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II. Œuvre de Jésus Miséricordieux de la Paroisse Notre-Dame des Sept Douleurs de Verdun.

3. Observations participantes

a) Fête de la Divine Miséricorde.

La fête de la Divine Miséricorde a lieu seulement une fois par année, contrairement aux après-midis de prières qui ont lieu régulièrement chaque mois. La grande fête de la Miséricorde est en quelque sorte, l’événement central de la dévotion et se célèbre chaque année le dimanche après Pâques. Pour cette fête, il ne s’agit plus d’un petit groupe de fidèles qui se réunit chaque mois dans la chapelle du sous-sol de l’église, mais d’environs 1800 fidèles qui se rassemblent dans l’église du haut pour fêter ensemble leur dévotion envers Jésus Miséricordieux. Il devient alors très intéressant d’observer les comportements et les pratiques des fidèles lors de ce grand rassemblement. Cette fête rassemble des fidèles venant de Verdun, des environs de Montréal, mais aussi de Trois- Rivières, d’Ottawa, de Gatineau et même des États-Unis. La journée commence par la prière qui débute à 10 h dans la chapelle au sous-sol de l'église. Après le dîner il y a procession dans les rues de la ville avec le Saint-Sacrement; de retour à l’église, il y a les confessions pendant l’adoration silencieuse. À 15 heures, le chemin de la Croix est suivi du chapelet de la Miséricorde, de la vénération de la relique de Sainte Faustyna et de la messe solennelle à 16 h 15.

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b) Après-midis de prières dans la chapelle de l’Œuvre.

Les membres de l’Œuvre de Jésus Miséricordieux organisent tous les troisièmes vendredis de chaque mois, de septembre à juin, une après-midi de prières dans la chapelle au sous-sol de l’église de Notre-Dame des Sept Douleurs de Verdun.

Chapelle de l’Œuvre de Jésus Miséricorde au sous-sol de l’église

(septembre 2013. Photo prise par l’auteur)

Le vendredi 21 juin, je me suis rendue à la chapelle pour faire ma première observation. La messe clôturait les activités de l’après-midi vers 16 h. Je suis donc restée après la messe pour discuter avec les fidèles et créer ainsi des liens. En participant aux différentes activités de l’après-midi de prières dédié à Jésus Miséricordieux, j’ai eu l’occasion d’observer les actions, les comportements et les pratiques rituelles de tous les participants, que ce soit le célébrant, la cantatrice, l’organiste, les animateurs ou les fidèles. L’intérêt de mon observation portait principalement sur la nouveauté du langage, de la gestuelle et des rituels de la dévotion à Jésus Miséricordieux. Le fait d’être en communauté encourage les fidèles à poser des gestes qu’ils ne font pas nécessairement

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chez eux, lorsqu’ils sont seuls en prière. Les gestes et les paroles des fidèles sont motivés par l’inspiration du moment et par la présence du groupe. Ce qui différencie la pratique collective de la pratique individuelle ce sont les attitudes communes à observer par tous les fidèles. À moins que leur état de santé ne leur permette pas, les lieux ou le grand nombre des participants ou d'autres raisons s'y opposent, ces attitudes communes sont un signe de l’unité des fidèles rassemblés. La position assise est celle de l'écoute et de la méditation; la position à genoux exprime la supplication, le repentir, l'adoration; la position verticale permet de se tenir devant Dieu dans la louange.

Dans la pratique individuelle, la prière est plus spontanée, elle peut se faire à haute voix ou en silence et peut durer dix minutes comme plusieurs heures. Henri Bergson (1859- 1941) est un philosophe français. Il a publié quatre principaux ouvrages dont : « Les Deux Sources de la morale et de la religion » en 1932. Selon lui, « la prière est indifférente à son expression verbale ; c'est une élévation de l'âme, qui pourrait se passer de la parole »70. Elle se fait le plus souvent sous une forme silencieuse tout en disposant son corps à l'attention par une posture qui favorise le recueillement, la concentration et la sérénité. Le rôle du corps est très important dans la pratique, car il peut être une gêne ou une aide à la prière.

