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Observations sur le terrain des répercussions des

mutations sociales de la Sardaigne et de Malte sur

Introduction

Dans ce troisième et dernier chapitre sont présentés les résultats issus du travail de terrain qui a été conduit sur deux générations de femmes et dans trois milieux différents (urbain, touristique et traditionnel) en Sardaigne et à Malte.

Les résultats qui vont suivre vont nous permettre de vérifier ce que les résultats rapportés des enquêtes issues de la littérature et les statistiques d’ordre général ont pu montrer. Mais aussi, et surtout, d’aller plus en profondeur et d’apporter de nouvelles informations supplémentaires, notamment sur l’évolution et les déterminants des pratiques alimentaires à l’heure actuelle. Ainsi, grâce aux données de terrain, on va mesurer l’existence et l’ampleur du changement en matière de pratiques alimentaires d’une génération à l’autre, au sein de chaque île et entre les deux sociétés insulaires.

Pour cela nous avons étudié les pratiques alimentaires dans leur intégralité, c’est-à-dire, pris en compte aussi bien la consommation alimentaire proprement dite que la façon dont les aliments sont consommés, avec qui et à quel moment de la journée. Mais aussi, afin d’obtenir un tableau des modes d’alimentation aussi complet que possible, il était important de prendre en considération le système d’approvisionnement, de transformation et de préparation des aliments.

Au regard de nouvelles données encore jamais collectées sur deux générations et dans trois terrains d’observations différents, dans chacune de ces deux sociétés insulaires, on pourra ainsi comparer de façon holistique Sardes et Maltais en terme d’évolution de leurs pratiques alimentaires, grâce à la mise en lumière de la nature des changements récents, dans le contexte de la transition nutritionnelle.

Alors, ce travail permettra d’identifier quelles ont été les répercussions du développement socio-économique et culturel, brossé dans le premier chapitre, sur l’évolution des modes d’alimentation en Sardaigne et à Malte. C’est ainsi que l’on pourra mesurer et comparer, entre les deux îles, mais aussi au sein de chaque territoire insulaire, l’ampleur de la propagation du modèle anglo-saxon, et plus particulièrement britannique à Malte, ou ce qu’il reste du modèle d’alimentation méditerranéenne dans les deux sociétés. En examinant si les pratiques alimentaires permettent de différencier l’espace, on pourra aussi vérifier si dans ce monde en mutation, les habitudes alimentaires sont toujours le témoin d’une identité culturelle.

I Evolution de la consommation alimentaire :

pour le meilleur et pour le pire

Selon Aymard et al. (1993), en matière d’alimentation, d’importantes transformations relativement récentes, échelonnées sur un siècle et demi ou deux, ont rythmé, dans les pays industriels les plus avancés, une série de ruptures quantitatives et qualitatives, nous permettant actuellement de définir notre « modernité » réelle ou supposée.

Basée sur des bilans alimentaires concernant la France, l’analyse historique de Combris (2002) lui permet de distinguer quatre phases dans l’évolution de la consommation alimentaire, à savoir : subsistance, croissance quantitative, évolution structurelle et enfin stabilité. Jusque fin XVIIIe siècle, les famines à répétitions ne permettaient d’accéder au

mieux qu’à une alimentation de subsistance qui avec l’augmentation de la production agricole connut ensuite une augmentation quantitative au cours du XIXe. Une fois ces changements

quantitatifs observés, l’évolution continue mais en terme de structure puisque la consommation se déplace vers les produits d’origine animale, les fruits et légumes, les corps gras et le sucre au détriment des aliments de base (céréales, féculents, légumineuses). Enfin, lorsque la structure alimentaire ne semble plus subir aucune évolution, se développe une phase de stabilité. Ces différents stades d’évolution ne sont cependant pas l’apanage de la France mais caractérisent tous les pays lorsqu’une élévation du revenu le permet (Combris, 2002).

I.1 Moins de pain et de pommes de terre, plus de poulet et de charcuterie

Comparaison entre la Sardaigne et Malte de l’évolution de la fréquence de consommation de 24 aliments chez les mères et chez les filles

Un total de 24 aliments, représentant l’éventail des différents groupes alimentaires, a été étudié en terme d’évolution de leur fréquence de consommation par rapport au passé. Les deux périodes temporelles comparées reposent entre la période de l’enfance, dans le foyer parental, et la période actuelle dans le nouveau noyau familial.

