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Elucider le rôle des interactions virus-pesticide dans le déclin des abeilles domestiques est un enjeu important dans un contexte de pertes élevées de colonies, d’émergence ou de réémergence de maladies et d’utilisation de nouvelles molécules insecticides. Cette thèse a pour objectif d’approfondir les connaissances encore parcellaires sur ces interactions en utilisant comme modèles deux virus (le CBPV et le DWV) et un pesticide de la famille des néonicotinoïdes (le thiaméthoxam).

Ces combinaisons de stress ont été choisies en raison de leur potentiel d’occurrence et d’impact significatif sur la santé des colonies d’abeilles domestiques. Les infections par le DWV comme le CBPV sont fréquentes et elles s’accompagnent parfois de signes cliniques clairement décrits (par exemple ailes déformées et abeilles tremblantes, respectivement) voire d’affaiblissements ou encore de mortalités de colonies (plus particulièrement pour le DWV). Toutefois, ces infections virales peuvent être aussi inapparentes et les mécanismes d’apparition des troubles sur la santé de l’abeille restent encore méconnus. Enfin, ces deux virus sont très différents non seulement sur le plan génétique et structurel mais aussi sur leur mode de transmission (le CBPV est essentiellement transmis par contact alors que le DWV est principalement transmis par l’acarien Varroa destructor).

Les études sur l’impact du thiaméthoxam (ou de son métabolite la clothianidine) sur la santé des abeilles sont nombreuses et ont fait l’objet de controverses (Hoppe et al., 2015; Pilling et al., 2013). Les conclusions différentes de certaines études pourraient être associées à la méconnaissance des mécanismes de métabolisation du pesticide chez l’abeille. Ces mécanismes eux-mêmes pourraient être sous la dépendance d’interactions avec d’autres facteurs impactant la santé des colonies d’abeilles, notamment des virus. Peu d’interactions de ce type ont déjà été testées. Les interactions citées dans l’introduction générale de ce manuscrit sont pour la plupart observées après exposition, d’abeilles naturellement infectées à un pesticide. Ces conditions expérimentales difficilement maitrisables (notamment la charge

virale, non contrôlée) impactent la reproductibilité des résultats et limitent les conclusions sur les mécanismes d’interaction.

Afin d’effectuer des expérimentations avec une répétabilité accrue, des études de co -exposition ont été réalisées avec des abeilles saines, injectées avec un inoculum viral (exemple des travaux de Di Prisco et al., 2013 et de Doublet et al., 2015). Bien que la voie naturelle et principale de transmission du DWV par Varroa destructor s’effectue aussi par le percement de la cuticule (lorsque l’acarien se nourrit de l’hémolymphe de l’abeille), il a notamment été observé qu’un simple percement de la cuticule sans injection avait un effet spécifique sur le système immunitaire de l’abeille (Alaux et al., 2014; Evans et al., 2006; Siede et al., 2012). L’inoculation virale par injection implique donc des manipulations pouvant générer des stress et en conséquence des biais expérimentaux.

Ces connaissances limitées sur les mécanismes d’action des facteurs de stress agissant sur l’abeille ne sont pas les seules. Concernant l’effet des pesticides, il n’existe à notre connaissance aucune étude déterminant la cinétique de métabolisation du thiaméthoxam dans les abeilles. De plus, les quelques études concernant des interactions utilisent en général des doses aigues de pesticides, alors qu’il a été démontré que les abeilles peuvent également être exposées de façon chronique par l’accumulation des pesticides dans les ruches (Chauzat et al., 2011; C. A. Mullin et al., 2010c).

Avant d’étudier les effets d’interactions entre un pesticide et un virus, j’ai donc exploré certaines questions concernant chacun de ces facteurs de stress (biotique et abiotique) :

Est-il possible de substituer l’injection de virus pour reproduire et étudier les infections virales en conditions expérimentales d’une façon plus proche des voies naturelles de transmission ?

