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Ce travail s’inscrit dans l’optique d’un diagnostic ou d’une thérapie des glioblastomes par la IdUrd radiomarquée. L’administration de IdUrd radiomarquée lors d’une thérapie se ferait dans la cavité postopératoire après résection de la tumeur, alors que le diagnostic se ferait par injection systémique. Ce travail avait donc pour but d’évaluer la faisabilité d’un diagnostic ou d’une thérapie des glioblastomes par la IdUrd radiomarquée. L’incorporation dans l’ADN et les effets radio-cytotoxiques de la IdUrd marquée à l’125Iode ([125I]IdUrd) ont été évalués in vitro dans trois lignées cellulaires

humaines de glioblastomes. Ces lignées ont été choisies en fonction de leur expression différentielle du gène p53 : la lignée U87 est homozygote de type sauvage ; la lignée

LN229 est hétérozygote ; la lignée U251 est homozygote de type mutant. Comme p53 induit un arrêt en phase G1 tardive du cycle cellulaire en présence de dommages dans

l’ADN, afin de permettre sa réparation ou l’apoptose, ces lignées pouvaient réagir différemment aux dommages causés par les rayonnements Auger de la [125I]IdUrd.

Dans une seconde étape, la biodistribution de la [125I]IdUrd a été analysée dans la

tumeur et les tissus sains de souris nues xénogreffées avec les mêmes lignées humaines de glioblastomes.

Comme l’utilisation clinique de la IdUrd radiomarquée est limitée par sa dégradation rapide dans la circulation sanguine et par son incorporation tumorale restreinte aux cellules cancéreuses en phase S, différentes stratégies ont été étudiées pour augmenter son taux d’incorporation dans l’ADN des cellules cancéreuses. Alors qu’une augmentation de l’intensité du marquage par cellule est préférable dans le cadre d’un diagnostic, une thérapie nécessite plus spécifiquement l’augmentation du nombre de cellules cancéreuses ciblées par la IdUrd radiomarquée. Cette augmentation peut être obtenue de différentes façons : 1) en favorisant l’incorporation de la IdUrd radiomarquée dans l’ADN ; 2) en stimulant les cellules cancéreuses à s’engager en phase S ; 3) en rendant les cellules cancéreuses plus accessibles à la IdUrd radiomarquée.

Dans ce travail, une première approche a été d’inhiber les enzymes impliquées dans la synthèse endogène de dThd, afin de favoriser l’incorporation de IdUrd radiomarquée dans l’ADN par la voie de récupération des nucléotides. La dihydrofolate réductase, dont la réaction catalyse la synthèse du méthylène-tétrahydrofolate, le donneur du groupe méthyle dans la synthèse de novo de dTMP, peut être bloquée par l’aminoptérine ou le méthotrexate. Des expériences ont été réalisées ici avec le méthotrexate. Toutefois, les résultats n’ont pas été concluants, car le méthotrexate paraissait bloquer irréversiblement les cellules, avant même qu’elles aient pu incorporer la IdUrd radiomarquée dans leur ADN. Une autre possibilité était d’inhiber directement la synthèse de novo de dTMP par le 5-fluorouracile (5-FU) ou la 5-fluoro-2’- désoxyuridine (FdUrd). Cette approche n’était pas nouvelle. Cependant, elle a été abordée essentiellement dans une optique thérapeutique. Plusieurs études ont montré qu’il n’était pas toujours possible d’augmenter la toxicité de la IdUrd radiomarquée par la FdUrd ou le 5-FU, même si l’incorporation nucléaire de IdUrd radiomarquée était augmentée (102-108). Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour en expliquer la raison. D’une part, la FdUrd ou le 5-FU augmenterait l’incorporation de IdUrd dans l’ADN des cellules qui sont déjà en phase S, sans augmenter le nombre de cellules en phase S. D’autre part, la FdUrd et le 5-FU bloqueraient définitivement toutes les cellules après qu’elles aient incorporé la IdUrd dans leur ADN, si bien que la toxicité de la IdUrd radiomarquée ne ferait que se superposer à celle de la FdUrd. Dans ce dernier

cas, l’utilisation de l’131Iode devrait se révéler plus appropriée, puisque ses rayonnements β- devraient permettre de toucher les cellules environnantes qui n’ont pas