Les groupes alimentaires choisis sont les céréales (pain, pâtes), les fruits et légumes (soupe, légumineuses, légumes, pommes de terre, fruits), la viande (bœuf, poulet, lapin, porc, charcuterie, foie), le poisson (poisson, morue) ; les produits laitiers (lait, fromages frais et à

pâte dure), les matières grasses (huile d’olive, huiles végétales, saindoux), le sucre (sucre, desserts) et la boisson alcoolisée (vin).

Les figures 18 et 19 présentent l’évolution de la fréquence de consommation de 24 aliments, entre la période de l’enfance (dans le foyer parental) et l’époque actuelle (% sur le total des personnes interrogées dans chaque pays). La première figure indique les aliments pour lesquels la consommation a augmenté et ceux pour lesquels la consommation a diminué aussi bien en Sardaigne qu’à Malte. La seconde figure présente les aliments pour lesquels l’évolution est significativement différente entre les deux sociétés d’une époque à l’autre. (cf tableau 1 Annexe 3 pour détails des données)

Figure 18 : Aliments dont l’évolution de la consommation est similaire en Sardaigne et à Malte -100 -80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 Saindoux Pommes de terre Pain Soupe Lait Pâtes Desserts Charcuterie Poulet Légumes frais Solde Sardaigne Malte

Dans les deux sociétés, les légumes frais et le poulet sont les deux aliments qui ont le plus augmenté tandis que le saindoux est au premier rang des aliments dont la consommation a diminué.

En Sardaigne, pour l’ensemble de l’échantillon, les aliments dont la consommation a diminué sont, par ordre décroissant, le saindoux, les légumineuses, les pommes de terre, le foie, le pain, la soupe, la morue, le lait, le vin, le sucre et le porc dans une faible proportion. A Malte en revanche, l’ordre est quelque peu différent pour les aliments communs avec la Sardaigne, et des aliments nouveaux viennent compléter la liste : le saindoux, la morue, le foie, le pain,

les huiles végétales, le sucre, les pommes de terre, le porc, le lapin, la soupe, le lait, le bœuf et le poisson. Quant aux aliments davantage consommés d’une époque à l’autre, ils sont les suivants en Sardaigne (par ordre décroissant) : légumes, fruits, poulet, huile d’olive, poisson, charcuterie, bœuf, desserts, fromages frais, lapin, pâtes, huiles végétales, et fromages à pâte dure. A Malte, l’huile d’olive, le poulet, les légumes, les fromages à pâte dure, les desserts, les fromages frais, les légumineuses, la charcuterie, les fruits, les pâtes et le vin sont actuellement plus fréquemment consommés que dans le passé.

Figure 19: Aliments dont l’évolution de la consommation est significativement différente entre la Sardaigne et l’archipel maltais

-80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 100

MorueFoie Huiles végétalesSucre Porc LapinBœuf PoissonVin Fruits Légumes secs Fromages frais Fromages dursHuile d'olive

Solde

Sardaigne Malte

Les évolutions de consommations des légumineuses, du poisson, du bœuf, du lapin et des huiles végétales opposent littéralement Malte à la Sardaigne. A l’exception des légumineuses qui sont en augmentation à Malte (donc en diminution en Sardaigne), les quatre autres aliments cités y sont en diminution (et inversement pour la Sardaigne).

Plus simplement, on peut constater, comme l’a précisé Combris (2002), que les sociétés insulaires sarde et maltaise n’échappent pas, sous l’influence de la modernité, à la diminution généralisée des pommes de terre, des céréales (pain) et des légumineuses (pour la Sardaigne uniquement) au profit des produits carnés (charcuterie et poulet), des fruits et légumes, des corps gras (fromages) et des sucres (desserts). Si l’on peut d’ores et déjà parler d’évolution quantitative (d’une phase de subsistance alimentaire vers une croissance quantitative), ces

changements nutritionnels sont aussi le fruit d’une évolution qualitative, ou encore structurelle. Reste à savoir si la vitesse d’évolution alimentaire est la même pour les deux milieux insulaires.

