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C- LE CADRE THÉRAPEUTIQUE

6) La prise en soin d’Etienne en psychomotricité

6.2. Les objectifs en psychomotricité

De ce bilan, et des écrits du CRA, des axes de travail sont identifiables. En psychomotricité, comme exprimé plus haut, les objectifs vont être définis par rapport aux troubles du comportement que peut présenter Etienne, par rapport à ses difficultés de relation et de communication, ainsi qu’un travail sur la socialisation. Le mardi, la psychomotricienne reçoit Etienne, en binôme. Et nous sommes la psychomotricienne et moi-même présentes avec Etienne pour les séances du vendredi, en trinôme.

Lors de cette proposition de prise en soin à deux psychomotriciennes avec Etienne, je me demandais si ma présence ne serait pas de trop. La relation étant compliquée à mettre en place pour Etienne avec une personne, je pensais qu’amener une deuxième personne pourrait être une contrainte de plus non nécessaire dans cette prise en soin. Par la suite, je compris que cette tiercéité entrainait une dynamique psychique particulière. « La tiercéité est la forme du lien, de l’entre-deux, elle est à la fois intermédiation, différenciation, accomplissement et mise en cause de la continuité ». Par cette proposition, nous cherchons à ce qu’Etienne puisse s’unifier et se différencier pour ensuite créer du lien avec l’Autre.

55 Par une prise en soin contenante, c’est-à-dire, régulière, fiable, prévisible, et identique dans son déroulement, ritualisée, le but est d’amener Etienne à se sentir contenu, porté.

Un parallèle est possible avec le « holding » de Winnicott, où la mère suffisamment bonne, par sa protection, a un rôle de pare-excitation. Cette fonction est fondamentale pour l’intégration du Moi.

Pour renforcer ce sentiment de contenance, des couvertures sont disponibles pour Etienne et lorsqu’il s’y intéresse, nous l’aidons à s’y enrouler, s’y cacher. Par l’accompagnement et la symbolisation effectuée par la psychomotricienne et moi-même, la considération de ses limites corporelles est en scène. Cet axe de travail sur le contenant, contenu et les limites est très important avec ce petit garçon, afin qu’il s’unisse lui-même pour pouvoir considérer l’Autre.

Il est indispensable de favoriser un sentiment de confiance chez Etienne afin qu’il puisse avoir des expériences de corps tolérables et assimilables par lui ainsi que des expériences de relation. « Toute l’amorce d’échanges suppose de la part de l’enfant la perception d’une présence, la reconnaissance d’un corps, d’un espace et de séquences temporelles rythmées. » B. Golse explique que les expériences corporelles peuvent prendre sens et être représentées dans l’appareil psychique du patient grâce à la verbalisation et notamment dans la relation avec le psychomotricien.

Nous abordons l’utilisation de l’imitation avec Etienne car c’est une forme d’interaction, de relation. L’imitation a deux rôles dans le développement humain : l’apprentissage par observation de ses congénères et la communication avec autrui. L’imitation est indispensable pour la mise en place du langage et c’est également l’une des conditions essentielles de la vie sociale. Le langage non verbal pourrait être enrichi par ses expériences d’imitations et ainsi pallier à ce retard du développement du langage parlé chez Etienne, avec pour l’instant peu de tentatives de compensation par d’autres modes de communication.

Afin d’encourager la communication non verbale chez Etienne, nous sommes très attentives et valorisons les différentes expressions corporelles qu’il initie comme prendre par la main pour faire quelque chose avec lui. De plus, l’utilisation de la transmodalité est aussi intéressante pour entrer en contact avec Etienne. En accompagnant vocalement ses activités de répétition de lancer de balle par exemple, nuancer le ton de la voix sur les différents temps du trajet de cette balle l’interpelle. L’objectif est la création de la relation à l’Autre.

56 Un travail dans un but de socialisation, par rapport à l’école, est aussi entrepris avec notamment l’apprentissage de règles de base, comme attendre son tour lors d’un parcours par exemple. Les acquisitions en séance de psychomotricité sont très contextualisées et c’est leur répétition qui permettra leur intégration et leur généralisation à l’extérieur, comme à l’école.

Cette prise en soin comporte « les trois temps logiques du soin en institution par rapport aux enfants psychotiques et autistes », dont parle P.Delion.

D’abord, la fonction phorique qui concerne l’accueil matériel et les conditions dans lesquelles on accueille psychiquement le patient. L’équipe suffisamment bienveillante, par laquelle le patient va se sentir accueilli, porté, afin qu’il puisse mettre en place un transfert dans ce lieu. Nous essayons de repérer ce qui génère les stéréotypies et les conduites compensatoires chez Etienne, afin d’aménager le contexte de façon à ce qu’il ait le moins possible recours aux stimulations, aux accrochages hypertoniques. Car ce sont des moments où il est aux prises avec la sensorialité et il ne peut pas élaborer des constructions mentales, psychiques et représentatives. Ainsi, en faisant attention à l’environnement et à nos propositions, nos postures et nos présences, Etienne sera plus disponible à l’échange, à la relation et à un travail psychique. Ensuite, la fonction sémaphorique qui consiste à ce que nous recevions ces signes dans notre appareil psychique où ils s’inscrivent car nous sommes en disposition de les recevoir. Cette étape précède celle permettant la production de sens, de représentation. C’est la transformation de la "matière psychique" en signes repérables, partageables et interprétables. Ce sont les « signifiants primordiaux » de B. Golse. Etienne doit se sentir suffisamment en confiance, dans un environnement acceptable pour lui, afin de pouvoir se montrer, se mettre en scène. Cette étape peut prendre du temps, il faut être vigilant dans l’observation clinique et s’ajuster en permanence.

Puis, la fonction métaphorique qui permet de donner du sens institutionnellement, en équipe. C’est la réflexion en équipe des objectifs d’accompagnement d’Etienne. La verbalisation et la représentation en équipe de ce qui se passe en séance, afin d’y mettre du sens. Les réunions de synthèse ont lieu tous les mardis matin. Je ne peux y être présente, mais la psychomotricienne me fait part de ce qui en ressort. C’est un temps indispensable permettant à l’équipe de s’ajuster à l’évolution d’Etienne.

Ce cadre détermine la nature thérapeutique des relations au sein de la prise en soin en psychomotricité d’Etienne. Ce dernier peut l’investir car il lui est adapté singulièrement.

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