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6. L’incompatibilité des obligations de l’avocat-accompagnateur dans le

6.1. Obligation d’intégrité

Le nouveau Code de déontologie préconise la collaboration entre les avocats dans l’intérêt des clients et d’une saine administration de la justice213. L’avocat doit éviter

« toute pratique déloyale ou tout comportement à l’égard d’un autre avocat qui est susceptible de surprendre sa bonne foi, d’abuser de sa confiance ou de critiquer sans retenue et sans fondement sa compétence, son comportement, la qualité de ses services ou ses honoraires »214. Tous les avocats sont unanimes à dire que la profession

d’avocat serait « invivable sans un minimum de respect et de confiance mutuelle »215.

Le respect et la confiance mutuelle qui doivent exister entre les avocats sont particulièrement nécessaires en matière de négociation en vue du règlement de la cause. Le respect de la parole donnée prend ici une signification de toute première importance. Comme en tout autre domaine, l’intégrité de l’avocat est fondamentale. Comme le rappelle le Conseil de discipline du Barreau du Québec :

Une autre facette importante de la profession repose sur la relation que les avocats doivent avoir entre eux; il en va aussi d’une saine administration de la justice que les avocats doivent agir de façon honnête et ne pas

212 Code de déontologie, supra note 13, art 43. 213 Code de déontologie des avocats, art 132 al 1. 214 Ibid, art 132 al 2.

215 Jean Lanctôt, « Les devoirs envers la profession », dans École du Barreau du Québec, Justice participative, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2015-2016, 129 à la p 136 [Lanctôt, « Les devoirs envers

chercher à surprendre la bonne foi de leurs confrères, ou ne pas user de procédés déloyaux envers eux. L’avocat doit être cru lorsqu’il s’engage envers son confrère dans le cadre de sa relation professionnelle. C’est ce que le Code de déontologie veut protéger en bannissant un comportement qui irait à l’encontre des exigences de la bonne foi.216

Ainsi, quand un avocat dit qu’il consent à une remise, ou qu’il ne procédera pas sur une inscription, ou que son client accepte une offre de règlement, l’autre avocat peut généralement s’y fier, même s’il convient dans la plupart des cas de confirmer par écrit les accords verbaux pour des raisons évidentes, ne serait-ce que pour éviter les malentendus217.

Or, l’éthique de la négociation peut apporter certains bémols au devoir d’honnêteté imposé aux avocats de par les articles 119 et 132 du nouveau Code de déontologie :

Par exemple, jusqu’où un avocat peut-il user et abuser du ‘bluff’ vis-à-vis de son confrère assis de l’autre côté de la table, alors qu’il veut obtenir le meilleur règlement pécuniaire pour son client, tout en restant dans le respect du code de déontologie et dans le devoir de se comporter dignement? Ou comment délimiter la frontière entre la stratégie de négociation des avocats et les déclarations malicieuses qui pourraient être considérées comme un sérieux coup de canif dans l’obligation éthique et morale imposée aux disciples de Thémis par les obligations déontologiques?218

Par exemple, un avocat a déjà été reconnu coupable par le Conseil de discipline d’avoir agi de façon à surprendre la bonne foi de son confrère en se rendant coupable envers lui d’un abus de confiance en lui déclarant que son client n’aurait d’autre choix que de faire cession de ses biens si son offre était refusée, alors qu’il ignorait totalement la situation financière de son client. Le Conseil de discipline a déclaré que l’intimé avait ainsi tenté d’induire son confrère en erreur et que tromper un confrère ou lui affirmer des faits qui ne sont pas exacts constitue un abus de confiance.219

216 Avocats (Ordre professionnel des) c Cordeau, DDE 98D-58 (CD), p 5. 217 Lanctôt, « Les devoirs envers la profession », supra note 215 à la p 138.

218 Amelia Salehabadi, L’avocat dans la cité entre éthique et professionnalisme, Droit-inc, 2011, en

ligne: <http://www.droit-inc.com/article5502-L-avocat-dans-la-cite-entre-ethique-et- professionnalisme>.

219 Avocats (Ordre professionnel des) c Desrosiers, CD Bar, 23 janvier 2003, AZ-50161663; appel sur

Par ailleurs, le fait de surprendre la bonne foi d’un confrère et ainsi abuser de sa confiance n’exige pas la preuve de la mauvaise foi lors de la commission de l’acte illégal220.

L’article 5 du chapitre XVI du Code de déontologie professionnelle du Barreau canadien mentionne également que :

L’avocat ne doit pas utiliser de magnétophone ou autre appareil enregistreur, que ce soit lors de conversations avec son client, un confrère ou toute autre personne, même si la pratique est licite, sans d’abord avertir la personne intéressée de son intention.

En somme, l’avocat doit, dans ses rapports avec les autres avocats, fuir toute ambiguïté et éviter les faux-fuyants, les demi-vérités et jouer à livre ouvert221.

L’avocat doit s’acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité, et ce, quel que soit le mode d’exercice de sa profession.

Quoi que l’article 37222 traitant de l’obligation d’honnêteté soit de droit nouveau, il

s’agit du pendant de l’obligation d’intégrité prévue au préambule et à l’article 20 du nouveau Code de déontologie223. Cette obligation d’honnêteté s’impose d’autant plus dans le contexte plus informel des pourparlers – qu’il s’agisse de la simple négociation ou de la médiation – où les parties doivent avoir d’autant plus de raisons de compter sur la bonne foi pour régler leur conflit de manière plus rapide, effective et à moindre coût. Ainsi, nous sommes d’avis que les cas limites doivent faire l’objet d’une appréciation au cas par cas et que le nouveau Code de déontologie, en imposant une obligation stricte d’honnêteté et d’intégrité, encadre correctement les devoirs d’un avocat-accompagnateur dans le cadre d’un processus de médiation.

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