant, nous avons recensé les manuels utilisés et nous les avons classés pour créer une variable catégorielle utilisable dans le modèle statistique. Notre objectif est d’identifier les liens entre le choix du manuel, la planification de l’étude du code et les pratiques effectives des enseignants24. Nous nous intéressons en particulier aux différences de pratiques entre les maitres qui utilisent le même manuel et les similitudes entre ceux qui ont recours à des manuels différents.

Notre classement a été réalisé en distinguant quatre ensembles de manuels selon que leurs auteurs proposent :

– une approche intégrative : les auteurs incitent à combiner étude explicite et systématique des correspondances graphophonologiques, écriture et production de textes, compréhension de textes et acculturation. Leur démarche repose sur l’étude d’albums de jeunesse, intégrés ou non dans le

24 Pour compléter l’étude de l’usage des manuels, les enquêteurs ont interrogé les enseignants sur leur satisfaction envers les outils qu’ils utilisent et sur leur manière d’expliquer aux parents d’élèves comment ils enseignent la lecture et l’écriture ainsi que sur les mots qu’ils emploient pour caractériser ou décrire leur « méthode ».

manuel, parfois raccourcis et souvent découpés en épisodes. Les auteurs visent la construction d’un univers culturel et sont à la recherche d’interactions entre compréhension des textes et étude du code. Ils proposent souvent des lectures documentaires en parallèle. Il s’agit de : Rue des contes ; Patati et patata ; Mots d’école, Chut je lis ; A tire d’Aile ; Croque ligne ; Que d'Histoires ; Valentin le magicien ; Max, Jules et leurs copains ; Je lis avec Dagobert ; Libellule ; Un monde à lire ; Bulle. Deux autres manuels relèvent à quelques nuances près de cette catégorie mais seront étudiés à part car ils sont les plus fréquents de l’échantillon : Ribambelle qui prend appui sur des œuvres littéraires lues en totalité par les élèves, et A l’école des albums qui propose une planification de l’étude des correspondances graphophonologiques deux fois plus rapide.

– une approche phonique, essentiellement basée sur l’enseignement des correspondances phonographiques en partant du phonème. Les textes proposés aux élèves sont écrits spécialement pour servir la progression de l’étude du code, sans ambition littéraire, même s’ils ouvrent parfois à d’autres types d’écrits. A noter que si leur planification est proche de celle des méthodes syllabiques, ces manuels s’en distinguent sur un point important. Contrairement aux méthodes syllabiques, ils proposent la mémorisation de mots entiers (« mots outils ») avant que ceux-ci soient déchiffrables. Il s’agit des manuels : Ratus, Lectissimo, Gafi le fantôme, Super Gafi ; Justine et compagnie, Je lis avec Mona, Pilotis.

– une approche syllabique, basée sur un enseignement explicite des correspondances graphophonologiques (en partant des graphèmes) excluant toute mémorisation de mots entiers et ne proposant aux élèves que des bribes de textes constitués exclusivement des graphèmes préalablement étudiés. Il s’agit des manuels : Je lis, j’écris ; Léo et Léa; A coup sûr; Planète alphas;

Sami et Julie ; Taoki.

– une approche quasi globale accordant peu de place à l’enseignement des correspondances graphophonologiques (Dame Coca et Paginaire).

A.3.3.7 Évaluer le climat de classe et l’engagement des élèves

Nous l’avons dit plus haut, notre modèle d’analyse inclut plusieurs autres variables pédagogiques dont les recherches antérieures ont montré l’importance (Hattie, 2009) et qu’il convient de contrôler.

Nous savons par exemple que le temps offert par les enseignants pour réaliser les tâches n’est pas exactement le même que celui que les élèves passent à travailler (Crahay, 1996). L’écart entre les deux est cependant d’autant plus faible que les enseignants parviennent à enrôler leurs élèves et à capter, puis à maintenir leur attention (Hamre et al., 2005). C’est pourquoi nous avons cherché à décrire le climat de la classe, autrement dit les relations entre l’enseignant et ses élèves ainsi que celles des enfants entre eux, et le degré d’engagement des élèves dans les tâches (NICHD, 2002).

Chaque matin, au moment de la première récréation, l’enquêteur estimait le comportement moyen de la classe par rapport à ces deux indicateurs sur une échelle à quatre degrés, indiquant des valeurs très négatives, plutôt négatives, plutôt positives ou très positives.

Sept items permettent de caractériser le climat de classe :

– Le maitre se comporte avec bienveillance (voix calme, chaleureux, langage respectueux, attitude confiante, souriant...)

– Le maitre fait preuve d’une autorité de bon aloi (sait rappeler à l’ordre et au travail, gérer les conflits…)

– Le maitre manifeste de l’irritabilité, de la colère, crie…

– Le maitre menace, punit sévèrement…

– Les élèves sourient, sont coopératifs, manifestent leur intérêt

– Plusieurs élèves sont irrespectueux envers le maitre (n'écoutent pas, ré– pondent...) – Plusieurs élèves se disputent, s’agitent, perturbent la classe…

Sept autres items sont utilisés pour caractériser l’engagement des élèves dans le travail :

– Routines : les élèves savent se repérer dans les différentes formes de travail proposées. Ils savent ce qu’ils ont à faire. Il n’y a pas de flottement.

– Occupation : pendant les tâches, les élèves sont occupés. Ils sont « au travail » et perdent peu de temps à attendre.

– Fin de la tâche : lorsque les élèves ont fini la tâche proposée, ils disposent d’une réserve d’autres activités à réaliser. Ils connaissent ces possibilités et les mettent en œuvre.

– Engagement : les élèves sont engagés dans les tâches proposées. Ils semblent attentifs et intéressés par leur travail.

– Matériel : le matériel des activités est prêt et accessible. Il est utilisé ou distribué de manière efficace.

– Incitation : l’enseignant favorise l’engagement des élèves en circulant dans les rangs, en observant leur travail ou en les incitant à poursuivre.

– Transitions : les transitions entre deux tâches sont rapides et efficaces25.

Dans le document Synthèse du rapport de recherche (Page 30-37)

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