De façon générale, dans chaque île, la modernité a joué un rôle majeur dans l’évolution de la consommation des 24 aliments étudiés dans le sens où elle a permis une meilleure disponibilité, ainsi qu’une plus grande variété de bon nombre de ces aliments. La modernité au sens large, génératrice d’un environnement de pléthore, est venue mettre fin à des périodes difficiles de carences et de privations alimentaires84. Ceci est d’autant plus avéré pour les femmes de la première génération qui ont vécu pendant et/ou après la Seconde Guerre mondiale, voire même la première pour une minorité d’entre elles. Nous l’avons vu dans le premier chapitre, cette époque correspond, en particulier pour les sociétés insulaires, à une période de sous-développement économique selon plusieurs critères du développement, lors de laquelle famine, épidémies et crise économique se côtoyaient.

L’évolution de la fréquence de consommation de bœuf et de lapin met clairement en lumière ce phénomène de transition d’un état de pénurie chronique à un état de profusion alimentaire puisque l’on peut observer une augmentation de leur consommation aussi bien chez les femmes sardes que maltaises appartenant à la première génération (c.f tableau 2 Annexe 3). L’évolution dans le temps du comportement vis-à-vis de ces aliments, sous l’influence d’une modernité croissante, diffère à la seconde génération pour laquelle, de l’époque de l’enfance à l’époque actuelle, l’évolution de leur consommation va significativement dans le sens opposé à celle de la première génération, pour les deux nationalités de femmes. En effet, les femmes de la première génération, ayant toutes connu des temps difficiles pendant et/ou après la guerre, n’ont pu par conséquent qu’accroître leur consommation de bœuf, autrefois très faible, dès que les tickets de rationnement ont été supprimés (Malte seulement), que le pouvoir d’achat a augmenté (notamment par la création des pensions de retraites) et que la disponibilité s’est améliorée.

Bien que la diminution de la fréquence de consommation de bœuf se soit effectuée à la seconde génération dans les deux territoires étudiés, cela affecte la Sardaigne dans une

84 Le manque de nourriture sur l’archipel maltais était une constante sous une grande partie de l’empire

britannique ; résultat d’une politique ne visant pas à protéger les intérêts des Maltais mais ceux de la Grande- Bretagne soucieuse de maintenir une base stratégique sécurisée en Méditerranée (Zammit, 1988).

De plus, l’arrivée des Britanniques vit un changement de direction dans les intérêts économiques, passant de l’agriculture à la marine (Cassar, 1997).

moindre mesure puisque l’échantillon des ‘filles’ est encore nettement partagé entre l’augmentation et la diminution de la consommation de cette viande rouge. Pour cette génération de femmes, à Malte, une des raisons principales de consommer moins de bœuf est la disponibilité accrue d’autres types de viande (ex : volailles), de poisson ou encore de substituts végétariens tel que le hachis de soja (soyamince). Le succès croissant des préparations à base de protéines de soja (que ce soit sous la forme de steaks ou de saucisses 100% végétaux) que connaît Malte (Rolland, 2002-2), dénote l’influence du Royaume-Uni où ce type de produits alimentaires fait partie intégrante des linéaires de supermarchés, depuis déjà quelques années et, par conséquent, des habitudes alimentaires de bon nombre de végétariens britanniques.

Cette diminution de la consommation de bœuf peut aussi être attribuée à l’impact des messages nutritionnels des campagnes de santé publique qui prônent la réduction de la consommation de la viande rouge en faveur de la viande blanche. L’évolution quantitative opérée par les femmes de la première génération est ici bien nette mais elle ne saurait résumer à elle seule la nature des changements alimentaires maltais en matière de consommation. En effet, après s’être déplacés vers les familles d’aliments plus onéreuses (du pain vers la viande) suite à l’accroissement des revenus, depuis quelques années (à la seconde génération), les changements alimentaires s’effectuent dorénavant au sein des grands groupes d’aliments (volailles plutôt que viande bovine).

