• Aucun résultat trouvé

Les obligations de l’assureur

Section 2 L’évolution de l’accord collectif

II. Les obligations de l’assureur

79 - La sélection médicale des risques. L’article 2 de la loi Evin, applicable en matière de

prévoyance collective, impose à l’organisme assureur de prendre en charge les suites des états pathologiques survenus à un salarié avant la souscription du contrat, pour la couverture des risques décès, maladie, maternité. Cet article vise évidemment la conclusion d’un premier contrat d’assurance, mais elle est aussi applicable en cas de changement d’organisme assureur. Dans cette hypothèse, il limite la possibilité pour le nouvel assureur d’opérer une sélection médicale des risques, c’est-à-dire de refuser de prendre en charge certaines

150 Cass. soc., 18 juin 2002 : D. 2002, 2830 ; JCP G 2002, II, 10188, note J. Bigot : une association ayant pour

objet d’organiser la prévoyance des professionnels de santé avait souscrit en faveur de ses membres des contrats de prévoyance collective à adhésion facultative qui avaient été renouvelés par tacite reconduction jusqu’à ce que le souscripteur demande leur résiliation et négocié auprès d’un second assureur la conclusion d’un nouveau contrat aux mêmes conditions ; l’un des assurés estimait qu’il n’avait pas valablement adhéré au nouveau contrat de groupe et que les statuts de l’association étaient muets sur le sujet.

151

Cass. soc., 25 nov. 2004, n°03-16.874.

catégories de salariés au motif qu’ils présentent de « mauvais risques » (âge, invalidité, maladie antérieure, etc.). On pourrait néanmoins imaginer que l’assureur refuse de conclure le contrat d’assurance avec l’employeur en estimant que le coût du régime serait trop important. La notion de prise en charge concerne, d’abord, la poursuite du versement des prestations en cours de paiement et, plus largement, l’ensemble des conséquences des sinistres survenus antérieurement à la souscription du contrat. Ces dispositions permettent de protéger les salariés couverts par un régime de frais de santé en cas de changement d’assureur. Elles doivent être appliquées en tenant compte des stipulations de l’article 7 de la loi Evin relatives, cette fois, au nouvel assureur.

L’ancien assureur est tenu de prendre en charge les prestations immédiates ou différées, acquises ou nées pendant l’exécution du contrat d’assurance conformément à l’article 7 de la loi Evin. S’est alors posée la question de l’articulation entre l’article 2 et l’article 7 de la loi Evin, le salarié ne pouvant revendiquer un cumul des garanties153. Lorsque le contrat d’assurance groupe est rompu la Cour de cassation a considéré qu’il revenait au nouvel organisme assureur de prendre en charge les suites du risque survenu antérieurement au changement d’assureur154. C’est le cas notamment du salarié en arrêt maladie au moment de

la rupture du contrat d’assurance qui se trouve classé en invalidité postérieurement. La situation se complexifie lorsque l’employeur a souhaité changer de contrat d’assurance pour garantir à ses salariés de meilleures prestations. Dans ce cas, le nouvel assureur dont le contrat prévoit des garanties supplémentaires ou plus favorables va couvrir la différence entre ce que l’ancien assureur a versé et ce que prévoit le nouveau contrat d’assurance. Les prestations dues par le nouvel assureur seront toujours en déduction des prestations d’ores et déjà versées par l’ancien assureur. Tout autre solution aurait exposé l’employeur au risque d’une condamnation pour discrimination du salarié en raison de son état de santé, aucune circonstance ne justifiant de traiter différemment cette catégorie de personnel du seul fait qu’elle était malade au moment de la rupture du contrat d’assurance.

80 - L’action du salarié. Si l’assureur refuse d’accorder sa garantie, plusieurs actions sont

ouvertes au salarié. Il peut agir contre son employeur en application du mécanisme de

153 Cass. 1ere civ., 25 nov. 1997 : Bull. civ. 1997, I, n°325.

154 Cass. 2e civ., 14 janv. 2010, n°09-10.237 : Gaz. Pal. 2010, n°163, p. 44, note R. Thiesset : « il résulte de

l’article 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 que lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liées à la maternité, le risque décès ou les risques d’incapacité ou d’invalidité, la résiliation ou le non renouvellement du contrat ou de la convention de prévoyance est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Tel est le cas par exemple des prestations résultant du classement en invalidité de l’intéressé qui, bien que décidé après la résiliation du contrat, est la conséquence de la maladie survenu pendant la période de validité de celui-ci ».

stipulation pour autrui propre au contrat d’assurance groupe. Toutefois, la chambre commerciale de la Cour de cassation a également reconnu au salarié le bénéfice d’une action directe contre l’assureur qui aurait dû prendre en charge les suites des pathologies antérieures à la conclusion du contrat d’assurance155

. Cette jurisprudence peut paraître surprenante dans la mesure où aucun lien contractuel direct ne lie le salarié à l’assureur. En tout état de cause, si le salarié décide d’agir contre son employeur, ce dernier pourra se retourner contre l’organisme assureur défaillant. Étant donné la complexité des règles encadrant le sort des garanties collectives de prévoyance, il peut être judicieux d’anticiper leur devenir au moment où est arrêtée la stratégie se concrétisant par un changement de société ou d’activité économique. Ce faisant, il est essentiel de prendre en compte la nature de la norme instituant les garanties puisque le régime applicable est différent. Cependant, la négociation connaît des limites et peut ne pas aboutir. En cas d’échec des négociations, le nouvel article L. 911-7 du Code de la sécurité sociale impose aux entreprises dans lesquelles les salariés ne sont pas couverts par une couverture complémentaire en matière de frais de santé de mettre en place une telle couverture par décision unilatérale de l’employeur.

CHAPITRE 2 – L’ALTERNATIVE : LA NORME UNILATÉRALE

81 - De même que l’accord collectif, le caractère travailliste de la décision unilatérale est

incontestable. Les règles de droit du travail trouvent application s’agissant de la décision instituant un régime de frais de santé dans l’entreprise. Néanmoins, l’application du droit de la sécurité sociale et du droit des assurances implique certaines spécificités. Nous étudierons successivement le principe de la décision unilatérale (Section 1), puis sa remise en cause (Section 2).