été ciblées par la FdUrd ou la IdUrd radiomarquée. Dans tous les cas, cependant, l’augmentation de l’incorporation de IdUrd radiomarquée dans l’ADN après inhibition de la TS reste intéressante dans une optique diagnostique. Les résultats présentés dans ce travail démontrent que l’injection combinée de IdUrd radiomarquée avec de faibles concentrations de FdUrd peut améliorer grandement la détection scintigraphique de tumeurs greffées sur des souris nues (109, 110).

Dans une approche thérapeutique plus directe, cette fois-ci, il a été observé dans ce travail que l’administration combinée de IdUrd radiomarquée et non-marquée permettait non seulement d’augmenter l’incorporation de IdUrd radiomarquée dans l’ADN, mais aussi sa cytotoxicité (111). Ces résultats étonnants étaient en contradiction avec d’autres résultats publiés, qui montraient que l’incorporation de IdUrd radiomarquée dans l’ADN était inhibée compétitivement par la IdUrd non-marquée (112, 113). Toutefois, l’augmentation de l’incorporation de IdUrd radiomarquée par l’administration de IdUrd non-marquée a été confirmée in vitro dans trois différentes lignées humaines de glioblastomes et in vivo dans des souris nues xénogreffées (114). L’étude des mécanismes sous-jacents semble indiquer que des concentrations micromolaires de IdUrd non-marquée pourraient stimuler plus de cellules à s’engager en phase S au moment du traitement avec la IdUrd radiomarquée. Cette constatation a amené à s’interroger si la disponibilité de précurseurs de l’ADN ne pouvait pas être un facteur limitant pour la prolifération cellulaire.

Une troisième partie du travail a donc consisté à évaluer le potentiel de différents mélanges de désoxyribonucléosides pour stimuler les cellules cancéreuses à entrer en phase S et incorporer la IdUrd radiomarquée dans leur ADN. Les résultats ont montré que l’abondance de précurseurs joue effectivement un rôle dans l’entrée des cellules en phase S. En effet, le taux d’incorporation de IdUrd radiomarquée dans l’ADN était augmentée in vitro par l’administration d’un mélange de désoxyribonucléosides dans les trois lignées de glioblastomes testées. L’effet était d’autant plus marqué que les cellules étaient confluentes. De plus, la composition du mélange en désoxyribonucléosides semblait influencer sa capacité à promouvoir l’incorporation de IdUrd radiomarquée dans l’ADN (115).

Une autre approche cherchant à moduler la synthèse des nucléotides précurseurs de l’ADN n’a pas donné de résultats concluants. La ribonucléotide réductase réduit les ribonucléotides en provenance de l’ARN en désoxyribonucléotides destinés à l’ADN. Son inhibition par la fluoro-méthyl-désoxycytidine devrait donc favoriser l’utilisation de désoxyribonucléosides exogènes pour la synthèse d’ADN.

Cependant, l’administration combinée de désoxyribonucléosides et de fluoro- méthyl-désoxycytidine n’a pas permis d’augmenter l’incorporation de la IdUrd radiomarquée dans l’ADN au-delà de ce qui était obtenu avec un mélange de désoxyribonucléosides seul. La division cellulaire était là aussi probablement bloquée.

En définitive, cette étude translationnelle propose de nouvelles stratégies pour optimiser l’utilisation diagnostique ou thérapeutique de la IdUrd radiomarquée dans le cadre des glioblastomes. Certaines propositions font déjà l’objet d’une étude clinique pour la détection scintigraphique de tumeur chez des patients atteints de glioblastomes.

Chapitre 3