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Observe-t-on déjà des effets des ordonnances sur le contenu de la négociation ?

PARTIE 1 - LES ORDONNANCES TRAVAIL : LE NOUVEAU CADRE DU

1.3. Les effets (à venir ?) des ordonnances sur la négociation de branches

1.3.2. Observe-t-on déjà des effets des ordonnances sur le contenu de la négociation ?

Le suivi de la négociation de branche, réalisé par la DGT qui publie chaque année un bilan de la négociation collective, permet d’identifier différentes évolutions qui résultent des ordonnances : comment la nouvelle répartition des champs de négociations entre branches et entreprises (les trois blocs) se traduit-elle dans le contenu des accords de branche ? Comment les branches se saisissent-elles des nouveaux sujets ouverts à la négociation et comment les nouvelles dispositions relatives à l’extension des accords sont -elles utilisées ?

Négociation sur les salaires minima de branches (bloc 1)

S’agissant des sujets relevant du bloc 1, pour lesquels les accords de branche prévalent, se pose la question de la définition à donner aux « salaires minima de branches », en l’absence de définition légale. L’enjeu est de savoir si ces salaires doivent s’entendre au sens strict ou si cela peut inclure certaines primes, comme le prévoyaient jusqu’à présent certains accords de branche dans une définition élargie45.

La position de l’administration, dans le cadre de l’examen des demandes d’extension des accords collectifs de branche, a été précisée : les « salaires minima hiérarchiques » s’entendent comme le salaire de base stricto sensu. Ils ne peuvent inclure des compléments de rémunération, à savoir les primes ou majorations. En conséquence, les accords qui comportent des « clauses-verrous » sur des minimas conventionnels qui ne sont pas des salaires de base, font l’objet d’observations au moment de l’extension. Quand l’accord prévoit un salaire minimum conventionnel intégrant des accessoires sans interdire aux entreprises de négocier à leur niveau, il est étendu avec réserve. Quand il définit largement le salaire minimum tout en interdisant la dérogation par accord d’entreprise, cette clause de verrouillage est exclue de l’accord étendu.

Sur 349 accords examinés depuis le début d’année 2019, 37 ont fait l’objet d’une réserve et 16 d’une exclusion.

Certains de ces arrêtés ont fait l’objet de recours d’organisations syndicales et d’organisations professionnelles d’employeurs devant le Conseil d’État pour contester cette définition des salaires minima de branches, soit une douzaine de requêtes.

Les clauses de verrouillage (bloc 2)

Dans quatre domaines, l’accord de branche peut interdire à l’accord d’entreprise de prévoir des stipulations différentes, sauf garanties au moins équivalentes (bloc 2). Ces quatre domaines sont la prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels énumérés à l'article L. 4161-1 ; l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des travailleurs

45 Sachant que les primes relèvent normalement désormais du bloc 3 pour lequel les accords d’entreprises prévalent, sauf pour primes pour travaux dangereux ou insalubres (bloc 2).

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handicapés ; l'effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical ; les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

25 accords prévoyant de telles dispositions ont été identifiés au 31 décembre 2019. Les matières verrouillées sont principalement l’emploi des travailleurs handicapés (13 accords) et les stipulations relatives aux délégués syndicaux (12 accords). La quasi-totalité des accords verrouillent le nombre de délégués syndicaux, l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical. Seuls 3 accords ne verrouillent qu’une partie des items : le premier verrouille le nombre de délégués et l’effectif à partir duquel ils peuvent être désignés, le deuxième verrouille uniquement l’effectif, et le troisième, la valorisation du parcours syndical.

Trois accords verrouillent les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

Comment les branches se saisissent-elles des nouveaux sujets ouverts à la négociation ?

Désormais les partenaires sociaux peuvent conclure des accords de méthode définissant le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation dans la branche46. Un seul accord a été identifié sur le fondement de cet article, l’accord de méthode du 20 décembre 2017 de la branche Exploitation cinématographique.

Les contrats courts - CDD/ CTT

En application des ordonnances, les accords de branches peuvent porter sur certains aspects de leur réglementation : les règles relatives à la durée totale du contrat, renouvellements inclus, le nombre de renouvellements, les modalités de calcul du délai de carence, les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable.

Au 1er février 2020, seize branches ont négocié un accord sur les contrats courts. Le thème le plus abordé est le délai de carence que ce soit par ses modalités de calcul (pour réduire sa durée par rapport aux dispositions supplétives) ou son champ d’application (pour élargir les cas dans lesquels le délai n’est pas applicable). Au global, les négociations aboutissent à rendre possible des périodes d’emploi en CDD plus longues et à faciliter la succession de contrats sur un même poste.

Les contrats de chantiers

Le contrat de chantier ou d’opération est un contrat à durée indéterminée (CDI) conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération. Il a pour spécificité de pouvoir être valablement rompu

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par l’employeur lorsque le chantier pour lequel le salarié a été recruté est achevé ou l’opération réalisée.

L’ordonnance n°2017-1387 élargit l’usage du contrat de chantier aux secteurs qui n’en faisaient pas utilisation jusqu’alors, sous réserve de l’adoption d’un accord ou d’une convention de branche étendus, et en précisant des clauses obligatoires. À défaut de convention ou d’accord, ce contrat ne peut être conclu que dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession, pour les secteurs qui y avaient déjà recours au 1er janvier 2017 (principalement le secteur du BTP ou de la construction navale).

Au 1er février 2020, dix branches ont conclu un accord sur le recours au CDI de chantier ou d’opération. Les négociations portent sur tous les items prévus par la loi. Des garanties salariales sont, dans tous les cas, prévues. Certaines branches prévoient un recours à titre expérimental, certaines associent les IRP dans la mise en œuvre des contrats et d’autres encadrent leur nombre en fonction de l’effectif de l’entreprise.

Comment les nouvelles dispositions relatives à l’extension des accords sont-elles utilisées ? La nouvelle clause obligatoire relative aux TPE

Désormais, pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel doivent, sauf justification, comporter des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés47. Il est prévu qu’un accord de branche peut comporter, le cas échéant sous forme d'accord type indiquant les différents choix laissés à l'employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés.

Les accords de branche qui comportent des clauses TPE portent essentiellement sur le financement de la formation professionnelle et du paritarisme (les clauses prévoyant des contributions conventionnelles selon la taille de l’entreprise).

En cas d’absence de stipulations spécifiques pour les TPE, quatre types de justification sont avancées par les négociateurs :

- les négociateurs de la branche considèrent que celle-ci étant composée majoritairement de TPE, leur situation est nécessairement prise en compte lors de la négociation ;

- le principe de l’égalité de traitement entre les salariés ; - l’objet de l’accord ;

- les négociateurs considèrent que de telles stipulations ne sont pas nécessaires.

Dans un premier temps, pour laisser aux négociateurs un délai d’appropriation de ces dispositions, les accords conclus qui ne justifient pas de l’absence de mesures spécifiques pour les TPE ont été étendus avec un appel à l’attention systématique sur la nécessité à l’avenir, de respecter cette obligation.

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