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Le manteau neigeux peut ˆetre d´ecrit par ses propri´et´es physiques, dont les mesures permettent une quantification de sa variabilit´e spatiale et temporelle. Ces mesures se basent sur des observations in-situ ou par t´el´ed´etection. On distingue d’abord les pro- pri´et´es d´ecrivant le manteau neigeux sur toute son ´epaisseur :

• La hauteur de neige totale (SD pour Snow Depth en anglais, exprim´ee en m) est la mesure du manteau neigeux la plus commune de par sa facilit´e d’acquisition. Les variations de SD d´ependent d’une part des processus d’accumulation et d’ablation du manteau neigeux, d’autre part du tassement de la neige. Elle peut ˆetre mesur´ee par un observateur `a l’aide d’une sonde ou par une station automatique `a l’aide d’un capteur ultrason ou laser. Dans les massifs montagneux franc¸ais, elle est notamment mesur´ee au pas horaire par le r´eseau de stations automatiques de haute montagne de M´et´eo-France (dites ”nivˆoses” ; Lecorps and Morin, 2015) et quotidiennement par les observateurs nivo-m´et´eorologiques des stations de ski, en saison hivernale. La hauteur de neige peut ´egalement ˆetre mesur´ee par t´el´ed´etection laser (Deems et al., 2013), aussi appel´ee Lidar (light detection and ranging) : celle- ci peut ˆetre a´eroport´ee (e.g. Gr¨unewald et al., 2013) ou terrestre (e.g. Prokop, 2008). La photogramm´etrie, `a bord d’un avion (e.g. B¨uhler et al., 2015; Nolan et al., 2015) ou d’un drone (e.g. Vander Jagt et al., 2015), offre une alternative `a moindre coˆut. Enfin, r´ecemment, des cartes de hauteur de neige `a r´esolution m´etrique ont ´et´e produites `a partir d’images satellites tri-st´er´eoscopiques (Marti et al., 2016).

• La masse totale du manteau neigeux, par unit´e de surface, aussi appel´ee ´equivalent en eau de la neige (SWE pour Snow Water Equivalent en anglais, exprim´e en kg m−2, ou en mm en consid´erant une masse volumique de l’eau de 1000 kg m−3)

est la masse totale d’eau condens´ee sur toute l’´epaisseur, c’est-`a-dire la masse de l’eau issue d’une fonte instantan´ee du manteau neigeux. Cette grandeur est donc particuli`erement indicative pour l’hydrologie. Elle est reli´ee `a la hauteur de neige totale par la densit´e ou masse volumique moyenne (exprim´ee en kg m−3) :

ρ = SW E/SD. Les variations de SWE d´ependent des processus d’accumulation

et d’ablation du manteau neigeux. Le SWE peut ˆetre mesur´e manuellement par pes´ee d’un carottage vertical, ou bien automatiquement par des capteurs au sol de flux neutronique du rayonnement cosmique, en consid´erant l’att´enuation de ce dernier par l’atmosph`ere puis le manteau neigeux (Kodama, 1980). Dans les massifs montagneux franc¸ais, EDF (Electricit´e de France) exploite ainsi une qua- rantaine de capteurs NRC (Nivom`etres `a Rayonnement Cosmique), fonctionnant sur ce principe (Gottardi et al., 2013). Dans le r´eseau am´ericain de stations auto- matiques SNOTEL1, le SWE est mesur´e `a l’aide d’instruments dits ”snow pillows”

fonctionnant sur un principe de balances `a neige (e.g. Serreze et al., 1999). En t´el´ed´etection par satellite, les micro-ondes passives peuvent ˆetre utilis´ees pour esti- mer le SWE, mais ces mesures sont encore soumises `a de nombreuses incertitudes (e.g. Davenport et al., 2012; Dozier et al., 2016).

On peut par ailleurs mesurer des propri´et´es physiques d´ecrivant un ´etat local de la neige (en pratique une couche du manteau neigeux). A cette fin, l’observateur r´ealise un sondage stratigraphique, c’est-`a-dire une coupe verticale du manteau neigeux (Fig. 1.7). Il d´elimite alors visuellement une stratification verticale en couches homog`enes. De tels sondages sont r´ealis´es r´eguli`erement au cours de l’hiver par les observateurs nivo- m´et´eorologiques des stations de ski et par les nivologues de M´et´eo-France, afin de col- lecter des donn´ees pour aider `a la pr´evision du risque d’avalanche. L’observateur peut mesurer les propri´et´es suivantes, pour chaque couche ou `a intervalle r´egulier sur la ver- ticale :

• La temp´erature (exprim´ee en K) est une variable essentielle pour caract´eriser l’´etat physique de la neige. On la mesure `a l’aide d’une sonde ´electronique. Des mesures r´eguli`eres sur la verticale donnent acc`es au gradient vertical de temp´erature, indi- catif des m´etamorphismes en jeu (Sect. 1.1.2.3).