Selon le théologien Jacques Gauthier, « c’est avec le corps que nous nous plaçons devant Dieu et que nous tendons les mains vers lui. Le corps soutient la prière. Il n’est pas seulement l’acteur par lequel s’exprime la prière, mais il est aussi le moteur qui la déclenche. La posture corporelle crée telle attitude intérieure qui se change en prière.»71(p.11)

Chacun des répondants dit adopter une posture particulière: assise, à genoux, debout, mains jointes, yeux fermés ou ouverts. Bref, la démarche de prière lorsqu’elle est faite individuellement est très simple et adaptée aux besoins de chacun, et cela, les

70Selon Henri Bergson. Les deux Sources de la morale et de la religion. Les classiques des

sciences sociales. 1932.

71 Gauthier, Jacques. Prier avec son corps. Collection : Les Chemins de la prière no 3. Paris. Presses de la Renaissance. 2007. p.11.

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répondants l’on souligné d’une façon particulière. Chacun d’entre eux opte pour la position corporelle qui favorise le plus leur prière. Lorsque le fidèle prie seul, il apprend à demeurer tranquille, ce qui implique d'être attentif à la manière dont il s'installe : la position, le lieu et le moment doivent être pris en considération. Le fidèle est alors seul avec son Dieu, l'atmosphère est plus intime et les distractions sont presque inexistantes. Dans la pratique collective, le fidèle est facilement distrait par toutes sortes de choses : les personnes qui arrivent en retard, le bruit et le craquement du plancher, des bancs ou des chaises, les va-et-vient constants dans l'église, les voix et les pleurs des enfants, sans oublier les sonneries des cellulaires qui retentissent occasionnellement, toutes sortes de bruits qui nuisent à la concentration. Car malgré l’aspect collectif de la célébration, les dévots préfèrent retrouver les conditions de la prière privée et c’est la raison pour laquelle, la plupart des fidèles préfèrent s’assoir en avant dans les premiers bancs pour être moins dérangés. Quant à moi, j’ai préféré me placer à l’arrière de l’église pour avoir une vue d’ensemble et être en mesure de bien mener mon observation de terrain.

Lors de mes observations de terrain, j’ai pu constater que le lieu joue un rôle essentiel dans le comportement des fidèles, surtout lors des grands événements et des fêtes qui représentent des moments forts de leur pratique religieuse. Tel que j’ai pu le constater dans ma propre pratique et dans celle de mes répondants, le dévot a besoin de soutiens extérieurs tels que l’image de Jésus Miséricordieux, le chapelet, la lumière des cierges, la chaleur des assemblés de prière, la ferveur des chants, de l’orgue, d’un groupe de prière. Bien que la pratique de la dévotion soit très intériorisée, la musique et les chants procurent aux fidèles une ambiance qui favorise l’expression de la prière. Car le rituel est une action, qui implique l’intervention de tout le corps, y compris dans sa dimension sensible : les membres (mouvements), les yeux, les oreilles (le chant, la musique, la parole, le silence, la musique de l’orgue, les chants) le nez (encens, fleurs), le toucher (les reliques, les tableaux et statues). Le rituel n’a de sens que si l’assemblée devient un seul corps de louange. Ceci se fera par des choix de gestes cohérents entre eux, et en accord avec le rituel. La musique de l'orgue joue un grand rôle pour l'inspiration ainsi que l'odeur de l'encens, le fait d'avoir la présence réelle dans l'Hostie lors de l'adoration, les

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différents chants, les voix de la chorale et de tous les participants, le fait d'être plusieurs à prier en commun donne une force, une puissance aux paroles de la communauté rassemblée. Dans le rituel, les réalités les plus spirituelles passent par le corps. L’espace du culte joue un grand rôle dans le comportement des fidèles. Le fidèle est capable d’exprimer par la musique sa joie et sa peine. L'orgue élève les chants et les supplications des fidèles vers Dieu. Il inspire et soutient le chant de l’assemblée. Lors de mes observations, j’ai pu constater que tous les acteurs, animés ou non, jouent un grand rôle dans la prière.

c) Événement : « Jésus dans la rue »

Ce sont les employés et les bénévoles qui m’ont parlé de cet événement de « Jésus dans la rue » dont j'ignorais l'existence. Elles m’ont invitée à y participer et surtout à venir me joindre à leur prière pour le monde entier. Le Père Ks. Michael Sopocko a fondé la nouvelle Congrégation des sœurs de la Miséricorde Divine, d’après les révélations données par Jésus à Sainte Faustyna. Ce sont les sœurs de cette même communauté qui ont demandé aux dévots de chaque pays de prier le chapelet de la Divine Miséricorde à 15 h précise, le 28 septembre de chaque année, en union avec tous les dévots à travers le monde qui pratiquent la dévotion à la Divine Miséricorde. Elles leur demandent également de réciter ce chapelet à haute voix, dans la rue, devant une statue de Jésus dans le but de témoigner de leur foi et de prier pour le monde entier.

