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INTRODUCTION GENERALE

5. Objectifs, hypothèses, et justification de la démarche

a. Les objectifs de la thèse

Le cadre global de ce travail de thèse est d’étudier les effets du changement climatique et d’un extrême climatique, tel qu’une canicule-sécheresse sur le fonctionnement et la structure de l’écosystème prairial. La problématique centrale de la thèse est de déterminer les mécanismes impliqués dans la résistance et la récupération à court terme des communautés végétales, via la diversité des stratégies fonctionnelles pour l’acquisition des ressources et la résistance à la sécheresse. Elle sera complétée par l’étude du rôle joué par les pratiques agricoles (gestion) pour renforcer ces processus.

Sur la base de l’analyse de la littérature, et de notre connaissance actuelle des mécanismes de résistance et de résilience des communautés prairiales à des évènements extrêmes, ce travail de thèse a pour principaux objectifs :

(1) d’analyser les effets directs d’une canicule-sécheresse sur le fonctionnement et la structure de la prairie permanente, en prenant en compte les interactions possibles avec le réchauffement moyen, la variabilité des précipitations et la gestion par la fauche ; (2) de déterminer les mécanismes physiologiques impliqués dans la stabilité de la

structure des communautés et des processus de fonctionnement après une perturbation extrême.

b. Les hypothèses de recherche

Compte tenu de l’état de l’art préalablement établi, et des exemples récents de canicule-sécheresses en Europe, nous avons construit plusieurs hypothèses pour répondre à nos objectifs:

(H1) : La canicule et la sécheresse de l’année 2003 (températures dépassant de 6°C les normales saisonnières, déficits de pluviométrie atteignant 300 mm) ont entraîné une baisse de la production fourragère estimée à 40% par rapport aux moyennes annuelles de la décennie précédente. Ce fait nous indique qu’une canicule-sécheresse est à même d’induire une perte

importante de la production fourragère, avec des effets rémanents possibles. Nous faisons donc l’hypothèse que cela peut s’expliquer par des changements dans la structure et la composition des communautés végétales. Néanmoins des études (voire § 2.a, Chap. 1) relatent que sous l’effet d’un accroissement de la température, les processus aériens et souterrains de l’écosystème (production aérienne et racinaire, mortalité et turnover racinaires) sont stimulés. Nous pensons donc que ces effets positifs d’un climat plus chaud pourraient améliorer la résistance et/ou la récupération des communautés végétales après un extrême climatique. (H2) : Les racines sont directement impliquées dans les stratégies d’acquisition des ressources (absorption des nutriments et conductivité hydraulique) et d’évitement à la sécheresse (maintien de prélèvements hydriques) (voir § 3.b, Chap. 1). Cela suggère que la tolérance à la déshydratation et la survie des racines à un extrême climatique auraient un rôle prépondérant dans la résistance et la récupération des processus de l’écosystème prairial.

(H3) : La théorie de la redondance fonctionnelle suggère qu’une diversité élevée conduit à un chevauchement des niches écologiques des espèces qui renforce la stabilité des processus de l’écosystème (voir § 1.b, Chap. 1). Ainsi, nous faisons l’hypothèse que la diversité spécifique et la redondance fonctionnelle des communautés pourraient avoir un effet positif sur la résistance et la récupération de la production aérienne et/ou souterraine de l’écosystème prairial soumis à un extrême climatique.

(H4) : Des études sur le métabolisme des sucres de réserve dans les plantes herbacées (fructanes et saccharose par exemple) laissent apparaitre un lien direct entre la teneur en sucre et la résistance de ces espèces à la sècheresse (voir § 3.b, Chap. 1). Nous pouvons donc faire l’hypothèse que la capacité des populations dominantes à accumuler des sucres solubles dans les méristèmes foliaires, les racines et/ou les organes de réserves serait un processus clef dans les stratégies de survie et de récupération de ces espèces.

(H5) : En partant des observations réalisées au champ, il apparaît que les pratiques agricoles affectent la morphologie et le fonctionnement des plantes (voir § 1.c). Cela suggère qu’en agissant sur le métabolisme des réserves glucidiques, la structure et la composition des communautés végétales, un régime de fauches intensif pourrait réduire la capacité de résistance et de récupération des processus aériens et souterrains de l’écosystème prairial.

c. Justification de la démarche

Ce travail de thèse est basé sur une approche structurelle et fonctionnelle, inspirée de celle proposée par Suding et al. (2003) (Fig. 1-20), avec la volonté de coupler les processus aériens et souterrains dans notre analyse du fonctionnement et de la structure de l’écosystème prairial.

