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3. Etude de la gangue

3.2. Observation de la gangue

L’observation de la goutte formant l’extrémité de l’électrode, pendant le processus de soudage, n’est pas aisée du fait de sa faible durée de vie et sa petite taille (diamètre inférieure à 2 mm). Le protocole généralement employé consiste donc à son prélèvement après extinction de l’arc, ce qui permet d’utiliser des moyens d’analyse poussés comme le microscope électronique à balayage couplé à l’analyse EDX pour appréhender sa nature physico-chimique. Nous avons largement développé cette approche dans les paragraphes précédents. Cette méthode présente cependant l’inconvénient d’introduire une incertitude liée à la cinétique de solidification de la goutte. Même s’il semble probable que la gangue existe in situ lors du processus de soudage, il est difficile de connaître son état (solide ou liquide) à partir des seules caractérisations de la goutte solidifiée. Comme le phénomène de conduction du courant est très différent en phase solide et liquide, la connaissance de l’état physique de la gangue est indispensable. Sa conductivité électrique

est en effet déterminante par rapport aux phénomènes étudiés, en relation avec la forme des lignes de courant dans le plasma et le métal.

L’existence d’une gangue d’oxyde a été mise en évidence, dans un tout autre contexte, lors d’études spécifiques des propriétés des métaux, notamment dans la thèse de G. Wille [147]. Dans ces travaux, une goutte de quelques millimètres de diamètre est placée en lévitation aérodynamique et chauffée par un rayonnement laser de puissance (800 W), dans une atmosphère contrôlée (argon, CO2…). Cependant ce dispositif était spécifiquement destiné à la formation des oxydes, pour l’étude de leurs propriétés fondamentales. Avant les travaux de S. Zielinska [1] il n’avait jamais été fait mention de la présence d’une gangue d’oxyde sur les gouttes terminant les électrodes en soudage MIG-MAG.

Pour valider la présence de la gangue in situ et déterminer son état lors du soudage, des observations spécifiques ont été réalisées : tout d’abord après solidification, d’après la caractérisation microstructurale, par ailleurs par observation in situ à l’aide de la caméra. Les analyses apportent de nombreux arguments en faveur de l’hypothèse d’une gangue liquide, présente lors du procédé de soudage.

Les températures attendues à l’interface goutte-plasma sont élevées : les valeurs calculées par J. Hu. et H.L. Tsai [39] sont de 2600 K (à la surface en bas de la goutte) à 2900 K (sur les côtés de la goutte). Cela implique donc un état fondu, peut-être même la vaporisation de certains composants compte-tenu des propriétés thermodynamiques [Cf. Figure.IV.18 : Diagramme d’Ellingham].

On observe que la gangue suit fidèlement le contour de la partie métallique de la goutte, même lorsqu’il est très accidenté [Cf. Figure VII.17]. Elle présente un aspect amorphe compatible avec la trempe d’un liquide de composition vitrifiable.

Figure VII.17 : Fil AS 35, argon seul – I = 146 A

[Conditions expérimentales : Fil AS 35 ; Vfil = 3,5 m/mn ; Dg = 20 l/mn]

Sur la Figure VII.18, on peut voir une gouttelette de métal solidifiée au moment de son détachement de la goutte principale, dont la surface externe est visible sur le bas de l’image. On constate que la gouttelette a traversé la gangue en perçant celle-ci. On peut donc en déduire que la gangue était présente lorsque la goutte était liquide, donc au cours du soudage. Le fait que la gangue couvre par mouillage le contour d’une partie de la gouttelette semble confirmer qu’elle était également liquide.

Figure VII.18 : Gouttelette de métal à la surface de la goutte, piégée dans la gangue

[Conditions expérimentales : Fil massif AS 42 ; argon + 40% CO2 I = 330 A ; Vfil = 9 m/mn ; Dg = 20 l/mn]

L’emploi de la caméra Fastcam 1024 PCI a permis de réaliser une visualisation directe. La résolution spatiale (10 µm par pixel) est suffisante pour obtenir des détails précis, la vitesse d’acquisition de 3000 images par secondes permettant de suivre l’évolution de la goutte.

Figure VII.19 : Visualisation de la gangue, δt = 333 µs.

La séquence d’images présentée sur la Figure VII.19 correspond au soudage avec le fil AS 26 (0,064% Si). Pour obtenir un régime globulaire stable le taux de CO2 employé est de 30% pour un courant de 300 ampères. Les six images successives présentées sont séparées chacune de 333 µs (fréquence d’acquisition de 3000 images par secondes).

On peut voir un morceau de la gangue se détacher (image 2), ce qui produit une onde de choc (image 3) causant le retrait momentané de la gangue (images 4 et 5) : la gangue ne recouvre la goutte qu’à droite (partie claire). Elle se reforme ensuite, puisqu’on ne distingue presque plus de contraste à la surface de la goutte sur l’image 6. En effet la gangue se forme en permanence au contact du métal liquide.

L’étude des enregistrements vidéo permet d’estimer l’épaisseur de la gangue à 20 à 30 µm, ce qui est du même ordre de grandeur que l’épaisseur de la gangue mesurée au microscope sur les coupes solidifiées.

L’observation dans les différents cas montre, pour tous les fils, que la gangue est présente sous forme liquide au cours du fonctionnement de l’arc. L’observation détaillée de la surface des gouttes en régime globulaire montre que cette gangue ne forme pas une couche statique. Elle connaît au contraire de nombreuses déformations dont les plus extrêmes sont celles présentées sur la séquence précédente. La gangue présente souvent plusieurs couches, comme on peut le voir sur la Figure VII.20 :

Figure VII.20 : Structure de la gangue en régime globulaire, fil massif AS 42 : (a) : en cours de fonctionnement ; (b) : après extinction de l’arc

[Conditions expérimentales : Fil AS 42 ; argon + 50% CO2, I = 330 A ; Vfil = 9 m/mn ; Dg = 20 l/mn]

Pour les fils fourrés le régime globulaire est similaire à celui observé pour les fils massifs, avec cependant une plus grande instabilité de la forme de la goutte. L’observation montre que la gangue est également présente, comme on peut le voir sur la Figure VII.21. Elle est encore plus instable que pour les fils massifs et des morceaux s’en détachent fréquemment pendant la croissance de la goutte. C’est ce qui explique que pour les fils fourrés il soit plus difficile d’observer une gangue d’épaisseur constante, régulièrement répartie autour de la goutte.

Figure VII.21 : Visualisation de la gangue en fil fourré