C’est ainsi que le samedi 28 septembre 2013, le jour anniversaire de la béatification du Père Sopocko, je suis allée rejoindre un petit rassemblement pour participer à la prière du groupe et l’observer par la même occasion. Une quinzaine de personnes se sont retrouvées au pied de la statue du Sacré-Cœur, placée sur un pilier sur lequel étaient gravés ces mots : « SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS, J’AI CONFIANCE EN VOUS. » À 15 h précise, avec leur chapelet à la main, les dévots ont fait leur signe de la croix pour débuter la prière à haute voix. La prière a duré environ 20 minutes. Une quinzaine de personnes formait ce groupe. Les fidèles faisaient tous face à la statue de Jésus en formant un demi- cercle sur le trottoir. Avec mon chapelet à la main comme tous les autres participants, j’ai

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récité le chapelet avec ferveur. Je faisais vraiment partie du groupe. Ma situation était celle du fidèle, participant avec ferveur à la prière du chapelet à la Divine Miséricorde.

d) Fête de Sainte Maria Faustyna Kowalska

La Fête de Sainte Faustyna Kowaslka est célébrée chaque année le 5 octobre depuis sa canonisation en 2000. Le 5 octobre est la date anniversaire de sa mort en 1938. Chaque année, entre soixante-dix et quatre-vingts personnes viennent participer à la fête de Sainte Faustyna le 5 octobre. Contrairement aux années précédentes, où la Fête de Sainte Faustyna se célébrait dans la grande église de Notre-Dame-Des-Sept-Douleurs de Verdun, cette année, la fête a eu lieu dans la chapelle dédiée à l’Œuvre de Jésus Miséricordieux au sous-sol de l’église. C’était la première fois que la fête de Sainte Faustyna tombait un samedi et que deux mariages avaient lieu, donc l’église n’était pas disponible. M. l’abbé Stéphane Roy, aumônier de l’Œuvre de Jésus Miséricordieux, mais aussi l’aumônier de la prison de Bordeaux fut invité à présider la Fête de Sainte Faustyna. Il fut le conférencier, le confesseur et le célébrant. Lors de sa conférence, il a souligné le 75e anniversaire de la mort de Sainte Faustyna. C’est à l’occasion des fêtes que les fidèles se rassemblent pour célébrer leur dévotion à Jésus Miséricordieux. On retrouve lors de ces fêtes, un programme d’activités assez semblable: conférence, adoration, chemin de la Croix, Chapelet à la Divine Miséricorde et messe. Cependant, à l’occasion de la fête de Sainte Faustyna, on rajoute un rituel au programme, la vénération de la relique de la Sainte qui se fait individuellement. Les membres de l’Œuvre sortent la relique deux fois par année, le jour de la grande fête de la Miséricorde et le jour de la fête de Sainte Faustyna afin qu’elle puisse être vénérée par les fidèles. Le fait d’embrasser la relique en signe de confiance et de respect est un rituel qui est simple, mais pourtant très significatif puisqu’il signifie que le dévot partage la foi de la Sainte. La relique est en quelque sorte un support matériel à la foi. Le groupe de participants est formé de personnes d’origine québécoise, latino-américaine, africaine et haïtienne. La dévotion à Jésus Miséricordieux se pratique au quotidien, de façon personnelle, mais lorsque les fidèles se retrouvent au

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sein d’un groupe en communion avec l'Église universelle, leur prière prend une dimension universelle. Mon observation portait sur la gestuelle des fidèles, sur les rituelles, les paroles, les prières et sur les chants, car ce sont les fidèles qui donnent un sens à la dévotion à travers leur pratique quotidienne. Dans le chapitre suivant, nous en ferons une description détaillée.

1. Entrevues semi-dirigées