Notre démarche est donc hiérarchisée sur plusieurs échelles spatiales (de la communauté végétale à l’organe de la plante) et temporelles afin d’évaluer la capacité de résistance et de récupération de l’écosystème prairial et de déterminer les mécanismes sous-jacents. Pour cela, deux expérimentations complémentaires ont été réalisées. Les choix adoptés dans l’élaboration de ce travail sont justifiés dans la partie suivante mais les détails concernant la mise en place des dispositifs et les mesures réalisées sont présentés dans le Chapitre. 2.

Expérimentation in situ, suivi des communautés végétales pendant 3 ans

Notre démarche commence par analyser in situ les réponses des communautés végétales et des groupes fonctionnels aux perturbations climatiques sous l’effet de la gestion par la fauche. Les expérimentations in situ permettent d’étudier le fonctionnement des écosystèmes avec un minimum d’artefacts (Carpenter, 1990; Beier et al., 2004, 2012). De plus, les manipulations multifactorielles du climat sont des outils importants pour comprendre l’action des facteurs climatiques sur le fonctionnement des écosystèmes (Norby & Luo, 2004; Jentsch et al., 2007; Mikkelsen et al., 2007; Beier et al., 2012). Pour manipuler le microclimat (températures et précipitations) de la végétation in situ, un ensemble de dispositifs originaux a été choisi avec la volonté de réduire les biais expérimentaux. Ainsi pour simuler un accroissement important de la température, à même de mimer un épisode caniculaire, nous avons utilisé un dispositif mobilisant le réchauffement par infrarouge. Cette technique présente l’avantage de chauffer la végétation de la même manière que le rayonnement solaire avec un minimum d’effets indésirables sur la végétation et le sol (Nijs et al., 1996; Beier et al., 2004). Un dispositif de réchauffement passif a donc été retenu pour augmenter les températures minimales pendant la nuit (Beier et al., 2004). Ce système est basé sur l’utilisation de rideaux automatiques la nuit et permet de maintenir le rayonnement infrarouge réémis par le sol pendant la nuit au sein de la végétation avec un gradient thermique réaliste. Ce système automatique permet aussi d’intercepter les précipitations naturelles et de contrôler ainsi les apports d’eau. Cela nous permet de simuler une sécheresse dans des conditions in situ, par un contrôle minutieux des apports d’eau. En complément, un dispositif de réchauffement actif, basé sur l’utilisation de lampes infrarouges, a été choisi pour simuler in situ une vague de chaleur avec un différentiel de température constant (Kimball, 2005; Kimball et al., 2007).

Figure 1-20. Différents niveaux de réponse des communautés végétales, de l’individu à l’abondance des espèces. Les compromis fondamentaux s’exercent à l’échelle de l’individu et peuvent être mesurés par les traits fonctionnels en conditions optimales. Les compromis secondaires sont directement liés aux compromis fondamentaux et correspondent à la réponse des organismes aux facteurs de l’environnement. Ils peuvent donc être déterminés par l’étude des traits sous des gradients environnementaux ou à la suite d’une perturbation. A partir de ces compromis, il est possible d’évaluer l’abondance des populations le long des gradients écologiques (source : Suding et al., 2003)

Cette expérimentation suivie pendant 3 ans, a produit des résultats (voir Chapitres 3 et 4) qui nous ont conduits à nous questionner sur les principaux processus de fonctionnement aériens et souterrains à l’échelle des communautés impliquées. En recoupant nos observations et l’analyse de la littérature nous avons choisi de focaliser notre étude sur la production de biomasse, la composition fonctionnelle et spécifique de la couverture végétale, et la démographie racinaire. En effet ces mécanismes permettent de modéliser les éléments clefs de la réponse du couvert à des perturbations climatiques extrêmes.

Expérimentation en conditions semi-contrôlées, suivi des populations

Si notre analyse in situ apporte des éléments de réponses sur les régulations au sein de la communauté, elle ne permet pas d’analyser finement les mécanismes physiologiques sous-jacents. Pour ce faire, sur la base de la composition botanique des communautés étudiées dans notre première expérimentation, des espèces prairiales ont été sélectionnées selon leurs réponses spécifiques observées in situ. L’enjeu était de pouvoir réduire la complexité de la communauté végétale à quelques espèces modèles afin d’étudier les mécanismes de réponse à la sécheresse, à l’échelle des populations. Pour cela, une deuxième expérimentation a été menée à partir de monocultures en conditions semi-contrôlées. Afin de déterminer le rôle de la stratégie d’évitement dans la réponse à la sécheresse des populations étudiées, deux