En Sardaigne, en revanche, c’est l’épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) dont les prions sont maintenant considérés comme la cause et dont la transmission à l’homme est avérée (OMS, 2000), plus connue sous le nom de ‘crise de la vache folle’, qui a été déclarée comme le principal facteur limitant de la consommation, et le fait que la phobie de l’ESB n’aurait pas touché de façon homogène toute la population expliquerait la division entre la diminution et l’augmentation de la consommation. La phase de croissance ne serait donc là pas tout à fait terminée, sans pour autant entraver la phase de modification de la consommation en terme de structure comme nous le verrons plus loin.

A Malte, étant donné la rareté de la viande rouge dans le passé, la viande de lapin était amplement consommée, ainsi que celle de pigeons, qui étaient tous deux élevés sur les toits plats des habitations. A une époque aussi récente que 1999, la consommation de lapins s’élevait à environ 9 kg/an/personne, conférant aux Maltais le statut de plus grands consommateurs de lapin par personne au monde (tableau 19).

La viande de lapin n’étant pas autant consommée dans le passé en Sardaigne qu’à Malte, une plus grande proportion de femmes sardes en a augmenté la consommation (solde : +58 contre +3 pour les femmes maltaises ; p<0.05) ; ceci explique donc la différence significative d’évolution observée entre les deux nationalités de femmes de la première génération. En revanche, les soldes négatifs, sans différence significative, indiquent une diminution d’ampleur similaire chez les deux nationalités de femmes de la seconde génération (soldes (+/-) : -10 et -43 en Sardaigne et à Malte respectivement).

Tableau 19 : Comparaison de la consommation de lapin à Malte avec d’autres pays méditerranéens Kg/an/personne Malte 8,9 Italie 5,71 Chypre 4,37 France 2,76 Source : http://www.fao.org/WAICENT/OIS/PRESS_NE/PRESSENG/1999/pren9913.htm

La classique baisse de la consommation en légumineuses généralement engendrée par la modernité (Combris, 2002), retrouvée dans d’autres pays (Gerber et al., 1999 ; Siari et al., 2002), ne fait malheureusement pas défaut à la Sardaigne qui semble perdre le bénéfice d’une consommation importante qu’elle connaissait aux générations antérieures depuis notamment l’époque médiévale et qui touchait aussi les Cagliaritains grâce à la diffusion des légumineuses de l’intérieur de l’île (où se situait la majeure partie de la production) vers la capitale, à l’extrême sud de l’île (Olla Repetto et Ferrante, 1989). La diminution est d’autant plus importante qu’elle s’est effectuée sur les deux générations étudiées (soldes : -48 et -35 pour les mères et les filles). La diminution de la fréquence de consommation des légumineuses est directement liée à celle de la traditionnelle minestrone (dont la diminution est aussi constatée aux deux générations), puisque jusqu’à il y a quelques années, la fréquence de consommation de la soupe, ainsi que sa forte teneur en légumineuses (fèves, pois-chiches, petits-pois et haricots secs figurent parmi les plus consommés) étaient souvent de bons indicateurs de la pauvreté de l’après-guerre. En effet, à cette époque, la soupe était beaucoup plus fréquente puisque consommée quasi quotidiennement et en toutes saisons ; en outre,

aliment de base par excellence, elle était essentiellement composée de légumineuses (plutôt que de légumes frais qui étaient moins disponibles et plus limités en variétés) et quelquefois de pâtes, ainsi que de pommes de terre et/ou de pain. Enfin, la minestrone étant souvent le plat principal et unique, il se devait donc d’être nourrissant afin de rassasier toute la famille qui était généralement plus nombreuse qu’actuellement. Lorsque les familles n’avaient pas leurs propres élevages, qu’il s’agisse de bovins ou d’ovins, de volailles ou de cochons, un morceau de viande venait uniquement agrémenter le quotidien le dimanche, à l’occasion des jours de fêtes ou lorsqu’un membre de la famille était souffrant. Les fèves -indubitablement les légumineuses les plus utilisées dans la cuisine sarde- se consommaient fréquemment accommodées de lard ; ce plat particulièrement typique du passé est actuellement en très forte régression, voire totalement absent des pratiques alimentaires, et contribue à expliquer la diminution de la consommation de cet aliment.