• La densit´e, ou masse volumique (exprim´ee en kg m−3), peut pr´esenter une varia-

bilit´e tr`es marqu´ee sur la verticale d’un manteau neigeux. Sa variabilit´e spatiale horizontale est n´eanmoins moindre que celle de la hauteur de neige (L´opez-Moreno et al., 2013). Elle est g´en´eralement comprise entre 20 kg m−3 pour de la neige

fraˆıche tr`es l´eg`ere et 600 kg m−3 pour de la neige humide de n´ev´e. La densit´e de la

neige tombante est influenc´ee par la temp´erature et le vent (e.g. Pahaut, 1975),

Figure 1.7 – Photographie d’une coupe verticale du manteau neigeux au col du Lau- taret. Cr´edits : F. Tuzet.

ainsi que par le type d’hydrom´et´eores et leur degr´e de givrage (Power et al., 1964; Ishizaka et al., 2016). Une fois au sol, la densit´e de la neige ´evolue selon le vent, le tassement et les m´etamorphismes. Elle se mesure par pes´ee de carottiers de volume connu.

• Pour chaque couche identifi´ee, l’observateur d´etermine le type de grain principal et sa taille caract´eristique `a l’aide d’une loupe. De telles mesures sont n´eanmoins subjectives et peuvent pr´esenter des variations non n´egligeables d’un observateur `a l’autre.

• La surface sp´ecifique de la neige (SSA pour Specific Surface Area en anglais, ex- prim´ee en m2kg−1) repr´esente la surface totale de l’interface glace-air par unit´e de

masse. C’est une grandeur importante pour la description de l’´etat microstuctural de la neige, variant selon le type de grain et la densit´e (Domine et al., 2007; Morin et al., 2013). Elle a une influence marqu´ee sur les propri´et´es optiques de la neige (Grenfell and Warren, 1999). La SSA d’un ´echantillon de neige peut ˆetre mesur´ee notamment grˆace `a l’instrument DUFISSS (DUal Frequency Integrating Sphere for

Snow SSA measurement ; Gallet et al., 2009), exploitant la r´eflectance infra-rouge h´emisph´erique de la neige.

• La teneur en eau liquide (TEL, ou LWC pour Liquid Water Content en anglais) repr´esente la proportion massique ou volumique d’eau liquide dans la neige. Sa mesure exploite la variation des propri´et´es ´electriques de la neige en pr´esence d’eau liquide.

• La r´esistance `a l’enfoncement (exprim´ee en N) est un moyen de caract´eriser la fragilit´e d’une couche. Elle peut ˆetre mesur´ee `a l’aide de sondes manuelles ou ´electroniques (e.g. Hagenmuller and Pilloix, 2016).

• Les propri´et´es optiques de la neige peuvent ˆetre l’objet de mesures avanc´ees (e.g. Libois et al., 2013). On n’´evoquera ici que la plus commune, l’alb´edo de surface large bande, d´efini comme le rapport entre le rayonnement r´efl´echi et le rayon- nement incident `a courtes longueurs d’ondes (visible et proche infra-rouge). Une mesure classique consiste en l’utilisation de deux pyranom`etres (capteurs de rayon- nement `a courtes longueurs d’ondes), l’un orient´e vers le ciel, l’autre vers la surface de la neige.

Enfin, la t´el´ed´etection optique par l’imageur MODIS (Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer), `a bord des satellites TERRA et AQUA, permet d’obtenir des images quotidiennes de la fraction de couvert nival (MOD10A1, Klein and Stroeve, 2002). Celles- ci sont obtenues grˆace aux spectrom`etres dans sept bandes spectrales du visible et du proche infra-rouge parmi les 36 bandes spectrales de MODIS. La r´esolution spatiale varie entre 250 m et 1 km selon la bande spectrale. Des cartes du couvert neigeux sont ´egalement d´eriv´ees des satellites LANDSAT-8 et Sentinel-2 (e.g. Dedieu et al., 2016) `a ´echelle r´egionale `a des r´esolutions spatiales beaucoup plus fines (respectivement 30 m et 10 m) mais `a des fr´equences plus faibles (respectivement 16 jours et 5 jours).

Les observations in-situ r´eguli`eres du manteau neigeux permettent d’en connaˆıtre la variabilit´e temporelle, ainsi que sa variabilit´e verticale dans le cas de sondages stratigra- phiques. Si elles peuvent ˆetre indicatives de l’´evolution du manteau neigeux dans une zone d´efinie, leur repr´esentativit´e spatiale est limit´ee (Gr¨unewald and Lehning, 2015), et fortement d´ependante de la configuration topographique. Par ailleurs, certaines zones montagneuses disposent de peu d’observations in-situ r´eguli`eres. Les observations de t´el´ed´etection permettent de palier `a cette extension spatiale limit´ee des observations in- situ. Des observations telles que le Lidar a´eroport´e ou terrestre fournissent par exemple des cartes d´ecrivant avec pr´ecision la variabilit´e spatiale du manteau neigeux `a l’´echelle d’un bassin versant (e.g. Revuelto et al., 2014). A l’´echelle d’une chaˆıne de montagnes, la t´el´ed´etection par satellite apporte des informations distribu´ees sur des zones ´etendues, mais avec une description pour le moment tr`es limit´ee de l’´etat interne du manteau

neigeux. A ce titre, la mod´elisation num´erique s’av`ere n´ecessaire pour obtenir une des- cription fine du manteau neigeux quand les observations disponibles sont limit´ees. Elle est surtout l’unique moyen de pr´edire l’´evolution future du manteau neigeux.

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