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B. Comparaison des principaux résultats avec la littérature :

2. Obligation vaccinale :

Dans notre échantillon, l’extension de l’obligation vaccinale a été plus ou moins bien comprise. Mais globalement le but d’améliorer la couverture vaccinale est bien compris.

Malgré tout, le rôle d’un intérêt financier plutôt que d’un intérêt de santé publique comme motivation de ce changement de politique vaccinale est souvent sous-entendu.

a) Position concernant l’obligation :

Chez nos participants, le point de vue concernant l’obligation vaccinale est assez clair : ils s’opposent de façon plus ou moins véhémente à l‘obligation vaccinale. En effet, onze interviewés sur treize expriment ouvertement leur désaccord avec cette loi.

87 Dans l’enquête déclarative Nicolle 2006 (76), réalisée en 2006 en France par l’INPES, des médecins libéraux (généralistes et pédiatres) et le grand public ont été interrogés sur leurs connaissances, leur attitude et leur comportement face au risque infectieux. 56,5% de la population générale étaient en faveur de l’obligation vaccinale. Cependant, seuls 18,3 % des médecins généralistes pensaient que leur patientèle était en faveur de l’obligation vaccinale.

L’obligation vaccinale concernant onze vaccins a rencontré un souffle de mécontentement lors de sa mise en place, voire même une indignation chez certains. C’est le cas chez certains de nos interviewés où l’obligation est considérée comme une forme d’atteinte à la liberté individuelle.

A l’opposé, dans les enquêtes de santé publiques réalisées récemment (77,78), ce sentiment d’atteinte à la liberté individuelle n’est pas présent et il ressort en février 2019 une bonne adhésion aux mesures prises par la Ministre de la santé. Cependant dans ces études n’est pas précisée la part d’hésitant à la vaccination.

Ces études expliquent que 95% des parents d’enfants de 0 à 2 ans ont entendu parler des nouvelles vaccinations obligatoires, soit une hausse de 4% par rapport à juillet 2018.

Mais surtout, deux tiers des parents interrogés (67%) déclarent être aujourd’hui favorables à cette extension de l’obligation de 3 à 11 vaccinations. Parmi ces parents favorables, 10%, selon leur souvenir, ne l’étaient pas en décembre 2017.

Notre échantillon n’est pas représentatif de la population générale car nous avons exclusivement sollicité des sujets hésitants à la vaccination. Cependant, ce sentiment d’atteinte à la liberté individuelle pourrait être étudié de façon plus approfondie par d’autres études portant sur l’hésitation vaccinale.

b) Impact de l’obligation vaccinale sur les sujets hésitants à vacciner :

- Obligation vaccinale et liberté individuelle :

Dans notre échantillon, nombreux sont les interviewés qui, au sujet de l’obligation vaccinale, parlent ouvertement de leur sentiment d’atteinte à leur liberté individuelle, d’atteinte à leurs droits parentaux.

Le sentiment est d’être pris au piège pour certains, de perdre la liberté de choisir. Le caractère obligatoire est jugé comme liberticide ou anti-démocratique.

Comme décrit dans ce travail de thèse de Cellier (69), deux visions peuvent s’opposer entre intérêt individuel et intérêt collectif. La vaccination, dans son caractère « altruiste », se rapproche de la théorie de Rousseau développée dans le livre intitulé « le contrat social » (79). Se vacciner, c’est faire un geste citoyen, c’est œuvrer pour le bien de la collectivité. Cette première théorie s’oppose à la conception de l’intérêt général décrite par Smith dans l’ouvrage « Recherche sur la nature et les causes de la

richesse des nations », notamment quand il dit « la recherche des intérêts particuliers aboutit à

l’intérêt général » (80). Cette théorie correspond bien à l’idée de certains réticents à la vaccination qui souhaiteraient agir comme bon leur semble et s’extraire du champ d’action de l’Etat, en pensant malgré tout œuvrer pour le bien de la communauté. On observe bien cette ambivalence chez certains sujets de notre étude.

88 - Obligation vaccinale et scolarisation :

Pour certains des sujets de notre étude, la stratégie adoptée pour contrer l’obligation vaccinale les pousse à se poser la question de ne pas scolariser leurs enfants pour éviter certaines vaccinations. Cela au prix de sacrifices professionnels qu’ils se disent prêt à accepter.

Cependant, la scolarisation étant également une obligation, plusieurs interviewés évoquent donc le sentiment d’être pris au piège entre ces deux obligations, et cela renforce leur sentiment d’atteinte de leur liberté individuelle.

De plus, il a été récemment accepté par le Sénat, le 21 mai 2019, le projet de loi « une école de confiance » qui instaure l'instruction obligatoire à partir 3 ans (81).

- Obligation vaccinale et premiers résultats épidémiologiques :

En opposition aux résultats obtenus par notre étude, à savoir un vécu très négatif de cette obligation vaccinale, les données de la littérature montrent déjà de bons résultats en termes de couvertures vaccinales après un an et demi d’obligation. Ces données soutiennent l’effet positif de l’obligation vaccinale, comme le souligne la dernière enquête de santé publique (78), à savoir :

- Augmentation du recours à la vaccination chez les nourrissons nés depuis le 1er janvier 2018 par rapport à ceux nés en 2017 :

o + 5,5 % pour l’utilisation d’au moins une dose du vaccin hexavalent (98,6%),

o + 1,4 % pour la couverture vaccinale de la 1ère dose du vaccin contre le pneumocoque (99,4%),

o + 36,4 % pour la couverture vaccinale de la 1ère dose du vaccin contre le méningocoque C (passant de 39,3 à 75,7%),

- Augmentation des couvertures vaccinales chez les enfants nés avant l’entrée en application de la loi, entre 2017 et 2018 :

o + 2,2 % pour la 1ère dose du vaccin ROR (87,2%),

- Diminution importante de l’incidence des infections invasives dues au méningocoque C chez les nourrissons âgés de moins de un an, dans un contexte de forte augmentation de la couverture vaccinale pour la 1ère dose du vaccin à l’âge de 5 mois. En 2018, seulement quatre cas d’infections invasives à méningocoque C, ce qui est très en dessous du nombre de cas moyens par an rapportés par le CNR au cours de la période 2010-2016 (Figure 4).

L’extension de l’obligation renforce l’opposition à la vaccination, notamment pour les parents déjà hésitants de notre étude, mais d’un point de vue général, les premières données épidémiologiques démontrent, rapidement après sa mise en place, ses effets bénéfiques avec notamment une augmentation importante de la couverture vaccinale et une baisse de l’incidence annuelle des méningites à méningocoque C. Ces résultats encourageant pourraient être diffusés largement au grand public.

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