I.2 Des préparations toujours plus diversifiées

Si la consommation de certains aliments, tels les pâtes ou le poulet par exemple, a augmenté, cela n’est cependant pas uniquement dû au simple fait d’une meilleure disponibilité par le biais du développement, généralisé à tous les pays méditerranéens (Labonne, 1989), de la production des viandes blanches industrielles et/ou d’un pouvoir d’achat accru mais à un savoir-faire culinaire en pleine mutation.

En effet, pour les deux nationalités de femmes, la principale raison évoquée pour l’augmentation de la fréquence de consommation des pâtes est la possibilité récente de les préparer de façons multiples et variées. Si en Sardaigne, l’évolution de la consommation de pâtes ne marque pas de différence générationnelle, à Malte, l’augmentation est significativement plus marquée chez les filles, tandis que les mères ont gardé la même fréquence de consommation que dans le passé ou l’ont diminuée (cf tableau Annexe 2). Les nouveaux modes de préparation touchent, par ordre décroissant, aussi bien les filles sardes et maltaises (87% et 93% respectivement), les mères maltaises (57%) et 52% des mères sardes (cf tableau 3 Annexe 3). Ceux-ci incluent l’utilisation de crème fraîche, du pesto, de légumes variés, de produits de la mer, de bacon pour les aliments les plus mentionnés par ces femmes. Cependant, ces changements contemporains n’entravent pas la pérennisation des modes de préparations traditionnels respectifs aux deux îles et qui sont toujours fortement prévalents chez les femmes de la première génération. C’est-à-dire avec sauce tomate -traditionnellement faite maison- accompagnée de morceaux de saucisse locale, le tout parsemé de parmesan en

Sardaigne ; et les macaronis au four (imbriqués ou non dans une pâte brisée), ou à la bolognaise à Malte. Les changements de préparation opérés par la première génération de femmes consistent cependant principalement à modifier les ingrédients et/ou leur quantité dans les plats traditionnels. Il est en effet important de préciser que les plats à base de pâtes, qui ont été mentionnés à Malte, étaient généralement plus riches à l’époque de l’enfance des femmes de la seconde génération, et le restent encore malgré ces changements quantitatifs en comparaison avec la Sardaigne, puisqu’ils contiennent des œufs, de la crème fraîche, du fromage à forte teneur en matières grasses et acides gras saturés (ex : cheddar), du bacon ou encore du corned beef pour ne citer que quelques-uns des aliments les moins favorables à un bon état de santé. Rappelons que cette époque en question qui correspond aux années 1960- 1980, coïncide, sur l’archipel maltais, avec le retour des émigrants partis aux antipodes ainsi qu’avec la montée du tourisme de masse et par conséquent avec le renforcement de la diffusion de pratiques alimentaires anglo-saxonnes.

Le rôti remplace le bouilli

Au regard du très célèbre triangle culinaire lévi-straussien, opposant le rôti (symbole de la nature), le bouilli (symbole de la culture) et le frit, -avec antériorité historique du premier sur le second-, cela paraît tout à fait incongru. Pourtant, en Sardaigne comme à Malte, le poulet - aliment riche et léger- était, autrefois, plutôt associé aux reconstituants. Ceci allant, pour l’instant, dans le sens de Lévi-Strauss (1968) puisqu’il a lui-même déclaré « le bouilli c’est la vie, le rôti c’est la mort, le folklore du monde entier offre d’innombrables exemples de chaudrons d’immortalité, mais de broche d’immortalité, point ». Le poulet était donc associé aux périodes de convalescence et était administré sous forme de bouillon lorsque quelqu’un était malade ou bien encore était consommé par les femmes suite à l’accouchement, signe de la diffusion et de la vulgarisation du très ancien système médical hippocratique (Aubaile- Sallenave, 1996). Là où l’on n’est plus en accord avec l’opinion universellement répandue que le rôtissage précède, dans l’histoire de l’humanité, la cuisson bouillie85 (Brillat-Savarin, 1975), c’est que lorsqu’il était préparé pour tout le monde, le poulet était d’abord cuit au bouillon pour être ensuite rôti au four à Malte. Le poulet était farci au préalable (avec de la viande de porc hachée, du fromage, de l’ail et du persil pour ce qui est des femmes maltaises

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