systèmes de cultures ont été choisis de manière à contraindre (bacs) ou non (tubes) l’enracinement en profondeur du système racinaire. Pour limiter les biais expérimentaux sur le rayonnement ou le vent liés à l’utilisation de serres ou de chambres de cultures (Carpenter, 1989, 1990), nous avons développé une plateforme de « phénotypage » afin de manipuler à l’extérieur le facteur précipitation. Pour cela, un abri automatique et transparent a été utilisé pour intercepter les précipitations naturelles, et un réseau de balances a été mis en place pour contrôler les apports d’eau de chaque population, via un système d’acquisition des données, et permettre des comparaisons interspécifiques. Pour approcher les mécanismes physiologiques qui nous intéressent, nous avons mobilisé l’approche de l’écologie fonctionnelle en sélectionnant des traits morphologiques et physiologiques, aériens et souterrains, à même de nous renseigner sur le fonctionnement de ces populations.

Les traits mesurés ont été choisis selon les fonctions écologiques reliées à l’acquisition des ressources (la teneur en matière sèche, la vitesse de croissance foliaire, la profondeur d’enracinement et la distribution des racines, etc.), le statut hydrique (teneur en eau des limbes, racines et méristèmes foliaires), et le métabolisme des sucres solubles (teneurs en sucres totaux, fructanes, saccharose dans les méristèmes foliaires, racines, apex et organes de réserves). Ces traits ont d’abord été mesurés en conditions optimales pour déterminer les compromis fondamentaux (potentiel de croissance, acquisition des ressources) des différentes populations (Suding et al., 2003). Puis les compromis secondaires ont été analysés en conditions de sécheresse modérée et sévère afin de caractériser les stratégies fonctionnelles de résistance à la sécheresse.

Le cadre conceptuel de la thèse sous-jacent à notre démarche de travail est représenté dans la figure 1-21.

Figure 1-21. Cadre conceptuel sous jacent à la démarche de la thèse

d. Présentation du plan de la thèse

Le chapitre suivant (Chap. 2) présente en détails la mise en place des deux expérimentations et les protocoles utilisés pour l’acquisition des données. Les résultats de cette thèse sont présentés sous forme d’article en anglais et sont organisés en trois grandes parties. Les résultats expérimentaux des processus aériens observés in situ à l’échelle des communautés seront présentés dans le chapitre 3. Ce chapitre a pour objectif de quantifier les effets directs et indirects du réchauffement moyen, de la variabilité des précipitations et d’une canicule-sécheresse sur la production de biomasse, sur la composition fonctionnelle et spécifique en interaction avec la fauche. Le chapitre 4 se concentre sur les processus racinaires étudiés sur la même expérimentation in situ. Il s’agira de déterminer le rôle du système racinaire dans la récupération des processus de fonctionnement aérien. Dans le chapitre 5, les stratégies fonctionnelles de résistance à la sécheresse des populations prairiales sont caractérisées à partir des résultats de la deuxième expérimentation. Enfin dans un dernier chapitre (Chap. 6), ces résultats seront discutés et mis en perspectives avec la littérature récente.

Changement climatique (température, précipitations) Couvert végétal: Composition, diversité Micro-organismes du sol Plantes Couvert végétal: Production, échanges gazeux Système racinaire: Densité, profondeur

Disponibilité des ressources (eau, nutriments)

Système racinaire: Production et mortalité racinaire, échanges gazeux

Interactions biotiques entre les compartiments Effets directs du changement climatique Effets indirects du changement climatique Facteurs environnementaux Compartiments de l’écosystème prairial

Gestion Fonctionnement Structure TRAITS Aériens et racinaires Changement climatique (température, précipitations) Couvert végétal: Composition, diversité Micro-organismes du sol Plantes Couvert végétal: Production, échanges gazeux Système racinaire: Densité, profondeur

Disponibilité des ressources (eau, nutriments)

Système racinaire: Production et mortalité racinaire, échanges gazeux

Interactions biotiques entre les compartiments Effets directs du changement climatique Effets indirects du changement climatique Facteurs environnementaux Compartiments de l’écosystème prairial

Gestion Fonctionnement Structure Changement climatique (température, précipitations) Couvert végétal: Composition, diversité Micro-organismes du sol Plantes Couvert végétal: Production, échanges gazeux Système racinaire: Densité, profondeur

Disponibilité des ressources (eau, nutriments)

Système racinaire: Production et mortalité racinaire, échanges gazeux

Interactions biotiques entre les compartiments Effets directs du changement climatique Effets indirects du changement climatique Facteurs environnementaux Compartiments de l’écosystème prairial

Gestion

Fonctionnement Structure

TRAITS Aériens et racinaires

Chapitre 2 :