Quel est le devenir du thiaméthoxam et de son métabolite la clothianidine dans des abeilles exposées de façon chronique à des doses sublétales ?

Sur la base de ces résultats préliminaires j’ai développé des conditions expérimentales plus proches des conditions naturelles de co-expositions et ai ainsi évalué les interactions qui pouvaient en découler, de la façon la plus répétable possible, tout en connaissant mieux le

77 comportement du pesticide modèle chez l’abeille. Les questions alors posées étaient les suivantes :

Quels sont les effets d’une co-exposition entre le CBPV ou le DWV et le thiaméthoxam :

o Sur la mortalité des abeilles ?

o Sur les charges virales du virus étudié (et éventuels effets colatéraux sur les autres virus présents naturellement dans les abeilles testées) ?

o Sur différents traits du comportement ?

Les effets observés peuvent-ils être expliqués par un effet de l’un, de l’autre ou de l’interaction entre ces facteurs sur l’expression de gènes de l’immunité ou de la détoxication ?

Les réponses à ces questionnements scientifiques sont apportées dans les trois chapitres et sous chapitres de la partie expérimentale de ce manuscrit.

Le chapitre 1 traite de la métabolisation du thiaméthoxam et des effet de la co-exposition avec le CBPV chez l’abeille domestique, en conditions contrôlées en laboratoire. Après une brève introduction commune il est divisé en trois parties, correspondant à tout d’abord une expérience préliminaire de développement d’une méthode de transmission du CBPV par contact, puis à deux articles scientifiques :

Article 1 : Metabolisation of thiamethoxam (a neonicotinoid pesticide) and interaction with the Chronic bee paralysis in honeybees. Marianne Coulon, Frank Schurr, Anne-Claire Martel, Nicolas Cougoule, Adrien Bégaud, Patrick Mangoni, Anne Dalmon, Cédric Alaux, Yves Le Conte, Richard Thiéry, Magali Ribière-Chabert and Eric Dubois (article accepté et en voie de publication dans Pesticide Biochemistry and Physiology au 21/10/2017).

Article 2 :Chronic exposure to thiamethoxam can promote Chronic bee paralysis virus infections in honeybees. Marianne Coulon, Frank Schurr, Anne-Claire Martel, Nicolas Cougoule, Adrien Bégaud, Patrick Mangoni, Gennaro Di Prisco, Anne Dalmon, Cédric Alaux, Magali Ribière-Chabert, Yves Le Conte, Richard Thiéry, and Eric Dubois.

Le chapitre 2 est divisé en deux parties, l’une concernant la co-exposition du thiaméthoxame avec le DWV en conditions naturelles dans la colonie, l’autre décrivant l’obtentiond’un clone cDNA du DWV et les tests d’infectivité. Après un en-tête introductif rappelant les questions de recherche et la démarche suivie ces deux parties sontprésentées sous la forme d’articles scientifiques :

Article 3 : Interactions between thiamethoxam and Deformed wing virus can drastically impair behaviour of free flying honey bees. Marianne Coulon, Anne Dalmon, Gennaro Di Prisco, Alberto Prado, Florine Arban, Magali Ribière-Chabert, Eric Dubois, Richard Thiéry, Yves Le Conte

Article 4 : Construction of a cDNA clone of Deformed wing virus A and A/B recombinant (genus Iflavirus, family Iflaviridae). Marianne Coulon, Cécile Desbiez, Benoît Moury, Cédric Alaux, Yves Le Conte, Magali Ribière-Chabert, Richard Thiéry, Eric Dubois, Anne Dalmon. (Cet article n’est pas publiable tel quel et des expériences supplémentaires devront être effectuées afin de le compléter en vue d’une publication).

Le dernier chapitre décrit une discussion générale de l’ensemble de ces résultats et les perspectives scientifiques qui y sont liées.

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Chapitre 1 :

Etude en laboratoire des effets de la co­

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